Grippe aviaire: pourquoi n'arrive-t-on pas à la contenir année après année?

ANIMAUX - “L’épidémie est hors de contrôle”. Alors que de premiers feux d’alarme s’allumaient en novembre 2020 avec les premiers cas de grippe aviaire, la situation sanitaire est aujourd’hui catastrophique dans les Landes, touchées de plein...

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Pourquoi n'arrive-t-on pas à se débarrasser de la grippe aviaire?

ANIMAUX - “L’épidémie est hors de contrôle”. Alors que de premiers feux d’alarme s’allumaient en novembre 2020 avec les premiers cas de grippe aviaire, la situation sanitaire est aujourd’hui catastrophique dans les Landes, touchées de plein fouet par l’épizootie. “Quasiment 400.000 canards ont été abattus dans ce département depuis décembre (...) ça va être encore des centaines de milliers, c’est une certitude”, a prédit le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie ce vendredi 8 janvier.

La grippe aviaire est pourtant un ennemi connu des éleveurs: en cinq ans les Landes ont subi trois lourdes épidémies, notamment en 2015, 2016-2017. Lors de l’épizootie de 2016-2017, la filière a investi des “centaines de milliers d’euros” pour renforcer la biosécurité en Chalosse. Parmi elles, la claustration des élevages, avec la construction de nombreux bâtiments. “En 2017, 80 à 90% des élevages étaient en plein air, aujourd’hui, 95% des élevages sont claustrés”, explique au HuffPost Marie-Pierre Pé, directrice du Cifog (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras).

Julien Denormandie assure aussi que “beaucoup de choses ont été faites depuis 2016, notamment en matière de protocole de biosécurité dans les élevages, avec la mise à l’abri des oiseaux, la limitation de la propagation d’un élevage à un autre”. Mais aussi le système de traçabilité sur les transports et le protocole de nettoyage de ces derniers. 

Malgré ces efforts, “on ne maîtrise plus le virus. Il y a toujours de nouveaux foyers”, déplore aujourd’hui Marie-Pierre Pé. Et ce dans cette même région où les mesures ont été déployées il y a quelques années. Pourquoi n’arrive-t-on pas à contenir ce virus, alors que des mesures coûteuses ont été mises en place pour que le pire ne se reproduise plus? La directrice du Cifog et Loïc Evain, chef des services vétérinaires et directeur adjoint de l’Alimentation au ministère de l’Agriculture, interviewés par Le HuffPost, nous en expliquent la raison.

Météo, virulence et manque de moyens humains

Pour Marie-Pierre Pé, ce fléau épidémique est le fruit d’une conjonction de plusieurs facteurs. Le premier étant que ce H5N8 est particulièrement agressif. “Ce virus passe par toutes les portes, toutes les fenêtres, il est extrêmement virulent, il est plus fort que nous”, se désole-t-elle. 

Parmi les autres facteurs, on trouve les conditions météorologiques. “Il a fait un temps désastreux ces dernières semaines, rappelle-t-elle, avec des alertes orange inondation et vents violents notamment”. Ces intempéries ont favorisé la propagation du virus, nous explique Loïc Evain. En effet, les flaques et points d’eau ainsi créés ont permis aux oiseaux sauvages potentiellement infectés de s’abreuver et de disséminer le virus. “Lequel survit d’ailleurs très bien dans l’eau”, ajoute-t-il.

Autre explication avancée par nos deux interlocuteurs: le manque de moyen humain pendant les fêtes de fin d’année. “De premiers foyers avaient été repérés en novembre, puis d’autres encore avant Noël. Mais le nombre a explosé entre Noël et le Nouvel An. C’est très difficile de mobiliser du personnel pendant cette période”, note le chef des services vétérinaires. Ce que confirme Marie-Pierre Pé: “Les autorités vétérinaires ont fonctionné en mode dégradé et ont été débordées. Certaines choses ont pu passer entre les mailles du filet pendant ces quelques jours”.

“On n’a pas été assez rapides”

Des failles, dans une zone très densément peuplée en canards, mais aussi un retard à l’allumage que déplore la directrice du Cifog. “On n’a pas été assez rapides à réagir. Ici on a une très forte densité de population, alors quand le virus s’est propagé, la tâche a été trop grande pour nous”, regrette-t-elle, estimant par ailleurs que le périmètre de 3km d’abattages préventifs des volatiles, dans les exploitations situées autour des foyers contaminés, était probablement trop faible. 

Pour Serge Mora, président du syndicat Modef des Landes cité dans Le Monde, la crise aurait pu être évitée dès les premiers signes en novembre, mais les mesures prises n’ont pas permis de l’endiguer. “Ce que nous aurions pu éteindre avec un seau d’eau au départ nécessite maintenant de sortir le Canadair”, dénonce-t-il.

Même constat décevant pour Jean-Pierre Raynaud, le vice-président de la Région en charge de l’agriculture sur France3 Régions: 

“On se rend compte que dans ce qu’on a mis en place après les deux autres crises, il y a des choses qui ont marché, comme le système de traçabilité sur les transports. Malgré tout, même avec les mesures de biosécurité et la claustration, ça ne nous met pas complètement à l’abri”.

L’éleveuse et syndicaliste Maryline Beyris pointe elle du doigt la fameuse claustration des élevages, le fait de les réunir dans les bâtiments. “Ce devait être le miracle pour résister au virus aviaire. On a vu que c’était justement dans ces bâtiments que, quand ça explosait, c’était terrible. Parce que non seulement on a claustré, mais on a mis de grandes quantités en claustration. C’est la densité qui a piégé tout le monde”, conclut-elle sur France3 Régions

Des épidémies de H5N8 annuelles à prévoir? 

Doit-on alors désormais s’attendre à subir une épidémie de grippe aviaire chaque année? “Non”, estime Loïc Evain qui se veut rassurant. Pour le directeur adjoint de l’Alimentation au ministère de l’Agriculture, rien ne sert de faire le bilan en plein incendie. D’une part, “on n’est pas sûr qu’il y aura à l’avenir de nouvelles migrations avec des animaux infectés avec un virus aussi violent”. 

“D’autre part, attendons que la crise passe et nous reverrons avec les scientifiques les mesures qui ont été prises, ce qu’on aurait pu améliorer ou changer. Si certains éleveurs pointent du doigt l’État sur la situation actuelle, c’est un peu facile, car c’est sur toute la filière qu’il faut s’interroger. Sur ce qui a pu ne pas être respecté dans certains protocoles par exemple. Peut-être qu’il faudra que la filière du canard gras s’interroge sur ses méthodes de production”, conclut-il.

Pour ne plus subir de plein fouet les épidémies d’Influenza Aviaire, la solution d’un vaccin a été à plusieurs reprises évoquée. Comme le souligne France3 Régions, “un laboratoire vétérinaire de référence girondin, Ceva, a mis au point un vaccin contre la souche du virus H5N8. La vaccination est possible à la chaîne et est présentée comme efficace à 100%”.

Toutefois, ce 8 janvier, le ministre de l’Agriculture a rappelé qu’à l’heure actuelle, “il n’y a pas de vaccin homologué”. Et, s’agissant d’une filière qui “exporte beaucoup”, “un certain nombre de pays à l’export refusent d’acheter des volailles vaccinées car ils craignent que cette volaille soit porteuse saine du virus et puisse contaminer les volailles du pays localement”. Conclusion du ministre qui fera office de douche froide: “je ne suis pas sûr que (le vaccin) soit véritablement uniquement la bonne solution”.

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