Génocide au Rwanda: la responsabilité de Mitterrand pointée du doigt dans un nouveau rapport
RWANDA - La France “est demeurée aveugle face à la préparation” du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 et porte des “responsabilités lourdes et accablantes” dans la tragédie, selon les conclusions du rapport d’une commission d’historiens,...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
RWANDA - La France “est demeurée aveugle face à la préparation” du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 et porte des “responsabilités lourdes et accablantes” dans la tragédie, selon les conclusions du rapport d’une commission d’historiens, chapeautée par Vincent Duclert, publié ce vendredi 26 mars.
Ce rapport très attendu, remis au président Emmanuel Macron qui a salué “une avancée considérable”, pointe dans ses conclusions “la faillite de la France au Rwanda” entre 1990 et 1994, et son “aveuglement” face à la dérive génocidaire du régime “raciste, corrompu et violent” du président hutu Juvénal Habyarimana. Il souligne cependant que “rien ne vient démontrer” que Paris s’est rendu “complice” du génocide qui a fait au moins 800.000 morts selon l’ONU entre avril et juillet 1994.
La complicité de génocide en question
Un point de vue qui n’est pas forcément partagé de tous. Interrogé, par Le Monde, le physicien et directeur de recherche au CNRS, François Graner, qui ne faisait pas partie de la Commission mais a eu également accès à l’intégralité des documents sur la politique de la France au Rwanda à partir de 1990, a une analyse légèrement différente.
“La politique française qui a été menée est une complicité de génocide, au sens précis de ‘soutien actif, en connaissance de cause’, avec un effet sur le crime commis. Pour moi, cela est déjà démontré depuis un certain temps”. Pour le chercheur cette commission est aussi une façon “de gagner du temps et de reporter la reconnaissance de la complicité française dans le génocide.
Interrogé par l’AFP, Vincent Duclert qui a donné son nom à la Commission, explique de son côté que la France a été incapable de penser le génocide “ni même sa préparation”: “On est des historiens, pas des juges (...) Il existe donc des outils [qui] auraient pu permettre de comprendre que ce n’étaient pas des massacres interethniques (...) Il y avait une programmation, une volonté de détruire les Tutsi du Rwanda (...) Les autorités françaises ont été incapables de penser ça. Incapables (...) La France a été aveugle, a refusé toutes les alertes, mais si on doit considérer qu’il y a complicité, au fond toute la communauté internationale sera complice de ce génocide”.
Proximité avec Habyarimana
Le document consulté par l’AFP avant sa publication officielle insiste par ailleurs sur la responsabilité cruciale du président socialiste de l’époque, François Mitterrand, dans cette politique. “Cet alignement sur le pouvoir rwandais procède d’une volonté du chef de l’État et de la présidence de la République”, écrivent les quatorze historiens de la Commission. François Mitterrand entretenait “une relation forte, personnelle et directe” avec Juvénal Habyarimana, soulignent-ils.
Cette relation, doublée “d’une grille de lecture ethniciste” de la situation au Rwanda, a justifié “la livraison en quantités considérables d’armes et de munitions au régime d’Habyarimana, tout comme l’implication très grande des militaires français dans la formation des Forces armées rwandaises” gouvernementales. “La politique qui est alors pratiquée au Rwanda existe aussi dans d’autres pays africains. Il s’agit de préserver un régime au sein de la zone d’influence française, sans se préoccuper de ce qu’il inflige à sa population”, analyse François Graner.
Le chercheur pointe ainsi le rôle trouble de “plusieurs dizaines de Français qui sont restés au Rwanda, en zone gouvernementale, pendant le génocide. Ont-ils fait seulement du renseignement? De la formation? Du conseil pour les combats? Ont-ils participé aux combats? Il reste enfin des zones d’ombre sur les questions de financement et sur le soutien aux génocidaires rwandais après le génocide”.
Vase clos autour de Mitterrand
Le rapport dénonce enfin “l’existence de pratiques irrégulières d’administration, de chaînes parallèles de communication et même de commandement, de contournement des procédures légales, d’actes d’intimidation” dans la mise en œuvre d’une politique qui était essentiellement décidée à l’Élysée et dans le cercle proche de François Mitterrand.
François Graner juge à cet égard que l’ancien président a fonctionné sciemment en vase clos avec trois hauts gradés. “Plus on avance et plus le tableau est accablant. À aucun moment, de 1990 à 1994, on n’observe de panique ou d’aveuglement à Paris. Des procédures sont mises en place, des informations et des analyses remontent (...) Quant aux ordres donnés aux administrations et aux militaires, ils descendent. Bref, tout fonctionne. La politique de la France qui est appliquée au Rwanda est celle des décideurs, en particulier d’un petit noyau autour de François Mitterrand. L’ancien président et trois hauts gradés (...) partagent une même ligne. Ils fonctionnent en cercle vicieux. Ils s’influencent mutuellement, avec François Mitterrand (...) C’est Mitterrand qui décide à peu près de tout.”.
Rupture tardive
Au moment du génocide, la France “a tardé à rompre” avec les responsables, et a continué à placer la menace du FPR (Front patriotique rwandais, l’ex rébellion tutsi qui mit fin au génocide) au sommet de ses préoccupations”, écrivent les historiens. “Elle a réagi tardivement” avec l’opération militaro-humanitaire Turquoise entre juin et août 1994, “qui a permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dès les 1ères semaines du génocide”, ajoutent-ils.
Même si les relations entre Paris et Kigali se sont détendues avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, le rôle de la France au Rwanda, longtemps accusée de “complicité” de génocide par Kigali, reste un sujet explosif depuis plus de 25 ans. Il est aussi l’objet d’un débat violent et passionné entre chercheurs, universitaires et politiques.
À voir également sur Le HuffPost: Akon lance “Akon City”, une ville digne du Wakanda au Sénégal