"Hippocrate" saison 2 nous plonge dans les trois "douleurs" des soignants
SÉRIE - “Quand on ne prend pas soin de ses soignants, on ne prend pas soin de ses malades”. La saison 2 de “Hippocrate” explique le quotidien d’internes – incarnés par Louise Bourgoin, Alice Belaïdi ou Karim Leklou – qui subissent de plein...
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SÉRIE - “Quand on ne prend pas soin de ses soignants, on ne prend pas soin de ses malades”. La saison 2 de “Hippocrate” explique le quotidien d’internes – incarnés par Louise Bourgoin, Alice Belaïdi ou Karim Leklou – qui subissent de plein fouet la violence d’un hôpital exsangue. Le réalisateur Thomas Lilti et ses coauteurs avaient écrit une grande partie des épisodes bien avant le début de la crise du Covid-19. Mais alors que la France traverse la troisième vague, la diffusion de la série qui démarre ce lundi 5 avril sur Canal+ prend une toute autre portée.
La saison 2 d’“Hippocrate” s’ouvre sur une catastrophe: c’est l’hiver, les hôpitaux sont submergés, une canalisation saute et inonde le service des urgences de l’hôpital Poincaré. Les soignants comme les malades se replient alors en médecine interne, où travaillent Chloé, Hugo et Alyson, les jeunes héros de la saison 1. Cette inondation est une métaphore sans équivoque d’un “hôpital qui s’abime, se noie”, et de soignants débordés qui ne peuvent “qu’écoper”, révèle Thomas Lilti lorsqu’on le rencontre virtuellement au début du mois de mars.
Le “terrible” tri des patients
“Cette saison a été écrite et en partie tournée avant la crise de la Covid-19, mais elle me semble on ne peut plus d’actualité en montrant un service au bord de l’implosion. Un hôpital déjà en souffrance où le moindre accroc peut se transformer en catastrophe. C’est violent, douloureux, mais c’est aussi ce qui fait la puissance de ce métier”, assure-t-il. Le réalisme du monde hospitalier, le réalisateur le connaît bien. Avec de se tourner vers le cinéma avec “Médecin de campagne” ou “Première année”, Thomas Lilti a été médecin généraliste.
Et alors que le 1er confinement interrompait brutalement le tournage de cette saison dans une aile désaffectée de l’hôpital Robert-Ballanger à Aulnay-sous-Bois, le cinéaste n’a eu qu’à “pousser deux portes” pour prêter main forte en tant que médecin bénévole. “La 1ère chose à laquelle j’ai assisté quand j’ai repris à l’hôpital, c’est le tri des patients”, se souvient-il. ”Ça a été terrible pour moi, et ça l’est pour tous les soignants. Comment on décide? Sur quels critères? Le tri fait partie de la vie hospitalière et ce n’est pas anodin.”
Même si le Covid-19 n’en est pas la raison - l’épidémie n’est évoquée que dans le 8e et dernier épisode réécrit en cours de route - cette lourde tâche du tri des patients est évoquée au travers d’un épisode. Alors que de très nombreuses victimes d’une intoxication au monoxyde de carbone affluent, les internes ne pourront envoyer que trois patients dans un caisson hyperbare, qui permet principalement d’accroître l’oxygénation des tissus. Et ils devront porter sur leurs épaules la lourde charge de ces choix.
“L’hôpital ne sait pas prendre en charge la maladie mentale”
Parmi les nouvelles thématiques qui traversent cette saison 2, la question de la santé mentale est centrale. Parfois abordée de façon légère, d’autres dans des scènes plus graves et difficiles à regarder, cette maladie “invisible” est omniprésente dans le service d’urgences imaginé par Thomas Lilti. Et pour le réalisateur, l’enjeu est double.
“J’ai envie de dire qu’aujourd’hui, l’hôpital public ne sait pas prendre en charge la maladie mentale”, explique celui qui met en scène des jeunes internes, ni prêts, ni vraiment formés pour prendre en charge des patients en souffrant. “Mais cette maladie mentale n’est que le reflet du mal être des soignants”, évoque aussi Thomas Lilti.
Le personnage de Chloé, handicapée après avoir perdu l’usage de sa main, perd toute confiance en elle et a l’impression d’être incompétente. “Douter et perdre ses moyens nous entraîne à faire des erreurs de jugement lorsqu’on est médecin”, complète-t-il. Tandis que les personnages de Hugo ou Igor sont en grande souffrance psychologique et cela les conduit à des drames. “L’hôpital public ne prend pas soin de nos soignants”, souffle Thomas Lilti, “or quand on ne prend pas soin de ses soignants, on ne prend pas soin de ses malades”.
Soigner dans “l’urgence permanente”
À part dans le calme oppressant de l’étroit caisson hyperbare - qui devient un lieu symbolique de cette saison - le bruit, le stress, l’urgence ne s’arrêtent jamais dans les 8 nouveaux épisodes de la série. Au flux incessant des patients et au manque de matériel ou de place, s’ajoute un nouveau chef des urgences, le docteur Brun (en photo ci-dessus), médecin investi et charismatique, mais aussi ultra exigeant et au management parfois brutal.
“L’institution va trop vite”, commente le réalisateur. “Le système fait qu’on n’a pas le droit de ne pas être à la hauteur quand on est jeune médecin. Et la peur de décevoir, de mal faire, de se tromper ont tendance à empêcher le dialogue et la parole”. Et quand l’hôpital est en crise, les conditions de travail sont d’autant plus difficiles: “Ce qui fait souffrir les soignants, c’est surtout de ne pas pouvoir bien faire leur travail. C’est ça le sentiment le plus douloureux”.
“Tant dans son propos que dans sa fabrication, cette saison épouse les secousses majeures de l’année écoulée”, résument les producteurs Agnès Vallée et Emmanuel Barraux. Les acteurs Alice Belaïdi, Louise Bourgoin, Karim Leklou ou encore Bouli Lanners - nouveau venu de ce casting toujours réussi - le concèdent sans ambages: ce tournage leur a tous fait “prendre conscience de l’urgence permanente” dans laquelle exercent les soignants et leur a “ouvert les yeux sur l’effondrement d’un système.” Et il y a fort à penser que la série aura le même écho auprès des téléspectateurs qui la suivront sur Canal+.
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