Geagea : “J’avais envie de faire la musique que je rêvais d’écouter ado”

Paris, XIème arrondissement. Il faut d’abord franchir une imposante porte noire, ornée de quelques tags, avant de s’élancer dans un escalier en bois un brin vétuste. Comme l’impression de plonger dans les entrailles du bâtiment et s’échapper...

Geagea : “J’avais envie de faire la musique que je rêvais d’écouter ado”

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Paris, XIème arrondissement. Il faut d’abord franchir une imposante porte noire, ornée de quelques tags, avant de s’élancer dans un escalier en bois un brin vétuste. Comme l’impression de plonger dans les entrailles du bâtiment et s’échapper un instant de la ville, pourtant encore calme. Geagea nous accueille dans son studio d’enregistrement, la mine illuminée d’un sourire contagieux. À l’intérieur, les guitares et les pédales à effets sont bien alignées, plusieurs amplis sont empilés et trône une batterie aux couleurs de Rallye – groupe dans lequel joue Stanislas, son co-producteur, apprendra-t-on plus tard. 

“Je suis assez matinale moi, maintenant !”, lance-t-elle en s’affairant à préparer le thé. “J’aime bien ces heures où pas grand monde n’est encore réveillé, tu n’as pas ton téléphone qui sonne tout le temps, l’air est frais quand tu sors…”, poursuit-elle, avant de détailler son programme du jour. Répétition en amont des dates à venir, dont les Inrocks Super Club. Une tasse chaude entre les mains, elle loue l’atmosphère de son repaire : “Ici, c’est ma deuxième maison […] il y a un côté cocon”. Voilà qui transparaît précisément dans sa musique. “Là, sur Geagea, c’est la 1ère fois que j’ai un projet solo, j’ai toujours joué dans des groupes donc l’idée c’était vraiment de pouvoir faire un truc intime et très personnel”, s’épanche-t-elle. 

S’en remettre à ses désirs d’ado

Par le passé, Géraldine Baux, alias Geagea, jouait au sein du groupe Las Aves. Un quatuor pop futuriste avec lequel elle a écumé les scènes entre 2016 et 2019, jusqu’à ce que ses acolytes et elle aient envie “de faire autre chose”. “Il y avait un cycle qui arrivait un peu à sa fin”, analyse l’artiste, dès lors animée par la volonté de se lancer en solitaire et “de faire de la musique [qu’elle rêvait] d’écouter ado”. 

“Ce que tu écoutes à l’adolescence te marque d’une façon assez particulière, tu vis les émotions de manière hyper forte”

Adolescente, justement, elle raffolait de “trucs très nineties” : Garbage, Paramore, Portishead… Des groupes auxquels elle a emprunté la rugosité des guitares, l’esprit juvénile du chant et les couleurs faussement naïves des textes. “J’avais envie d’assouvir ce désir de revenir à ça musicalement, parce que ce que tu écoutes à l’adolescence te marque d’une façon assez particulière, tu vis les émotions de manière hyper forte”, s’épanche Geagea, qui cause de sa relation avec le rock comme d’“une sorte de 1er amour hyper émotionnel”. 

D’où les deux titres qui ouvrent sa discographie, Everything, All at Once et Someone I Already Love, deux morceaux sensibles où transparaît cette soif d’intensité. “I want the boys and the girls / Want the city and the countryside / I want to travel the world / And finally get a dog”, chante-t-elle dans le 1er, comme elle écrirait dans son journal intime. Les thèmes qui irriguent ses chansons s’imposent ainsi par eux-mêmes : “Ça cause de santé mentale, d’anxiété, de troubles avec lesquels tu luttes en interne, de questionnements autour du genre, de bisexualité…”, détaille la musicienne. Autant de réflexions qui bouillonnent dans les psychés adolescentes.

“Avoir du recul sur les choses”

Avoir un projet rien qu’à elle, voilà ce dont Geagea avait besoin, ces derniers temps. “C’est l’équilibre parfait : c’est moi qui décide de tout ce que je veux faire et en même temps j’ai le bonheur de pouvoir bosser avec d’autres gens”, explique l’artiste, qui dit aimer “tout particulièrement l’esprit d’équipe”. “Je crois que je suis profondément une personne de groupe !”, lâche-t-elle en riant. Et ce, même si elle apprécie s’enfermer dans son studio pour prendre le temps, en solitaire. Le temps de composer, d’arranger, de passer au crible ce flot de pensées où se nichent parfois les idées qui deviendront des chansons. 

