Il y a 26 ans, je ne me sentais pas prêt pour la paternité. Ma fille devenue femme a tout changé - BLOG
PARENTALITÉ - Originaire de Périgueux, j’ai rencontré E. en 1993. Notre relation n’a pas duré assez longtemps pour envisager l’avenir. J’ai assez rapidement rompu. Je me souviens encore de sa maison, sa patience envers moi et plus tard, ma...
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PARENTALITÉ - Originaire de Périgueux, j’ai rencontré E. en 1993. Notre relation n’a pas duré assez longtemps pour envisager l’avenir. J’ai assez rapidement rompu. Je me souviens encore de sa maison, sa patience envers moi et plus tard, ma stupeur quand Fanny, une amie commune, m’a annoncé que E était enceinte.
Je me rappelle encore ses paroles, son ton ferme et devant mes amis incrédules, j’ai bredouillé une réponse évasive.
Je n’ai jamais su si c’était un accident ou volontaire.
À l’époque, j’avais 23 ans et elle, 25. Militaire, je ne revenais que les week-ends en raison de mon poste à Lyon.
Finalement, je n’étais pas prêt à m’engager.
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Plusieurs mois sont passés, nous avons eu très peu de contacts, mais elle m’a laissé la possibilité de choisir son deuxième prénom.
1994, naissance, 1ère rencontre
À la suite de son accouchement, qui a lieu le 2 juillet 1994, 1ère rencontre. Je revois la scène comme si c’était hier; nous 3 dans un lieu habituel du centre de Périgueux avec cette fébrilité interne et les choix qui s’offrent à moi.
J’ai bien senti qu’elle essayait de me raccrocher à leurs vies.
Encore une fois, j’étais trop jeune, pas assez mature et une irrésistible envie de découvrir le monde m’habitait. Il est facile 26 ans après de chercher des excuses ou des raisons, mais la peur de me retrouver enfermé explique en partie la suite.
Octobre 1994, le clash, le jour de l’anniversaire de E. Nous nous sommes croisés dans une soirée et j’étais avec ma nouvelle amie qui est devenue la femme de ma vie.
J’ai fui, rompant tout contact avec Elles.
J’ai souvenir de l’avoir tenue dans mes bras, donné à manger, quelques instants d’intenses émotions.
26 ans plus tard, tout me revient, les lieux, rencontres, bons et rares mauvais moments. Le cerveau est extraordinaire, il a la capacité d’occulter et de remettre en lumière l’histoire.
Revenons en 1994.
Pendant toutes ces années, E. ne m’a rien demandé.
Un trou noir jusqu’en 2002 et une embardée dans mon couple fait ressortir cette douleur enfouie.
En 2011, je perds ma mère et là, de nouveau, cette peine si lointaine ressurgit. Un questionnement lancinant se fait jour.
Je croise E. lors d’une de mes rares visites en Dordogne. Elle me voit, mais ne me dit rien. La surprise ou tout simplement que la page était tournée.
Ma femme l’a su dès le départ. Nous n’en avons jamais parlé, mais elle m’avouera très récemment qu’elle savait où E. vit et qu’elle s’attendait à ce que cette enfant devenue femme frappe à notre porte.
C’est bien comme ça que ça se passe en règle générale? Eh bien, pas chez moi
Il m’a fallu 4 ans pour être décidé. À la faveur d’un nouveau poste en 2015 sur le campus bordelais, je commence mes recherches et assez rapidement, je retrouve E qui s’est mariée, a fondé une famille et qui par hasard, habite à 15 kilomètres de chez mes beaux-parents. En fait, nous passons régulièrement à côté.
Et là, stupeur. Je découvre les 1ères photos de mon 1er enfant; elle me ressemble un peu, a les yeux de ma mère, notre nez.
Plus tard, je la croise à 20 mètres de mon bureau, elle était attablée avec une amie et je me revois encore marchant pour reprendre le travail après la pause méridienne et la découvrant si proche. Je l’observe pendant quelques secondes puis fais une boucle de plusieurs dizaines de mètres pour prendre une photo cachée, mais entre-temps, elle avait disparu.
J’aurai la confirmation plus tard que faisant ses études non loin, elle venait régulièrement sur ce lieu.
Toujours en recherche, je découvre qu’elle habite à 6 kilomètres de chez nous, à Bordeaux. Les doutes sont toujours présents et je ne sais pas comment je vais être accueilli.
Hiver 2019, je suis décidé à y aller
J’envisage la méthode qui se trouve être bouleversée par le Covid-19.
J’accélère dans ma réflexion. Afin de ne pas faire d’impair, car ne sachant pas ce qu’elle sait et le degré de connaissance de ses frères sur l’histoire, je prépare en février un courrier pour E.
La lettre est restée 3 jours sur mon bureau avant de l’envoyer.
L’attente. Finalement, quelques minutes avant de partir à une soirée d’anniversaire, je reçois un mail qui me soulage, mais sans avoir le temps d’en prendre connaissance.
J’étais tellement dans l’attente du sens de ce retour, que j’ai passé la soirée sur une autre planète.
