“Il n’y aura plus de nuit”, un regard poétique sur la dévastation en zone de conflit
Le film d’Eléonore Weber est aussi beau que le titre qu’il porte. Il peut se lire comme un essai poétique, se voir comme un objet théorique passionnant, mais c’est avant tout comme une comète mélancolique qu’il nous arrive, tel un documentaire...
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Le film d’Eléonore Weber est aussi beau que le titre qu’il porte. Il peut se lire comme un essai poétique, se voir comme un objet théorique passionnant, mais c’est avant tout comme une comète mélancolique qu’il nous arrive, tel un documentaire qui aurait fusionné avec un film de fantômes ou de science-fiction.
Pourtant, il explique notre monde avec une lucidité rare et prophétise celui de demain en prenant pour matériau des images militaires issues d’hélicoptères qui survolent des zones de guerre.
Mais ce n’est ni d’actualité ni de géopolitique dont nous cause Il n’y aura plus de nuit, mais de folie humaine, de technologie capitaliste, de fantasmes guerriers et de pulsion scopique. Le film montre l’enregistrement de la mort en direct inscrite dans des plans aériens, de nuit, dévoilant des lieux isolés aux quatre coins du monde, sur lesquels se détachent des silhouettes humaines rendues visibles par les capteurs thermiques et infrarouges.
Des ombres sans visage
La mort ici n’a rien de morbide, pas de chair, de sang, ni de son pour la figurer, seuls des nuages de poussière qui annoncent son arrivée. Sur l’écran, ces ombres dont on ne perçoit pas le visage mais dont on peut deviner jusqu’aux motifs des vêtements sont des ennemi·es potentiel·les à abattre.
“Plus les pilotes voient, plus ils risquent de se tromper”, révèle Pierre V., soldat français caché sous un pseudo, dont la voix off du film, celle de Nathalie Richard, toute aussi durassienne que le beau texte elliptique qu’elle égrène, se fait le relais.
Le film explique le désir de trop bien voir, un désir de toute-puissance et d’omniscience poussé à son paroxysme
Un aveu qui révèle l’absurdité d’une technique de combat permettant à celui ou celle qui voit de tuer en même temps. Il n’y aura plus de nuit est la fable d’un monde de bavures qu’on ne parvient même plus à définir (“aucun pilote ne se retrouve devant un tribunal, ou alors c’est très rare”), d’un monde clivé : le haut des puissants, le bas des plus faibles.
Mais c’est aussi une histoire de regard, et donc de cinéma. Le film explique aussi le désir de trop bien voir, un désir de toute-puissance et d’omniscience poussé à son paroxysme quand il dévoile une toute récente technologie permettant de rendre totalement lisibles des images nocturnes.
Mais à trop vouloir voir, on finit par ne plus rien voir, ni savoir distinguer un berger d’un terroriste, un râteau d’une kalachnikov… S’il n’y a plus de nuit, nous dit le film, il n’y a plus de mystère, de secret et de refuges possibles. En somme, plus de jour, non plus.
Il n’y aura plus de nuit d‘Eléonore Weber (Fr., 2020, 1h15). En salle le 16 juin