“Great Freedom” ou la quête absolue de liberté

À partir de son transfert d’un camp de concentration vers une prison allemande tenue par des soldats américains en 1945, la vie de Hans est faite de va-et-vient entre une liberté relative, passée dans des lieux marginaux où vivre son désir,...

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À partir de son transfert d’un camp de concentration vers une prison allemande tenue par des soldats américains en 1945, la vie de Hans est faite de va-et-vient entre une liberté relative, passée dans des lieux marginaux où vivre son désir, et des séjours répétés en prison.

Pour son deuxième film, Sebastian Meise a récolté de nombreux témoignages d’homosexuels allemands incarcérés à cause du paragraphe 175, qui criminalisait l’homosexualité : si la loi fut amendée en 1969, elle ne fut abolie qu’en 1994, condamnant entretemps des milliers d’hommes à la peur et l’isolement.

C’est sur le corps massif et sauvage de Franz Rogowski, quelque part entre Vincent Gallo et Joaquin Phoenix, que Meise choisit d’imprimer la violence de la contrainte et le puissant désir qui persiste à brûler. Le tatouage chiffré que Hans fait recouvrir d’une tache noire informe rappelle ainsi les couches successives qui composent l’expérience homosexuelle au milieu du XXe siècle, que rejoue la construction narrative en puzzle mémoriel, enroulant son existence autour du seul lieu carcéral.

Le dehors, entre idylle et espionnage

À l’inverse, l’extérieur est fiction, et seules des images super 8 nous en parviennent. Celles, ouvrant le film, du flagrant délit de Hans, surveillé par la police dans des toilettes publiques. Puis les souvenirs d’un après-midi idyllique passé au lac avec son jeune amant, incarcéré lui aussi : au moyen d’une Bible aux pages trouées afin d’y transmettre des mots d’amour, les deux amants conservent un lien, jusqu’à ce que la prison ait raison de l’un d’eux et fasse de ces images granuleuses des souvenirs d’une vie qui n’aura jamais pu éclore. Le film de Meise passe ainsi de séquences violentes (une fellation entre deux portes, une piqûre d’héroïne dans des toilettes) à de grandes embardées poétiques, élargissant le temps et l’espace de la prison pour nous faire respirer.

Un juste balancier entre film d’amour et de prison

Dans un constant balancier entre le film de prison et la romance, Sebastian Meise parvient à déjouer les clichés attachés à chacun des genres. Là où la prison pourrait être perçue à travers des rapports de violence et de domination, le cinéaste décide d’infiltrer son spectateur pour lui faire vivre la quotidienneté de la vie carcérale, dilatant le temps jusqu’à nous faire oublier le dehors. Là, entre ces murs froids, s’installe sur plus de deux décennies la plus étonnante et ravissante histoire d’amour : celle de deux camarades de cellule qui au 1er abord se détestaient, chacun écopant à sa manière d’une peine à perpétuité.

La liberté retrouvée est une prison

Puis la loi est amendée. Loin d’insuffler un désir serein, l’air de la liberté retrouvée a pour Hans un arrière-goût amer, celui des backrooms, qui copient ironiquement l’univers carcéral, les murs de pierre, les chaînes, les uniformes de flics. Sur le kitsch L’Amour de Mouloudji, Hans déambule dans des couloirs obscurs, où s’amoncellent des silhouettes floues d’hommes jouissant de cette ambivalente liberté sexuelle enfin acquise, dans laquelle le héros ne semble paradoxalement pas trouver sa place.

Là où le film peut choquer mais où il est en réalité le plus absolu, c’est dans son étrange épilogue, où Hans refuse sa liberté et préfère retourner en prison en commettant un vol absurde. Sans passer par l’explication didactique, cette fin à rebours interroge sur l’inadaptation sociale de ce héros verrouillé, lui qui aura connu pendant vingt ans l’espace de sa cellule comme seul horizon.