Hongrie: la loi homophobe qui agite l'Euro et l'UE aura des conséquences concrètes

HOMOPHOBIE - Amalgames en pagaille. Marine Le Pen a approuvé le refus de l’UEFA de laisser le stade de Munich afficher, ce mercredi 23 juin, les couleurs arc-en-ciel pour protester contre une loi hongroise homophobe. Le sport “est un des espaces...

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Ce que dit vraiment la loi homophobe hongroise qui agite l'Euro et l'UE (Photo d'illustration: manifestation pour les droits LGBTQ en Hongrie après l'adoption d'une loi homophobe par le gouvernement de Viktor Orban. Photo prise aux Pays-Bas le 21 juin 2021 par Romy Arroyo Fernandez/NurPhoto via Getty Images)

HOMOPHOBIE - Amalgames en pagaille. Marine Le Pen a approuvé le refus de l’UEFA de laisser le stade de Munich afficher, ce mercredi 23 juin, les couleurs arc-en-ciel pour protester contre une loi hongroise homophobe. Le sport “est un des espaces précisément où la politique ne doit pas entrer”, a affirmé sur France Inter la présidente du Rassemblement national.

Alors qu’elle était interrogée sur cette loi très décriée, adoptée le 15 juin en Hongrie, elle a par ailleurs estimé qu’il ne fallait “faire la promotion d’aucune sexualité auprès des mineurs. Il n’y a pas à faire auprès des mineurs la promotion de quelque sexualité que ce soit”. “Laissons les mineurs tranquilles”, a-t-elle demandé, utilisant les mêmes mots que le dirigeant hongrois Viktor Orban en octobre 2020.

Mais est-ce vraiment ce que préconise la loi hongroise? Dans les grandes lignes, ce nouveau texte, voté à 157 voix contre une, prévoit que “la pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l’identité de genre, le changement de sexe et l’homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans”.  

Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre d’un arsenal de mesures de protection des mineurs et visant à lutter contre la pédophilie. Parmi celles-ci, figure la création d’une base de données des personnes condamnées accessible au public, ou encore leur bannissement de certaines professions. 

Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Budapest pour dénoncer la “propagande permanente” du gouvernement contre la communauté LGBT. Cette loi est “une honte” et va à l’encontre “des valeurs fondamentales de l’UE”, a estimé de son côté ce mercredi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Cette dernière a été appelée par des ministres européens à agir contre ce texte homophobe.

Amalgame entre homosexualité et pornographie

Mais le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto, ne l’entend pas de cette oreille. Il a dénoncé des “fake news” et a affirmé que cette loi “n’est dirigée contre aucune communauté en Hongrie (mais) seulement contre les pédophiles”.

“Cette loi ne dit rien sur l’orientation sexuelle des adultes. Elle dit seulement que tant que les enfants ont moins de 18 ans, leur éducation sexuelle relève exclusivement de leurs parents, c’est tout”, a-t-il assuré, ajoutant que ce texte représentait “une compétence nationale qui ne devrait pas être remise en question”.

Pourtant le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune a apporté plus de précisions sur ledit texte en lisant une partie du communiqué du gouvernement hongrois ce 23 juin sur France Inter: 

“Les parents sont en droit d’attendre que les contenus regardés par leurs enfants ne contiennent pas d’images pornographiques ou homosexuelles”, lit-il face à Léa Salamé. “On n’est pas là dans l’opinion. Quand on considère que montrer une image d’un couple homosexuel, gay ou lesbien, est une forme de pornographie, il y a un problème”, alerte-t-il. 

Clément Beaune se désole par ailleurs d’avoir dû débattre plusieurs heures au Conseil des ministres européens pour expliquer à son homologue hongrois qu’un “contenu homosexuel, une image d’un couple homosexuel, dans une publicité, ça n’est pas un contenu pornographique”. “Je ne pensais pas avoir à faire ça un jour en Europe actuellement”, révèle-t-il atterré.

Quelles conséquences concrètes pour les Hongrois?

