“Il mio corpo”, entre documentaire et fiction
Un lieu commun persistant voudrait que l’on oppose le cinéma documentaire et fictionnel comme deux natures d’images irréconciliables. Au sein d’une année particulièrement propice à remettre en cause cette hypothèse (le réel qui transperce nos...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
Un lieu commun persistant voudrait que l’on oppose le cinéma documentaire et fictionnel comme deux natures d’images irréconciliables. Au sein d’une année particulièrement propice à remettre en cause cette hypothèse (le réel qui transperce nos vies de 2020 n’appartient-il pas à l’idée que l’on se fait d’habitude de la fiction ?), il semblerait qu’une partie de la cuvée 2020 de l’ACID (section du Festival de Cannes programmée par des cinéastes) ait choisi d’exhiber les délimitations poreuses qui existent entre le documentaire et la fiction. La singularité de ces films étant qu’ils ne regardent pas la fiction par le prisme d’un effet de réel (ce à quoi s’emploie depuis toujours le naturalisme) mais, à l’inverse, projettent de la fiction dans sa matière documentaire.
Avec la délicatesse du trait et pourtant la force du manifeste, deux films abolissent particulièrement cette rupture entre documentaire et fiction pour mieux les conjuguer : Funambules d’Ilan Klipper (dont nous recauserons à sa sortie, probablement en début d’année prochaine) et Il mio corpo de Michele Pennetta.
Ultime volet d’une trilogie tournée par le jeune cinéaste sur la Sicile, Il mio corpo suit la vie du jeune Oscar, employé par son père pour récupérer de la ferraille dans des décharges de l’île. De l’autre côté de la ville, Stanley, un réfugié nigérian, accomplit plusieurs petits boulots donnés par le prêtre de la paroisse. Entremêlées par l’écriture du montage alterné qui donne au film son écrin de fiction, ces deux vies rêvant d’un ailleurs finiront par se rejoindre aux confins de son récit dans une très belle scène nocturne onirique.
>> A lire aussi : Cinéma : 5 points sur lesquels la crise sanitaire a eu du bon
Tragédie méditerranéenneIl mio corpo fictionnalise ainsi sa substance documentaire pour en faire une tragédie méditerranéenne, à la fois rêche et langoureuse, sur la quête d’ailleurs de ses deux héros. Ce mouvement vers la fiction est autant provoqué par les choix artistiques du cinéaste que celle-ci s’immisce dans le réel par accident. Comme dans cette scène où le jeune Oscar tombe nez à nez avec un revolver dans une déchetterie (mécanique digne d’un scénario de fiction, alors que l’arme a été découverte par hasard durant le tournage.)
Si Il mio corpo invite la fiction, c’est pour mieux regarder le cinéma et réveiller les fantômes du néoréalisme italien (la Sicile si chère à Visconti, les virées à bicyclette des héros aux traits pasoliniens, se baladant tels des funambules du réel comme chez Antonioni). Ces réminiscences sont également trouvées par le film dans son rapport incroyablement sensoriel aux images, purement optiques et sonores, dans lequel, à l’intérieur de cadres pourtant très travaillés, le réel ne semble pourtant plus représenté ou reproduit mais “visé”, comme l’écrivait Bazin à propos du mouvement italien.
Il mio corpo de Michele Pennetta (It., Suis., 2020, 1h22). Sortie le 26 mai