Grand Blanc, à Metz : “Imagine à quel point ça pourrait être beau avec un orchestre”
Privilège de journaliste, il arrive qu’un lien Soundcloud renfermant le 1er jet d’une chanson dépouillée, parfois à l’état de démo, vous parvienne, laissant dans son sillage quelques indices sur la direction que choisira de prendre un artiste....
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Privilège de journaliste, il arrive qu’un lien Soundcloud renfermant le 1er jet d’une chanson dépouillée, parfois à l’état de démo, vous parvienne, laissant dans son sillage quelques indices sur la direction que choisira de prendre un artiste. L’écoute de Loon, troublante errance acoustique introduite par le souffle des vents du delta du Danube (Grand Blanc, on l’apprendra, ayant eu recours à la technique du field recording), nous aura laissé cette étrange impression que le groupe avait, peut-être, beaucoup écouté Mark Hollis ces derniers temps.
Dans un appartement haut perché de Metz, d’où on peut apercevoir la structure scintillante du Centre Pompidou, Jérémie Arcache réagit :“C’est drôle que tu causes de Mark Hollis parce que, hier, Chapelier Fou est venu écouter les répétitions et nous a dit la même chose. Hollis, ce n’est pas de la musique de film, ce n’est pas Hans Zimmer. Il ose des couleurs de musique de chambre du début du XXe, de Debussy à Ravel.”
C’est d’ailleurs avec ce morceau étiré jusqu’au point de rupture du jour que débute la performance de Grand Blanc et de l’Orchestre national de Metz, devant les caméras d’Arte Concert. Un show (qui se regarde via le lien en fin d’article) à l’initiative de la Cité musicale-Metz, par l’entremise de Patrick Perrin – programmateur musiques actuelles à la Boîte à musiques (BAM) –, qui fait s’associer artistes pop et grand orchestre. Cascadeur et Chapelier Fou, deux artistes du coin, s’étaient eux aussi prêté au jeu.
De Noyon à Metz
Jérémie (ex-Revolver) forme, avec son pote Leonardo Ortega, le duo Code, spécialisé dans l’arrangement, l’écriture et la composition pour orchestre. Passés par des formats de musique pop après une formation classique rigoureuse, ils cherchent aujourd’hui à “faire exister la musique d’orchestre autrement qu’à travers un répertoire classique”, nous révèlent-ils.
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Ce sont eux que Grand Blanc est venu chercher lorsqu’il a fallu transformer les morceaux en gestation du prochain album du groupe en partition. “On avait déjà travaillé avec un orchestre avant, celui de la compositrice Uèle Lamore, Orage, nous rencarde Camille Delvecchio. Pour les chansons sur lesquelles nous étions en train de travailler, on s’est rendu compte que ça pouvait être joué sous ce format. On avait utilisé une harpe, par exemple, et pour Loon, on a mis des contrebasses et violoncelles MIDI. Ce ne sont pas de vrais instruments, mais ça montrait bien qu’on avait envie d’aller vers cela. Les cordes, les bois, ce n’était pas le truc central de notre album, mais c’était un chemin possible. Quand Patrick Perrin nous a proposé de monter ce projet, je me rappelle avoir dit :‘Imagine à quel point ça pourrait être beau avec un orchestre’.”
Dès le coup d’envoi du 1er confinement, Ben, Camille, Vincent et Luc filent à Noyon, dans l’Oise. Là-bas, ils plantent des légumes, font des balades en forêt, écoutent Oneohtrix Point Never et s’extasient sur les guitares “bioniques” qui inondent le dernier album d’AG Cook. Une vie au ralenti, à l’image de l’époque. “On a commencé à faire de la musique, mais ce n’était pas bien, poursuit Camille. Rien ne se passait. On voulait tout jeter. Et puis, on a réalisé qu’il y avait des trucs pas mal. Aujourd’hui, on est sur des rails, mais c’est venu comme un énorme fade in.”
Les bases d’un troisième album sont jetées et semblent explorer des territoires plus ambient et un rapport au temps plus élastique, sur une palette de couleurs automnales. “Notre mode de vie a changé, abonde Ben David. Et le monde a beaucoup changé également. Dans cette maison, nous avions une vie plus centrée. Si tu regardes bien, il y avait déjà des signes annonciateurs sur Image au mur, notre dernier album. A la fin de notre dernière tournée, en Roumanie, on a poussé notre voyage, 2500 bornes en bagnole. En arrivant au delta du Danube, on était tous très crevés, biens et sereins. On écoutait de l’ambient, on avait envie de jouer sur des sèches”.
Pop orchestrée
C’est donc un album même pas encore mis en boîte que Grand Blanc a présenté fin mars dernier, sur la scène de la BAM, accompagné de l’Orchestre national de Metz. Drôle de façon de faire sonner un disque, mais l’exercice aura été salutaire, d’après Camille, qui a vu dans le fait de travailler avec Code sur cette adaptation au format orchestre l’opportunité d’ouvrir la porte à plus de créativité. “Jérémie et Léo ont écouté l’album à différents stades de sa création. On a beaucoup dialogué avec eux. On était dans une situation très bizarre : on était en train de finir un album et, en même temps, il fallait bosser sur quelque chose qui n’est pas l’album. On a donc continué à travailler dessus en gardant à l’esprit qu’il devait accueillir un orchestre. Il arrivait qu’on ait une structure pour une chanson, mais à un moment, au milieu, il ne se passe rien. Et là, Jérémie et Léo nous envoient leurs arrangements d’orchestre et d’un coup, il se passe quelque chose.”
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Pour les deux acolytes de Code, le 1er enjeu aura donc été de capter cette lumière qui filtrait à travers le feuillage éthéré des démos de Grand Blanc, afin de rendre compte de cette recherche d’un temps arrêté. “On a privilégié les bois, les instruments à vent, explique Leonardo. Il n’y a qu’un seul cuivre, et les cordes, dont une harpe, comme un deuxième groupe, à l’équilibre des bois. Alors qu’en général, tu retrouves plutôt une grosse masse de cordes et au-dessus, quelques bois.” Jérémie rajoute : “Il y a une harpe, un cor anglais, un hautbois, un basson. Dans la musique ambient, ces sons, qui sont très timbrés, peuvent se mélanger à une onde de synthé.”
Le deuxième enjeu aura été celui de la cohabitation entre le groupe et l’orchestre, le chaos inhérent au processus de création et de répétition du 1er entrant directement en conflit avec les rigueurs métronomiques de l’exercice de la musique du second. “Ce sont des réflexes complètement différents. C’était émouvant de les voir s’apprivoiser et s’écouter”, constate Leonardo. “Dans l’écriture, poursuit Jérémie, il a fallu inciter l’orchestre à écouter ce que fait le groupe et pas seulement se référer à la partition. On a d’ailleurs rédigé pas mal de notes pour susciter cette communication. C’est un bon outil, on l’a abordé comme une note d’intention. Quand Camille prend des libertés à la harpe, par exemple, on a juste écrit : ‘suivre la harpe.’”
Suivre la harpe, c’est le meilleur conseil qu’on pourra vous donner.
Disponible sur Arte.tv jusqu’au 19 avril 2022