La volonté du gouvernement Orban de ne pas voir, à dessein, cette différence a des conséquences énormes dans la pratique. Avec cette nouvelle loi, les programmes éducatifs ou les publicités de grands groupes solidaires des minorités sexuelles et de genre ne seront plus autorisés. Comme par exemple celle de Coca-Cola représentant un couple d’hommes souriant qui avait suscité en 2019 des appels au boycott.

Il en sera de même pour des livres, tels que le recueil de contes et légendes dédramatisant l’homosexualité qui s’était attiré les foudres du pouvoir à l’automne 2020.

Des séries comme “Friends” ou des films comme “Bridget Jones”, “Harry Potter” ou “Billy Elliot”, dans lesquels l’homosexualité est évoquée, pourraient également être interdits aux mineurs ou diffusés après 22h. “La loi signifie que les émissions de télévision et les films mettant en vedette des personnages homosexuels, ou même un drapeau arc-en-ciel” seront diffusés en deuxième partie de soirée, note The Guardian.

Ce qui n’a pas l’air de choquer les autorités hongroises.

“Il y a des contenus que les enfants en dessous d’un certain âge peuvent mal comprendre et qui peuvent avoir un effet néfaste sur leur développement à l’âge donné, ou que les enfants ne peuvent tout simplement pas assimiler, et qui pourraient donc brouiller leurs valeurs morales en développement ou leur image d’eux-mêmes monde”, a défendu un porte-parole du gouvernement hongrois cité par le média britannique.

La loi indique également que seules les personnes et les organisations répertoriées dans un registre officiel peuvent organiser des cours d’éducation sexuelle dans les écoles, une mesure visant “les organisations aux antécédents professionnels douteux … souvent créées pour la représentation d’orientations sexuelles spécifiques”, a déclaré le même porte-parole. Comme le note Le Monde, ceci devrait mettre en danger le programme d’interventions de gays et de lesbiennes mené par deux ONG dans des dizaines de lycées ces dernières années.

“Le texte de la loi est, à dessein, très ambigu”, souligne Zsolt Szekeres, représentant du comité Helsinki (HHC), une organisation de défense des droits humains. “Nous n’en connaissons pas encore entièrement les conséquences”, a-t-il dit à l’AFP, mais cette loi “va refroidir les organisateurs” d’événements. “Comment m’assurer que ce que je vais dire n’arrivera pas aux oreilles de quelqu’un de moins de 18 ans, qu’un enfant ne passera pas dans la rue lors d’une Gay Pride ?”, a-t-il demandé.

Un argument “pervers, contre-productif et dangereux”

Cette loi “va stigmatiser davantage encore les LGBT, les exposant à une plus grande discrimination dans ce qui est déjà un environnement hostile”, a commenté dans un communiqué le directeur d’Amnesty International en Hongrie, David Vig, faisant un rapprochement avec “l’infâme” loi russe qui punit tout acte de “propagande” homosexuelle destinée aux plus jeunes. Un loi qui avait par exemple permis qu’une marque russe de glaces multicolores soit accusée de propagande homosexuelle à cause de son packaging arborant les couleurs arc-en-ciel.

L’eurodéputée française Gwendoline Delbos-Corfield (Verts), rapporteur du Parlement européen sur la situation en Hongrie, a déploré “un affront aux valeurs européennes”.

“Utiliser l’argument de la protection de l’enfance comme prétexte pour cibler les personnes LGBTIQ est pervers, contre-productif et dangereux pour toutes et tous”, a-t-elle ajouté.

Cette nouvelle offensive anti-LGBT intervient dans un contexte de durcissement de la politique de Viktor Orban, qui brandit haut et fort ce qu’il considère comme des valeurs chrétiennes traditionnelles et promeut une “nouvelle ère” culturelle. En décembre 2020, le Parlement a adopté un paquet législatif inscrivant la notion traditionnelle de la famille et du “genre” dans la Constitution et interdisant de facto l’adoption aux couples de même sexe.

La Hongrie, membre depuis 2004 de l’Union européenne (UE) dont la charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle, est régulièrement accusée par Bruxelles d’atteintes à l’État de droit.

À voir également sur Le HuffPost: En Pologne, la Gay Pride de Lublin était attendue par des contre-manifestants ultra-nationalistes