J’aime bien avoir du recul sur les choses, alors quand j’ai enregistré un morceau, j’attends quelques semaines pour le réécouter. Je ne sais pas si c’est bien parce que parfois tu fais un truc spontané en un jour et c’était l’essence de cette journée-là… Peut-être qu’à l’avenir je ferai un album en deux semaines mais pour le moment, je suis plutôt dans la team extrêmement lente”, reconnaît-elle entre deux éclats de rire. D’ailleurs, si la musicienne est parvenue à boucler son EP, c’est bien parce qu’elle joue à Rock en Seine, le 24 août prochain : “Sinon, je ne l’aurais jamais terminé ! J’ai beaucoup de mal à finir, à chaque fois je me dis ‘Je sais pas…’”. De ces doutes est né un dossier, dans son ordinateur, comportant ce qu’elle nomme ses “lanternes rouges”. Comprendre : tous ces morceaux qu’elle “essaie de placer depuis des années, qui ont pris mille formes depuis sans jamais réussir à passer”. 

“C’est intéressant de changer d’instrument pour composer, ça te sort d’automatismes, ça te fait évoluer…

Si elle doute beaucoup, Geagea aime se mettre au défi. “J’adore l’idée de commencer un nouvel instrument à chaque cycle”, dit-elle. Initialement claviériste et bassiste, l’artiste s’est mise à la guitare en même temps qu’elle a amorcé ce virage solo. “C’est intéressant de changer d’instrument pour composer, ça te sort d’automatismes, ça te fait évoluer…”, poursuit-elle. Et d’ajouter : “Ce sera la 1ère fois que je joue de la guitare sur scène donc je prends des cours pour m’améliorer un peu”.

Jouer et produire pour les autres 

À l’aube de l’été, Geagea se réjouit de ces expériences à venir. “C’est fun les festivals, tu croises plein d’autres groupes, c’est un peu les vacances”, sourit-elle. D’autant plus que jouer sur scène, “c’est ce [qu’elle] préfère faire”. La scène, justement, elle l’investit désormais aux côtés de Hugo, l’ex-batteur de Las Aves. Un espace où elle s’est affirmée plus encore l’année dernière, lors de la tournée de Jeanne Added pour qui elle était claviériste. À ce moment-là, la musicienne “[a] commencé à composer les 1ers sons de l’EP et à [se] sentir légitime”. “Ça m’a beaucoup appris et inspiré de collaborer avec Jeanne, elle a une façon de travailler que je n’avais jamais vue avant”, observe Geagea. “Je viens d’un milieu très rock, autodidacte, DIY, tandis qu’elle vient du jazz”. “Ils sortaient tous du conservatoire ! Mais c’est marrant de voir que même si tu n’as pas le même background, t’arrives quand même à te comprendre”. 

On en revient à cet esprit collectif que Geagea aime tant. Se nourrir des différences, s’y confronter pour grappiller quelques fragments de confiance en plus. Ultime facette de son goût pour le travail en équipe, la musicienne revêt de temps à autre la casquette de productrice pour d’autres artistes : Yoa, Vera Daisies (moitié du duo Ottis Cœur)… Des collaborations qui lui ont beaucoup plu. Et permis d’avancer, encore une fois. “Ça m’a beaucoup apporté de me déplacer de rôle […], quand tu es à la place du producteur, tu es obligé de finir”.

“J’aime bien cette place équilibrée, parce qu’être artiste principale c’est toujours être très à découvert, poursuit-elle, admettant trouver du réconfort dans le fait de rester dans l’ombre des studios. Mais jamais pour bien longtemps. Car ses envies de compositions sont tenaces – aussi harassantes soient-elles parfois. “Une fois, j’ai fait une résidence seule à la montagne et j’ai badé de fou […] j’ai eu envie de me reconvertir en conductrice de dameuse au ski, en me disant “Fuck, j’emménage ici, je passe un permis d’un engin assez spécifique et let’s go !’”, s’esclaffe-t-elle. Un coup de sang heureusement vite dissipé.