À table, mes pensées virevoltaient entre ces mots que j’attendais, la teneur de la réponse et les conversations autour du champagne.
Personne ne s’en est rendu compte!
Pour simplifier, je n’ai pas d’opposition (si tu lis cet article, je t’en remercie).
Je suis un impatient dans tout ce que je vis. Dans ce retour, E m’indique qu’elle va lui transmettre mes coordonnées et c’est à Elle de décider d’une suite à donner…
Les jours passent et je ne vois rien arriver. Les cheveux blancs se font chaque jour plus présents et les ongles se réduisent!
Je décide de provoquer l’histoire et en ce début du mois de mars 2020, l’actualité mondiale est bouleversée par ce virus qui progresse et moi, je reprends ma plume pour essayer d’exorciser mes peines. Un nouveau courrier plein d’émotions voit le jour. Vous pouvez imaginer ma fébrilité quand je mets la lettre dans la boîte et de mon bureau, j’observe le facteur partir avec.
Les jours qui suivent vont être troublés.
Dans toutes ces pensées, la crainte d’une erreur du facteur, de la lettre qui se perd me font dresser les cheveux et dérangent gravement mon repos.
J’ai eu un doute jusqu’au dernier moment.
Est-il encore temps? Comment la lettre sera perçue? Le mal que je peux faire?
Mais dans mon impatience, je lui ai écrit trop tôt! Sa maman ne lui avait pas encore parlé… J’ai failli commettre une immense bévue.
Cette réponse si importante va arriver 6 jours plus tard à 23 h 16, veille du confinement, mais j’en prends connaissance à 4 h 17.
Dans cette correspondance et malgré le tutoiement, je perçois de la distance et de la froideur, mais malgré cela, j’entrevois la possibilité d’un timide dialogue.
Elle connaissait mon nom et prénom et avait eu dans son adolescence, l’idée de me rechercher. Sans savoir pourquoi, elle n’avait pas donné suite.
Elle me fait un condensé de sa vie, mais n’imagine pas me rencontrer pour l’instant.
Rapidement, les messages se réchauffent et à son initiative, nous commençons un journal du confinement.
Finalement, nous échangeons 1200 mails, en 2 mois, certains bouleversants mais souvent de la routine “confinement”.
Nos journées de travail et nos soirées sont entrecoupées d’échanges, et peu à peu la confiance s’installe, les sujets se font plus personnels, moins routiniers. J’ose des questions, des remarques.
Dans son travail, elle passe parfois à côté de mon bureau, je l’imagine encore regarder mon bâtiment en passant et moi me disant, si près, et encore si loin.
Je ne cache pas mon émotion quand je vois une notification d’arrivée.
Il faudrait plusieurs pages pour décrire cette période tampon qui a permis de régler des questions, lever des doutes et commencer à nous découvrir, pas à pas.
Assez rapidement, nous envisageons un 1er rendez-vous pour la fin du confinement. Les moments sont cocasses et savoureux quand nous évoquons les conditions: lieu, temporalité. En fait, rien d’important, mais je pense que c’était pour se rassurer mutuellement.
Les derniers jours ont été terribles. J’ai cru jusqu’au dernier moment, qu’elle allait annuler.
12 mai 2020, 1er rendez-vous
Celui-ci aura lieu le 12 mai à 17 h place du 11 novembre, à Bordeaux. Dans mon sac, 4 bières bio et des pistaches (les bars étaient fermés).
Le pas lourd en allant au travail le matin, les heures pleines d’appréhension qui passent, la crainte de ne pas la voir.
Comme d’habitude, je suis en avance, je ne vois personne.
Il est 17 h 15, un doute s’installe, puis la délivrance. Nous étions chacun à un coin de la place sans nous voir.
Je ne vous cache pas que les 3 heures passées à échanger sans tabous, ni mensonges ont été brutales, sans filtres, mais avec tellement d’attentes et d’émotions que je m’en rappelle encore. Dès le départ, nous avions décidé qu’il n’y avait de place que pour la vérité.
Les mois passent, les rendez-vous se succèdent, joyeux, pleins de complicité. Nous avons fait notre 1er rendez-vous en famille, envisageons une visite dans notre maison familiale en Dordogne.
Premier anniversaire, 1er cadeau.
Tout est à construire; notre avenir, ma place à ses côtés, dans ma famille.
Les rêves laissent la place au bonheur, mais je suis un éternel rêveur insatisfait…
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Note de l’auteur:
J’ai souhaité écrire ce témoignage pour servir de base à des réflexions. Il y a certainement des centaines d’histoires comparables. Dramatiques ou heureuses, mais souvent compliquées, elles sont légion dans leur conclusion.
Une forme de thérapie a débuté, moins chère que dans un cabinet et plus humaine, délicate et émouvante.
Ce court récit est aussi destiné à ceux qui sont dans ma position et leur apporter des débuts de réponses et peut être des solutions.
À titre de conclusion, assez rapidement j’ai souhaité partager mes émotions et quand auprès de mon cercle, j’ai commencé à en causer, je n’ai reçu que des encouragements, des sourires joyeux et parfois (très rarement), des incompréhensions.
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