Ghédalia Tazartès, le musicien aux semelles de vent
Avec Ghédalia Tazartès disparaît l’une des figures les plus radicalement singulières de la scène musicale contemporaine. A la nouvelle de sa mort, c’est d’abord sa voix qui nous vient en tête, cette voix aux puissantes – et, semblait-il, infinies...
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Avec Ghédalia Tazartès disparaît l’une des figures les plus radicalement singulières de la scène musicale contemporaine. A la nouvelle de sa mort, c’est d’abord sa voix qui nous vient en tête, cette voix aux puissantes – et, semblait-il, infinies – modulations se déployant en de multiples langues avec une plasticité littéralement inouïe.
Aussi inventif et expressif soit-il avec sa voix, Ghédalia Tazartès n’apparaît néanmoins pas seulement comme un chanteur ou un vocaliste, loin s’en faut. Jouant de divers instruments, manipulant des bandes magnétiques, sculptant la matière sonore avec une minutie hypersensible, il se révèle un musicien d’exception au fil d’un parcours de plus de quarante ans, parsemé de disques superbement hors normes, à commencer par Diasporas (1979), magistral opus inaugural à l’éclat auroral.
Né de parents originaires de Thessalonique, Ghédalia Tazartès pousse son premier cri le 12 mai 1947, à Paris. Il commence à pratiquer le chant à l’âge de 12 ans suite à la mort d’une de ses grands-mères. S’imprégnant en particulier du ladino, langue de la communauté judéo-hispanique, parlée par ses parents et sa grand-mère, il va modeler progressivement un chant dont l’intensité n’a d’égale que la pluralité. Réelles ou imaginaires, d’autres langues, notamment le français et l'arabe, s’ajoutent à son spectre.
Total autodidacte
En marge de son développement vocal, Ghédalia Tazartès, total autodidacte, apprend à jouer de plusieurs instruments (percussions, flûte, accordéon, bol tibétain…). À partir du milieu des années 1970, il commence à créer des morceaux chez lui avec sa voix comme instrument principal. Ne se considérant pas comme un véritable musicien, il préfère parler d’ “impromuz” pour désigner ce à quoi il s’adonne, dans une approche résolument intuitive.
En 1979 paraît Diasporas, son premier album qui révèle d’emblée un univers d’une fascinante et irréductible étrangeté. Vaste collage de sonorités, de langues et d’influences variées, générant une musique à la fois futuriste et archaïque, terriblement poétique, l’album semble surgir d’un monde parallèle (ou d’un très lointain intérieur), quelque part entre Orient et Occident, avant-garde et tradition : un parfait météore sonore dont l’éclat s’avère toujours aussi étincelant aujourd’hui.
Durant les années 1980, Ghédalia Tazartès va publier quatre albums tout aussi remarquables et inclassables, foisonnants et envoûtants : Transports (1980), Une éclipse totale de soleil (1984), Tazartes (1987) et Check Point Charlie (1989), le second étant marqué (entre autres) par des jaillissements de free rock bruitiste. À partir de cette décennie, il va œuvrer en parallèle sur des pièces de théâtre ou de danse, collaborant notamment avec les metteurs en scène François Verret, Werner Schwab et Philippe Adrien. Il va aussi travailler un peu pour le cinéma et la télévision, composant par exemple la B.O. de Moi Ivan, toi Abraham (1993) de Yolande Zaubermann.
Force magnétique
Ces activités connexes lui permettent de faire tourner sa petite entreprise et de continuer à façonner des disques invendables (ou presque), seul ou avec d’autres adeptes d’une musique libre comme le vent. Il se montre particulièrement productif sur la période 2005-2017, sortant une douzaine de disques, dont 5 Rimbaud 1 Verlaine (2006), le plantureux Repas Froid (2009) et le fort bien titré Superdisque (2012), enregistré avec Jac Berrocal et David Fenech.
Durant cette même période, il donne régulièrement des concerts, en solo ou sein de diverses formations, notamment Les Reines d’Angleterre. Il apparaît par exemple en novembre 2014 sur la scène du Carré-Bellefeuille à Boulogne-Billancourt, dans le cadre de l’excellent festival BB Mix. Il signe également un cinémix sur le film Häxan, la sorcellerie à travers les âges (1922) de Benjamin Christensen, grand classique horrifique du cinéma muet.
Enfin, on peut entendre la voix de Ghédalia Tazartès s’élever, avec une force magnétique intacte, sur Jours de grève, l’ébouriffant album conçu par le binôme Emmanuelle Parrenin/Detlef Weinrich et sorti en tout début d’année 2021.