“Hypnotic” : le manuel anti-Nolan de Robert Rodriguez

La trajectoire de cinéaste de Robert Rodriguez est aussi déroutante que passionnante et semble investir discontinûment la marge et le centre. De la fabrication de son 1er film El Mariachi, porté par un budget dérisoire, à sa tentative plus...

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Copyright 2023 Hypnotic Film Holdings LLC

La trajectoire de cinéaste de Robert Rodriguez est aussi déroutante que passionnante et semble investir discontinûment la marge et le centre. De la fabrication de son 1er film El Mariachi, porté par un budget dérisoire, à sa tentative plus récente de créer son propre studio, le cinéaste a passé toute sa carrière à composer avec les limitations propres à l’industrie tout en voulant préserver son indépendance. Après avoir été adoubé par James Cameron pour porter à l’écran le très délicat tableau de SF dystopique Alita : Battle Angel en 2019, il s’adonnait à la réalisation de deux films sortis sur plateformes dont vous n’avez probablement jamais entendu causer : Red 11, réalisé avec 7 000 dollars (budget de son 1er film) et un mashup d’alien et de super-héros pour Netflix (C’est nous les héros).

Un peu d’exercice mental

Trois ans plus tard, on le retrouve avec Hypnotic, une série B qui semble en forme de grand labyrinthe mental à la Nolan. Apanage d’un réalisateur caméléon et rebelle, cette extrême hétérogénéité de Robert Rodriguez semble moins guidée par l’idée de se fondre dans l’univers d’un cinéaste que de subvertir le genre pour en révéler sa pureté primitive. Dans ce thriller psychologique, porté par Ben Affleck et Alice Braga, qui mêle hypnotisme et multiples niveaux de réalité, il parvient à un travail d’artisanat aussi astucieux que bancal sans jamais en atténuer la lisibilité.

À la lisière entre Matrix, Inception et Scanners, Hypnotic reprend la grammaire du “cinéma du cerveau” qu’évoquait Deleuze à propos de Kubrick et Resnais (incarné aujourd’hui par le fils prodigue Nolan), qu’il surenchérit quitte à exhiber avec ironie les coutures de ses incohérences. Cette surenchère de rebondissements et cette production tous azimut de nouvelles bifurcations finissent par produire une poésie déréalisante, un scepticisme généralisé (sommes-nous en train de rêver ou sommes-nous les victimes d’un puissant imposteur ?) qui tend une réflexion jubilatoire sur la création et la fabrique des images à Hollywood. Parce que les pouvoirs d’hypnotisme décrits par le film ne reposent pas tant sur la subversion de la volonté des gens que sur la modification de leur perception de la réalité, le films nous informe dès le départ que nous devrons par prendre pour réalité ce qui s’écoule devant nous et que nous devrons tout remettre en question. Pourtant, aussi incohérent et imparfait soit-il, nous y plongerons.

Hypnotic fait l’autoportrait d’un cinéma de l’artisanat, sincère et sans prétention, une célébration de l’artifice lorsqu’il est mis entre les mains d’un certain romantisme. Film de la rêverie plutôt que du contrôle, bien plus fasciné par la construction plutôt que par la destruction, on ne pensait pas trouver dans le nouveau film de Rodriguez une critique aussi lucide et immédiate du dernier Nolan.

Hypnotic réalisé par Robert Rodriguez, avec Ben Affleck et Alice Braga (2023), sortie le 23 août 2023.