Gaspard Augé : “J’étais terrorisé à l’idée de causer à l’être aimé”
La 1ère image érotique vue ? Je me souviens de BD érotiques cachées chez le père d’un voisin. Ça devait être Le Déclic de Manara. Quoique, la toute 1ère image érotique ça y est, je l’ai : c’était une BD de mon père, Arzach de Moebius. Une histoire...
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La 1ère image érotique vue ?
Je me souviens de BD érotiques cachées chez le père d’un voisin. Ça devait être Le Déclic de Manara. Quoique, la toute 1ère image érotique ça y est, je l’ai : c’était une BD de mon père, Arzach de Moebius. Une histoire sans paroles, où tu vois une femme nue de dos. Mais quand elle se retourne elle a une horrible tête d’extraterrestre. Ça m’avait traumatisé à l’époque, ce mélange d’excitation et de répulsion. La BD, c’était mon accès à l’érotisme. Le seul d’ailleurs. Il y avait le film du samedi soir sur Canal+, mais c’était crypté.
Tu dessinais toi-même ?
Je dessinais un peu mais c’était trop compliqué de dessiner des femmes nues crédibles, je n’étais pas assez doué.
Lisais-tu des magazines pornos ?
J’avais repéré un kiosque à Bastille qui, je ne sais pas pourquoi, laissait ses magazines érotiques et pornos à hauteur d’enfant. J’avais donc développé une technique : je posais une petite pochette sur un des magazines tout en faisant semblant de regarder autre chose. En reprenant ma pochette, j’embarquais un des magazines du dessous avec. J’aurais eu bien trop honte d’en acheter un.
La scène s’apparente au sexe ?
Si j’étais Mick Jagger, je te dirais oui ! Mais nous ne sommes pas dans une interprétation physique de notre musique. On est en retrait. On n’extériorise pas le rythme physiquement. Mais c’est certain que quand tu es chanteur-performeur, le langage corporel est très important et fait partie du fantasme global de l’artiste. J’ai toujours été hyper-fan de Bowie et de Prince, notamment pour cette raison. Ce sont les seuls artistes masculins qui sont restés sexys sur la longueur, tout en laissant planer le doute sur leur sexualité.
Qui incarnait la masculinité pour toi, ado ?
Il y a des hommes que je trouve très beaux. Enfin pas “beaux”, plutôt sexys. Mais ils ne m’ont pas aidé à construire ma masculinité. J’adore Patrick Dewaere, Pierre Clémenti, Joaquin Phoenix. Ce sont des mecs qui incarnent un truc un peu ambigu. Des hypersensibles. Je n’ai pas grandi avec des modèles de masculinité assumée. J’ai eu une adolescence introvertie.
Tu t’intéressais aux filles, aux garçons ?
J’avais une idée romantique de l’amour, et j’étais terrorisé à l’idée de causer à l’être aimé.
Qui est sexy ?
Quelqu’un d’intelligent et de drôle. Ça sonne convenu, mais bon. Quand tu es jeune, tu as un idéal de ce qu’est la beauté. Tu as grandi avec des images. Un archétype visuel se met dans ta tête. Heureusement, plus ça va, et plus ça se déconstruit et tu regardes d’autres choses.
Une scène de film hot ?
Je me souviens de voir avec mes parents Le Nom de la rose. Et une scène entre une jeune paysanne un peu sauvageonne qui vient corrompre un jeune moine. Ça m’avait pas mal émoustillé.
L’interdit est excitant ?
Pas que, mais c’est vrai que ça ajoute un peu de piment quand c’est clandestin. Aujourd’hui, beaucoup d’artistes causent de leur sexualité. Il y a une surexposition de l’intime… Chacun est libre de revendiquer sa sexualité ou de l’utiliser dans son processus créatif, mais pour moi, sans doute par pudeur, c’est complètement dissocié.
Ce qui résume le sexe ?
L’odeur. C’est un des sens les plus émouvants. Ça peut te transporter vingt ans en arrière, de manière plus violente qu’une photo. J’avais un crush au lycée sur une fille qui mettait ce parfum horrible, Angel de Mugler. À chaque fois que je le sens aujourd’hui, ça me fait une petite montée d’émotion.
Une odeur qui te cause ?
Le pain chaud ? [rires]
Tom Cruise ou Brad Pitt ?
Brad Pitt, car il est moins en plastique. En même temps… Tom Cruise a quand même une sorte de pouvoir d’attraction inhumain. Un truc psychotique. Personne ne le connaît vraiment. Il est plus mystérieux, vénéneux. Brad Pitt a l’air tellement sympa et cool… Il est presque trop normal.
Un morceau hot ?
Sea Hunt de Patrick Cowley.