Grâce à la Géorgie, Joe Biden pourrait échapper à la cohabitation mais...
ÉLECTIONS AMÉRICAINES - Joe Biden pourrait donc avoir les coudées franches. Après la revendication de victoire de Jon Ossoff et celle de Raphael Warnock en Géorgie, le président-élu semble en bonne passe de voir le Sénat et donc l’ensemble...
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ÉLECTIONS AMÉRICAINES - Joe Biden pourrait donc avoir les coudées franches. Après la revendication de victoire de Jon Ossoff et celle de Raphael Warnock en Géorgie, le président-élu semble en bonne passe de voir le Sénat et donc l’ensemble du Congrès passer dans son giron. Une bonne nouvelle? En partie, mais pas totalement. Car avant lui, d’autres présidents, dont Donald Trump, ont aussi a eu 2 ans de répit avec une Chambre des représentants et un Sénat aux couleurs de leur parti. Et tout ne s’est pas toujours passé comme ils le souhaitaient.
Janvier 2017, Donald Trump arrive officiellement au pouvoir. À ce moment, il bénéficie d’une configuration politique qui lui est plus que favorable: le Sénat et la Chambre des représentants sont tous les deux à majorité républicaine.
C’est également le cas de Joe Biden, qui bénéficiera pour son début de mandat d’une majorité renouvelée à la Chambre des représentants. Et il pourra aussi compter sur le soutien du Sénat dont les démocrates devraient reprendre le contrôle (sauf retournement de situation) grâce à la voix déterminante de la vice-présidente Kamala Harris.
Car l’avance des élus bleus est courte. Très et même trop pour parler de “voie royale” pour Joe Biden, analyse Marie-Christine Bonzom, politologue, journaliste et spécialiste des États-Unis interrogée par Le HuffPost. Sans compter que le candidat de “l’establishment” pourrait aussi se heurter à une fronde au sein même de son parti.
La fausse majorité de Biden
Le diable se cache dans les détails. Certes, les démocrates ont réussi à faire basculer le Sénat et ont désormais les pleins pouvoirs au Congrès. Mais faute d’avoir remporté une victoire éclatante, ils seront contraints de compter sur leur discipline interne.
Dans l’hémicycle, il y aura en effet exactement 50 sénateurs républicains et 50 démocrates. Et la majorité ne tient donc qu’à une personne: la vice-présidente Kamala Harris, à qui est dévolue la fonction de présidente du Sénat. En cas d’égalité lors d’un vote, c’est elle qui fera pencher la balance... forcément du côté de la Maison Blanche.
Cette fausse majorité de sièges au Sénat est rare, voire très rare. “La dernière fois, ce fut en 2001, mais seulement pendant quelques mois. Plus loin, il faut remonter à 1954, pendant quelques mois également, et à 1881, pendant deux ans”, rappelle au HuffPost Marie-Christine Bonzom.
Elle permettra aussi aux républicains d’actionner encore plus régulièrement un de leur levier d’opposition: l’obstruction parlementaire. Ils peuvent en effet réclamer pour tout texte n’ayant pas de volet budgétaire (hors nominations personnelles, type ambassades) une majorité de 60 voix, au lieu des 51 habituelles. “Cette règle pourrait être levée si tous les sénateurs démocrates votaient en faveur de ce changement, or ici, nous retrouvons le sénateur Joe Manchin qui a déjà dit qu’il s’y opposerait”, souligne notre experte.
En plus d’être potentiellement handicapante pour la législation Biden, cette courte majorité n’est pas non plus sans risque pour la vice-présidente: avec ses allers-retours incessants entre la Maison Blanche et le Capitole, l’ancienne sénatrice risque de rater son entrée sur la scène nationale, elle qui a pour ambition à moitié avouée de prendre la relève de Biden au terme de son unique mandat.
Biden, démocrate ... mais pas progressiste
Limité par une majorité très étroite au Sénat, Joe Biden pourrait aussi se retrouver en difficulté à la Chambre des représentants. À l’issue des élections de novembre, les démocrates sont parvenus à y conserver leur majorité. Mais elle ne tient désormais qu’à 11 voix, parmi lesquelles il faut compter les élus progressistes - c’est-à-dire les démocrates de l’aile gauche (Alexandria Ocasio-Cortez ou Ilhan Omar, pour ne citer qu’elles). Et ils sont loin d’être toujours d’accord avec les positions plus modérées de Biden.
“Tant à la chambre qu’au Sénat, il y a un groupe de progressistes qui est ce qu’il est mais qui pourra, au vu de la position d’équilibriste qu’aura Biden, avoir un levier”, souligne Marie-Christone Bonzom. “Ce 50-50 au Sénat va probablement rendre un peu plus audacieux les sénateurs mais aussi les députés qui sont sur l’aile gauche du parti démocrate.”
Preuve de leur ascension de plus en plus poussée, la réélection de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi s’est faite dans un climat tendu. Les progressistes réclamaient son retrait, qu’ils n’ont finalement pas obtenu. Mais face à la montée en puissance de ce groupe, elle a également dû faire certaines concessions, en accordant aux progressistes des postes plus importants que les années précédentes.
Pour Joe Biden, qui a jusqu’à présent formé un gouvernement en accord avec ses opinions (et amitiés) personnelles, cette pression de l’aile gauche de la gauche risque d’entraver certaines de ses ambitions. Les progressistes pourraient en effet refuser de voter les augmentations d’impôts pour les riches voulues par Joe Biden au profit qu’elles ne sont pas suffisantes. La politique migratoire est aussi source de tensions: la gratuité de l’enseignement universitaire pour les clandestins, leurs régularisations ou encore leur prise en charge au sein de l’Obamacare... “Tout ça, ce sont des dossiers très controversés aux États-Unis et sur lesquels Biden ne s’est jamais vraiment prononcé”, note Marie-Christine Bonzom.
“Ce ne sera pas une voie royale législative”
Enfin, si Joe Biden connaît le Sénat “comme sa poche” pour y avoir déjà passé plus de 30 ans, il devra en revanche remettre son carnet d’adresses à jour: entre son passage comme VP et ses années de candidat loin des joutes internes politiques, les têtes ont changé et les sensibilités aussi. De moins en moins d’élus - sénateurs comme républicains - appartiennent à l’aide modérée, nouvelle illustration de la polarisation de la vie politique américaine, souligne au passage notre politologue.
“Ce qui va l’avantager, c’est qu’il connaît très bien les rouages du Sénat, comment faire passer une législation après le vote de la Chambre”, explique Marie-Christine Bonzom.
En résumé, l’expérience de Joe Biden qu’il n’a cessé de mettre en avant va lui servir. En revanche, sans coudée franche pour opérer, l’administration Biden et le président lui-même vont devoir prêter plus d’attention à la “politique politicienne américaine”, à savoir les arcanes et les rouages internes à activer pour arriver à ses fins.
De quoi distraire, au moins un temps, Joe Biden de ses autres objectifs d’envergure internationale.
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