“Frog in Boiling Water” de DIIV : un bain slowcore à infusion lente pour voir le monde de biais
Il y a des images qui frappent plus que d’autres, se changent en instantanés au 1er regard, jusqu’à produire des réminiscences à chaque évocation du sujet concerné. Avec DIIV, formation originaire de Brooklyn créée en 2011 par le chanteur-guitariste...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
Il y a des images qui frappent plus que d’autres, se changent en instantanés au 1er regard, jusqu’à produire des réminiscences à chaque évocation du sujet concerné. Avec DIIV, formation originaire de Brooklyn créée en 2011 par le chanteur-guitariste Zachary Cole Smith, c’est toute une séquence de cavale nocturne qui ne cesse de remonter des profondeurs de la mémoire pour réapparaître à la moindre allusion au groupe new-yorkais.
La vision en question provient du vidéoclip de Doused, tube incontestable tiré de leur 1er album (Oshin, 2012), où le jeune Cole à la tignasse platine galope seul, guitare en main, à travers la nuit noire dans les rues désertes de New York. Si cette scène subsiste quelque part dans l’inconscient collectif, elle reste pour beaucoup, du moins à l’époque de la diffusion du clip, la porte d’entrée idéale vers la discographie des coqueluches dream pop d’alors. Nouvelle découverte, 1er souvenir. Mais si l’image perdure à la simple évocation de DIIV, c’est qu’elle ne pouvait pas mieux représenter la bande de Zachary Cole Smith et illustrer son parcours à venir.
Une balise sur l’état psychique du groupe
Après plus de dix ans d’une existence hantée par les addictions, les séjours en cure de désintoxication, les unes des tabloïds et les changements de line-up, DIIV semble avoir toujours été condamné à fuir le pire pour poursuivre le meilleur. Chaque disque des New-Yorkais s’efforce de maintenir l’équilibre. Et, à l’instar de ses prédécesseurs, Frog in Boiling Water, leur quatrième chapitre discographique, sert autant de balise sur l’état psychique du groupe qu’il offre à ses auteurs une nouvelle échappatoire cathartique.
Alors qu’ils s’étaient mis en tête de continuer sur la lancée du sombre Deceiver (2019), écrit et enregistré de manière collégiale dans les conditions du live selon une nouvelle formule sobre et efficace, Zachary Cole Smith, Colin Caulfield, Andrew Bailey et Ben Newman se sont vus contraints par la crise sanitaire de travailler à distance, laissant ainsi chacun écrire et expérimenter dans son coin avant de pouvoir espérer se réunir et dégrossir l’amas de demos, samples et autres échantillons de bandes pour leur quatrième LP.
De l’urgence des sessions de Deceiver, DIIV est donc passé à un nouveau fonctionnement plus complexe à appréhender : s’armer de patience pendant quatre ans et éviter de justesse de faire péricliter l’ensemble, parasité en cours de route par des conflits internes et une pression grandissante.
Du processus de création au contenu de l’album, tout tend alors à se confondre avec l’idée suggérée par le titre du disque, résumée par le groupe en ces termes : “Si vous plongez une grenouille dans un bol d’eau bouillante, elle essayera bien sûr d’en sortir. Mais si vous la mettez délicatement dans une casserole d’eau tiède et que vous la faites chauffer à feu doux, la grenouille sombrera dans une stupeur tranquille, exactement comme nous dans un bain chaud et, avec un sourire sur le visage, elle se laissera bouillir jusqu’à la mort.”
Frog in Boiling Water est ainsi une infusion lente, tant dans la conception des chansons que dans le concept qu’elles véhiculent et la sensation qui s’en dégage. Derrière la métaphore de la grenouille, illustration de l’effondrement lent et inévitable d’une société post-internet permis par l’endormissement des masses confortées dans un capitalisme latent, DIIV a donc pour ambition de réveiller les esprits en les plongeant dans la torpeur.
Inutile d’encore espérer déceler quelques traces du DIIV des débuts, ses guitares carillonnantes et son rythme affûté aux accents Kraut : les Américains s’enfoncent davantage dans un shoegaze au ralenti qui dépasse les frontières du slowcore. Mais contrairement à Deceiver, qui accueillait des riffs lourds et imposants, Frog in Boiling Water vient nuancer la noirceur avec des arrangements délicats, des respirations acoustiques (la sublime Everyone Out dans les pas d’Elliott Smith) et des nappes de synthés en toute discrétion (In Amber, Little Birds et l’envoûtante Soul-net).
Après avoir échappé à leurs démons, Cole et sa bande offrent ainsi un cadre plus lumineux à leur résilience et ouvrent désormais une voie teintée d’espoir face aux nouveaux défis auxquels ils se confrontent. “We’re nothing to the sprawl/But does that bring me pain or comfort?/It’s over now/But it will start again/The cycle goes around it never ends”, chante l’ex-blondinet sur le poignant morceau final Fender on the Freeway. Fuite ou poursuite et inversement. DIIV n’a pas fini de cavaler.
Frog in Boiling Water (Fantasy Records/Universal). Sortie le 24 mai.