Golden Globes 2021: Netflix domine une soirée poussive

Déjà qu’il faut en temps normal être soit journaliste, soit cousin de nominé, soit vraiment supporter ultra de l’entertainment américain pour éprouver le besoin de suivre depuis la France et jusqu’au petit matin une cérémonie des Golden Globes,...

Golden Globes 2021: Netflix domine une soirée poussive

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Déjà qu’il faut en temps normal être soit journaliste, soit cousin de nominé, soit vraiment supporter ultra de l’entertainment américain pour éprouver le besoin de suivre depuis la France et jusqu’au petit matin une cérémonie des Golden Globes, on tire notre chapeau aux spectateurs et spectatrices qui auront, et ce indépendamment de tout engagement contractuel (donc contrairement à nous, par exemple), tenu jusqu’au bout de cette assommante édition 2021.

Réuni après avoir animé trois éditions consécutives de la cérémonie entre 2013 et 2015, le duo formé par Tina Fey et Amy Poehler n’est pas parvenu à faire oublier le sentiment tenace d’absurdité qui se dégage actuellement d’un tel événement, tandis que les salles du monde entier sont soit drastiquement jaugées, soit carrément fermées, et que les deux tiers des films qui auraient dû figurer à son programme ont disparu dans les limbes de l’agenda 2021-2022. Les Golden Globes ont-ils eu lieu pour vraiment récompenser quoi que ce soit, ou juste pour avoir lieu anyway, au prétexte d’une application pavlovienne de la loi du show must go on ?

Un gigantesque skypéro VIP

Sans faire offense aux gagnants, on penche pour la deuxième proposition : il y a fort à parier que l’histoire ne retiendra de cette cérémonie aucun discours, aucun prix, presque aucun moment d’émotion véritablement sincère (si ce n’est la veuve de Chadwick Boseman, acceptant pour lui son prix du meilleur acteur pour Le Blues de Ma Rainey), mais seulement les hauts et les bas de son dispositif, partiellement distanciel, et d’une complexité à la limite du comique. Une coanimatrice à Los Angeles, une autre à New York, mises côte à côte par un split screen trompeur, finissant les phrases l’une de l’autre ; devant chacune, un public de soignants, masqués, probablement un peu médusés de se voir servir une telle demi-cérémonie ; et tout du long, un défilé de stars mi-là, mi-pas là, avec des remettants soit sur place (Ben Stiller, Laura Dern...), soit en télétravail (Colin Farrell...), et une mosaïque de stars confinées, qui en hoodie, qui en robe de soirée, qui dans une chambre d’hôtel, qui dans sa cuisine, façon gigantesque skypéro VIP.

Dans ce schmilblik auquel ne manquait probablement qu’un hologramme de Mélenchon, on n’a finalement rien tant apprécié que l’intrusion subite dans l’intimité des nominés, plus accessibles que jamais : les soucis de connexion de Daniel Kaluuya (premier gagnant de la soirée – ça commençait bien), les shots de vodka de David Fincher à chaque nomination non convertie (santé : il n’en a converti aucune), les irruptions intempestives de chiens (chez Jodie Foster ou Sarah Paulson), et puis cette impression permanente que chaque gagnant, chaque gagnante, allait, sitôt son discours prononcé, débrancher sa webcam dans un soupir de soulagement et relancer son épisode de Wandavision. Un long moment d’horizontalité embarrassée, qui rappellera plus volontiers à chacun ses premiers pas sur Zoom (“tout le monde m’entend ?”) qu’une quelconque cérémonie de remise de prix, a fortiori prestigieuse.

>> A lire aussi : Immigration et oppression raciste : “Small Axe”, la série très politique de Steve McQueen

Netflix domine la palmarès

Et le palmarès, dans tout ça ? Il semblerait presque dérisoire de l’évoquer, sinon pour citer Aaron Sorkin, meilleur scénario pour Les Sept de Chicago : “Netflix nous a sauvé la vie.” L’effet qui se dégage d’une telle phrase, glaçant d’hégémonie et de dépendance de l’industrie résiduelle à un seul acteur, est peut-être involontaire ; toujours est-il que les faits ne la contredisent pas, et la plateforme numéro 1 voit son règne symbolique consolidé à l’issue d’une cérémonie qui a confirmé The Crown en aspirateur à statues – le jeune tandem Josh O’Connor (Charles)/Emma Corrin (Diana), et la best supporting actress Gillian Anderson – ce qui n’a rien d’inhabituel, et ajouté quelques trophées à son tableau de chasse grâce notamment au Jeu de la Dame.

