“Il Varco” de Michele Manzolini et Federico Ferrone, un récit de guerre pas tout à fait comme les autres
Si, de bout en bout, Il Varco est accompagné par la voix délicieusement languide de son narrateur, c’est la voix de François Truffaut dans La Nuit américaine que l’on croit entendre secrètement. La phrase est célèbre : “Les films avancent comme...
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Si, de bout en bout, Il Varco est accompagné par la voix délicieusement languide de son narrateur, c’est la voix de François Truffaut dans La Nuit américaine que l’on croit entendre secrètement. La phrase est célèbre : “Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit”, confessait le cinéaste de la Nouvelle Vague devant un Jean-Pierre Léaud en pyjama, soufflé par la force de l’aphorisme. Il Varco est de ces films-là. Il avance comme un train, peut-être encore plus que les autres. Comme monté sur un rail, il progresse de l’Italie – le point de départ de son narrateur – vers l’Est et déraille pour achever son périple, perdu au milieu des steppes enneigées de l’Ukraine.
Nous sommes en 1941, et l’armée italienne s’est ralliée à Hitler. Persuadée que l’issue du conflit sera en leur faveur, l’Allemagne nazie promet à son nouvel allié que cette guerre sera la dernière d’Europe. “Celle qui mettra fin à toutes les guerres.” Un soldat italien monte dans un train en direction de l’Ukraine pour rallier les troupes allemandes prêtes à envahir l’Union soviétique. Mais dès le départ, le narrateur ne partage pas le sentiment de liesse de ses camarades militaires. Il a déjà fait la guerre au milieu des années 1930 en Éthiopie et sait, derrière les idéaux des nations, la terrible vérité de la guerre qu’on ne dit pas.
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Temps suspenduJamais loin du cinéma expérimental, et mélangeant de véritables images d’archives, tournées en Europe et en Afrique pendant la Seconde Guerre mondiale, à des images des conflits militaires actuels sur le territoire ukrainien, Il Varco restitue, par la grande virtuosité de son montage, l’expérience de guerre comme un voyage mental aux délimitations troubles. Celui qui y participe se voit entraîné dans un nouveau temps, suspendu, qui petit à petit le digère.
Une dissolution du temps et de l’être, qui n’est pas nouvelle au cinéma et poursuit ce que de grands modèles du genre (Apocalypse Now, Full Metal Jacket) ont décrit avant lui sur la réalité d’un conflit armé. À ceci près que le film se détache de ces modèles pour en proposer une représentation encore plus radicale. Le récit s’abstiendra de toutes scènes de combat ou de violence pour ne garder de la guerre que ce qu’elle porte en temps morts et creux : l’attente, les doutes et le désir ardent de retourner chez soi. Par cette prodigieuse force d’abstraction, le film coréalisé par Federico Ferrone et Michele Manzolini paraît tour à tour mystérieux, cotonneux, mais aussi terrifiant.
À l’image de cette légende racontée au début du récit, comme tout droit sortie d’un film muet de l’expressionnisme allemand, et qui dit peut-être à elle seule ce qu’est la guerre : l’histoire d’un homme qui signe un pacte avec le diable et qui ne le sait pas encore.
Il Varco de Michele Manzolini et Federico Ferrone (It., 2021, 1 h 10). En salle le 1er septembre.