Grand Blanc publie un “Halo” clair-obscur et beau à faire pleurer les brutes

“Je me suis jeté dans l’inconnu qui passait par là”, chante Grand Blanc en intro d’Immensité, comme pour rappeler que la vie du quatuor n’est qu’une succession d’instants à saisir, sans projection ni calcul. Il faut de toute façon accepter...

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“Je me suis jeté dans l’inconnu qui passait par là”, chante Grand Blanc en intro d’Immensité, comme pour rappeler que la vie du quatuor n’est qu’une succession d’instants à saisir, sans projection ni calcul. Il faut de toute façon accepter l’abandon total pour revenir avec un troisième album aussi dénudé, fragile, qui prône l’accalmie, la soustraction, et s’impose comme le parfait négatif des disques précédents.

Enregistré entre la Roumanie et la maison du guitariste de la bande (Vincent Corbel), Halo a effectivement moins à voir avec Alain Bashung ou Joy Division, références fréquentes des débuts, qu’avec Nick Drake, Debussy, A.G. Cook, la BO de Zelda ou n’importe quel·le folkeux·se ayant raconté les grands espaces, les rivières, le ciel et le grand air avec trois arpèges, une harpe et des guitares comme seuls outils de communication.

En 2018, les quatre avaient beau laisser transparaître un certain sens de la retenue sur Télévision, jamais l’on n’aurait pu imaginer le degré d’intimité auquel douze années de travail commun les mèneraient : ici, pas un solo ne s’impose, pas un arrangement ou une note de trop. Tout est impeccable de clarté, d’une pureté mise au service de ces chansons qui, d’après le groupe, sont “faites pour être emportées partout, jusqu’au milieu de nulle part, pour être chantées avec presque rien, pour habiter le silence”.

“Si jamais tu sombrais, je crois que je plongerais”

C’est évidemment désarçonnant – il faut bien deux ou trois écoutes pour trouver ses repères, déceler la richesse de ces mélodies faites de peu –, mais c’est là l’esquisse d’une autre façon d’envisager la pop, le geste, courageux, nécessaire d’un groupe prêt à se réinventer autrement.

De Halo, pourtant, on ne retient pas que le dénuement, ce folk numérique, cette acoustique augmentée qui s’autorise de temps à autre la saturation (Pilule bleue) ou les belles orchestrations synthétiques (Cercle). On s’attarde aussi sur l’interprétation murmurée de Benoît David et Camille Delvecchio, la façon dont il et elle incarnent avec sensibilité des phrases souvent oniriques, pleines de sous-entendus (“Couleurs vivent un peu plus longtemps”), de mots-valises (“Immense-cité”) et d’ambiguïté émotionnelle.

“Si jamais tu sombrais, je crois que je plongerais” : c’est beau à faire pleurer les brutes, et c’est évidemment le refuge inespéré pour trouver du réconfort et de la beauté lorsque la morosité et l’anxiété s’installent.

Halo (Parages/The Orchard/Bigwax). Sortie le 28 avril. En concert à La Maroquinerie, Paris, le 17 mai.