A ce carton s’ajoute celui plus surprenant de Sacha Baron Cohen pour la suite de Borat (meilleur acteur et meilleure comédie), occasionnant quelques discours malins (“ce film n’aurait pas été possible sans ma co-star, un talent neuf, frais, venu de nulle part, et qui s’est avéré un génie de la comédie – je veux bien sûr parler de Rudy Giuliani”),  ainsi qu’un certain nombre de récompenses noires (Daniel Kaluuya pour Judas and the Black Messiah, John Boyega pour Small Axe, le prix posthume de Chadwick Boseman) qui viennent corriger le tir après une regrettable polémique. S'était récemment tenu un vif débat sur le manque de diversité du collège de votants et ses répercussions sur les nominations, cristallisé par l’absence très critiquée d’I May Destroy You ; Fey et Poehler n’ont pas hésité à l'aborder sur un mode ouvertement combattif, s'attaquant aux membres de la Hollywood Foreing Press et qualifiant de “poubelles flashy” les œuvres ayant chipé la place de la série HBO (donc probablement Emily in Paris).

Pas sûr que les co-hosts aient ainsi réussi à se hisser au niveau de subversion incendiaire de leur prédécesseur Ricky Gervais, qui avait quant à lui l’éthique de taper sur tout le monde quand il présentait les Golden Globes, donc pas seulement sur les ambulances pop culturelles, et tout particulièrement sur la bien-pensance. L'exercice, certes, était plus difficile que jamais, et il faut laisser aux ex-partenaires du SNL d'avoir maintenu le cap malgré des conditions de haute voltige. Mais ni Tina Fey, ni Amy Poehler, ni le cinéma, ni les séries, ni Hollywood, ni même les œuvres primées, ne ressortent significativement grandis d'une telle kermesse, que tous les masques et tous les clins d'œil au covid du monde n'ont pas su protéger d'un tenace sentiment d'anachronisme.

Le palmarès complet :

Meilleur film dramatique : “Nomadland”

Meilleure comédie ou comédie musicale : “Borat 2”

Meilleur acteur dans un film dramatique : Chadwick Boseman, “Le Blues de Ma Rainey”

Meilleure actrice dans un film dramatique : Andra Day, “Billie Holiday, une affaire d’État”

Meilleur acteur dans une comédie : Sacha Baron Cohen, “Borat 2”

Meilleure actrice dans une comédie : Rosamund Pike, “I Care A Lot”

Meilleur acteur dans un second rôle : Daniel Kaluuya, “Judas and the Black Messiah”

Meilleure actrice dans un second rôle : Jodie Foster, “Désigné coupable”

Meilleure réalisation : Chloe Zhao, “Nomadland”

Meilleur film en langue étrangère : “Minari”

Meilleur film d’animation: “Soul”

Meilleure série dramatique: “The Crown”

Meilleur acteur dans une série dramatique : Josh O’Connor, “The Crown”

Meilleure actrice dans une série dramatique : Emma Corrin, “The Crown”

Meilleure série comique : “Schitt’s Creek”

Meilleur acteur dans une série comique : Jason Sudeikis, “Ted Lasso”

Meilleure actrice dans une série comique : Catherine O’Hara, “Schitt’s Creek”

Meilleur acteur dans un second rôle : John Boyega, “Small Axe” 

Meilleure actrice dans un second rôle : Gillian Anderson, “The Crown”

Meilleur film de télévision ou mini-série : “Le Jeu de la dame”

Meilleur acteur dans un film de télévision ou une mini-série : Mark Ruffalo, “I Know This Much Is True”-

Meilleure actrice dans un film de télévision ou une mini-série : Anya Taylor-Joy, “Le Jeu de la dame”

>> A lire aussi : Netflix, fabrique d’une nouvelle génération de cinéphiles ?