“Heat”, “Miami Vice”, ou la bromance selon Michael Mann
“Tu ne veux pas d’une vie normale”, glisse le lieutenant Vincent Hanna (Al Pacino) à Neil McCauley (Robert De Niro) lors d’une scène de dîner d’anthologie, qui annonce le dénouement tragique de Heat (1995). Mais cette révélation que le représentant...
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“Tu ne veux pas d’une vie normale”, glisse le lieutenant Vincent Hanna (Al Pacino) à Neil McCauley (Robert De Niro) lors d’une scène de dîner d’anthologie, qui annonce le dénouement tragique de Heat (1995). Mais cette révélation que le représentant de la loi fait au braqueur s’applique tout autant à lui-même, ce policier qui sacrifie sa vie personnelle sur l’autel de l’adrénaline que lui procure la traque du mal.
L’extrême porosité entre pureté et corruption
Cette tension entre la tentation d’une vie rangée et l’attrait du risque de la perdre fonde la filmographie de Michael Mann dès son 1er long métrage, Le Solitaire (1981), qualificatif d’ailleurs essentiel des personnages manniens. James Caan y incarne un malfrat qui planifie un dernier coup avant de fonder une famille. On le retrouve dans Le Dernier des Mohicans (1992), avec cet Indien à l’origine duplice désirant protéger les siens. Tandis que dans Collateral (2004), cette dualité se joue dans l’instrumentalisation, par le serial killer joué par Tom Cruise, d’un paisible chauffeur de taxi interprété par Jamie Foxx.
Chez le cinéaste, cette dialectique de l’ordre contre le désordre, de la préservation contre le danger, du bien contre le mal, de la vertu contre le vice n’est pas une opposition mais une suite d’états transitoires dont le film explore les complexes ramifications. Ainsi, dans son dernier film, Hacker (2015), c’est précisément par l’exercice du vice que le pirate informatique écroué joué par Chris Hemsworth parviendra à être gracié. La puissance émotionnelle inouïe du cinéma de Michael Mann se niche dans cette extrême porosité entre pureté et corruption. On pense alors au film sans doute le moins aimé du réalisateur, La Forteresse noire (1983), dont le sortilège maléfique ne peut être brisé que par l’intervention d’un cœur pur.
Diffusés à la suite sur OCS Choc lors d’une soirée consacrée au cinéaste, Heat et Miami Vice (2006) forment, avec Collateral, le sommet de son œuvre. Revoir ainsi les deux films d’affilée génère un sentiment de filiation, voire de gémellité, même s’il est vrai que le 35 mm et la mise en scène classieuse du 1er, toute dévolue à l’affrontement des deux monstres sacrés du cinéma américain, paraissent un poil ronronnants face à la sublime image full numérique du second.
Dans Miami Vice, Michael Mann est le 1er à avoir su tirer une telle plus-value du tournage en HD. Il se dégage du film un plaisir enfantin retrouvé à filmer les remous de l’écume, mêlés à une mer électrique, et le caractère ouaté des nuages dans le ciel d’azur, à restituer l’atmosphère côtière de la ville, sa cinégénie si particulière, à saisir la façon dont le vent agite la chevelure de Colin Farrell et à multiplier les angles de prises de vues les plus improbables. Cette fougue directement branchée sur les dernières évolutions technologiques de l’époque se retrouve dans la bande-son ultra-contemporaine du film où se côtoient le rap métallisé de Linkin Park, l’electro mélancolique de Moby et les nappes saturées de riffs de guitare de Mogwai.
Bromance secrète
Mais mis à part cette différence cosmétique, Heat et Miami Vice sont deux polars urbains ayant pour terrain de jeu la nuit et ses lumières, où l’on court derrière l’action plus qu’on ne l’anticipe. De Los Angeles à Miami, les films partagent les mêmes points d’incandescence tragique : une interminable scène de shooting comme nœud de résolution et une déchirante scène d’adieu en guise d’épilogue.
Si le duo du 1er (De Niro/Pacino) s’oppose tandis que celui du second (Jamie Foxx/Colin Farrell) s’allie, les deux paires des films sont liées par une bromance secrète. Ce sont deux polars dont l’apparent masculinisme cache une virilité aux abois, une forme de romantisme refoulé. Heat et Miami Vice tendent à leurs héros un piège qui se referme petit à petit sur eux.
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Le déchirement produit par ce renoncement à la possibilité du bonheur amoureux et cet entêtement dans la fatalité du vice condamnent les héros manniens soit à la mort, comme De Niro dans Heat, soit à une terrible solitude, à une vie de masques et d’éternelle chasse. “It was too good to last”, conclut Colin Farrell dans Miami Vice, avant d’étreindre une dernière fois Gong Li et de la laisser partir.
Miami Vice (E.-U., 2006, 2 h 15) et Heat (E.-U., 1995, 2 h 50) sur OCS Choc le 13 avril à partir de 20 h 40
La Forteresse noire (1983), Le Sixième Sens (1986), Ali (2002) et Luck (2011-2012) sur OCS