Génocide au Rwanda : une note de Michel Rocard inédite exhumée

POLITIQUE - Pourquoi Michel Rocard n’a-t-il pas eu son mot à dire sur la responsabilité de la France au Rwanda? Le quotidien Libération dévoile ce mercredi 26 mai une note inédite de Michel Rocard intitulée “déposition Rwanda” et datée du 30...

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L'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard (G) discute, le 30 juin à Paris, avec le président de la mission, Paul Quiles, lors de son audition, en séance publique, par la mission d'information causementaire sur le Rwanda, chargée de faire la lumière sur le rôle joué par la France dans le pays africain de 1990 jusqu'au génocide de 1994. (Photo ERIC CABANIS / AFP)

POLITIQUE - Pourquoi Michel Rocard n’a-t-il pas eu son mot à dire sur la responsabilité de la France au Rwanda? Le quotidien Libération dévoile ce mercredi 26 mai une note inédite de Michel Rocard intitulée “déposition Rwanda” et datée du 30 juin 1998 dans laquelle l’ancien Premier ministre de François Mitterrand se montre critique sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda.

Selon Libération, cette note n’a pourtant pas pu être lue par son auteur en 1998. Et 20 ans plus tard, le bureau de l’Assemblée nationale présidé par Richard Ferrand (LREM) en a refusé l’accès à la commission Duclert, pourtant mise en place par Emmanuel Macron pour étudier les archives de l’État français concernant le rôle de la France dans ce génocide.

Une censure encore inexpliquée

Que s’est-il passé? Retour en arrière. En 1998, l’ancien Premier ministre Michel Rocard est invité à s’exprimer devant la mission causementaire d’information (MIP) instaurée pour examiner les interventions militaires françaises au Rwanda entre 1990 et 1994. A l’époque, et d’après ses dires dans Libération, le socialiste ne sera pas autorisé à lire sa déclaration.  

Le scénario va se répéter 20 ans plus tard, de manière inexpliquée: la commission Duclert se voit refuser l’accès à cette déposition, alors même qu’Emmanuel Macron avait prévenu que les chercheurs seraient autorisés à examiner toutes les archives, sans exception. Le bureau de l’Assemblée nationale, présidé par Richard Ferrand, ancien socialiste et désormais membre du parti présidentiel, en a manifestement décidé autrement.

Sollicitée par l’AFP et Le HuffPost, l’Assemblée, présidée par Richard Ferrand, n’a pas fait de commentaires. Son secrétaire général avait répondu à Vincent Duclert que les auditions s’étant tenues à huis clos, leur contenu n’était pas public.

Le communiqué de l’Elysée du 5 avril 2019 annonçant la création de cette commission précisait pourtant bien à l’époque qu’elle serait chargée de “mener un travail de fond centré sur l’étude de toutes les archives françaises concernant le Rwanda entre 1990 et 1994. Cette commission (...) aura pour mission de consulter l’ensemble des fonds d’archives français relatifs au génocide, sur la période 1990 – 1994 afin d’analyser le rôle et l’engagement de la France durant cette période et de contribuer à une meilleure compréhension et connaissance du génocide des Tutsi”. 

L’historien Vincent Duclert révèle à ce sujet à Libération : “Le refus d’accès aux archives de la mission Quilès opposé à la commission est décidément bien troublant”. L’historien regrette que son équipe de chercheurs ait été “privée de la connaissance du témoignage écrit de l’ancien Premier ministre. Alors même que ce document révèle le questionnement critique d’un ancien chef de gouvernement doublé d’un leader de gauche”.

Le rapport final de la commission Duclert, remis le 26 mars 2021, a conclu a “de lourdes responsabilités du pouvoir français” tout en écartant le terme de “complicité de génocide”.  

Ambiguïté de la position française

La lecture des déclarations de Rocard aurait-elle changé la donné? On peut y lire que la politique africaine au Rwanda a pour origine un accord d’assistance militaire, scellé “au cours d’un safari” par Valéry Giscard d’Estaing en 1975. A l’époque, Michel Rocard déplore que “le régime Habyarimana affiche déjà à l’époque une référence raciste marquée. “Mais s’il persécute, il tue encore peu”, estime encore l’ancien Premier ministre.

Le socialiste, qui s’est rendu au Rwanda après le génocide, perçoit la nature réelle du Front patriotique rwandais (FPR) : “une armée faite de citoyens rwandais exilés” et pas un mouvement “ougando-tutsi” comme le qualifie l’entourage de François Mitterrand. Pourtant, comme il le rappelle, il avait été totalement écarté de la décision d’intervenir au Rwanda en 1990, lorsque le régime en place sollicite l’aide de la France pour contrer une rébellion d’exilés rwandais venue d’Ouganda.

L’ancien rival de François Mitterrand émet également un ensemble d’interrogations, notamment sur le rôle de la France dans les accords d’Arusha du 4 août 1993 (censés mettre un terme à la guerre civile rwandaise commencée en 1990), alors que à son retour d’Arusha, “Habyarimana, contrairement à ce qu’il vient de signer, durcit son régime”, mais aussi sur les livraisons d’armes françaises au régime Hutu. “Quand ont pris fin les dernières livraisons d’armes françaises à Habyarimana ?”, s’interroge-t-il encore.

Emmanuel Macron doit se rendre ce jeudi 27 mai à Kigali pour une visite hautement symbolique présentée par l’Élysée comme “l’étape finale de la normalisation” des relations entre la France et le Rwanda. Reste à savoir si la révélation de cette affaire peut entacher le processus, alors même que Kigali se montre critique vis-à-vis du rapport Duclert. 

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