Interview : Fake Fruit remet l’indie punk sur la carte du rock
La grande braderie Bandcamp a du bon. Entre deux sessions de scroll obsessionnel, une pochette cool attire votre regard fatigué et l’envie d’appuyer sur play vous saisit. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. L’une des dernières en...
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La grande braderie Bandcamp a du bon. Entre deux sessions de scroll obsessionnel, une pochette cool attire votre regard fatigué et l’envie d’appuyer sur play vous saisit. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. L’une des dernières en date s’appelle Fake Fruit. Le trio formé à New York (avant de déguerpir à Oakland) rejoue la révolution Riot Grrrl à la sauce slacker au pays de Pavement, Replacements et Bikini Kill.
Avec un 1er album porté par le tube No Mutuals – qui fait le lien entre le New York de Richard Hell et celui des Strokes – et un nouveau single déconcertant de tendresse adolescente, I Am the Car, Fake Fruit méritait bien un coup de projo de ce côté-ci de l’Atlantique. Rencontre avec Hannah D’Amato, Miles MacDiarmid et Alex Post.
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Fake Fruit – La base du groupe, c’est nous trois : Hannah joue de la guitare et chante, Alex aussi est à la guitare, et derrière le micro à l’occasion, et tu trouves Mike à la batterie. Jusqu’ici, on fonctionne avec plusieurs bassistes qui tournent, le temps d’en trouver un qui fera intégralement partie du groupe. Sur scène, on est toujours quatre, en revanche.
Hannah, tu as monté le groupe à New York, avant de quitter la côte Est pour la côte Ouest. Comment cette histoire a-t-elle commencé, et comment as-tu vu le son du groupe évoluer depuis que vous êtes dans ce racket ?
Hannah D’Amato – Le groupe a vraiment évolué et mûri au fur et à mesure de mes pérégrinations dans les villes où j’ai vécu. À New York, Fake Fruit était un duo. Quand j’ai filé à Vancouver, en Colombie-Britannique, où j’ai écrit la plupart des chansons, c’est devenu un trio. Vancouver a vraiment été une période d’incubation pour moi, c’est là-bas que je me suis sentie confiante en tant qu’autrice-compositrice, mais aussi en tant que musicienne. C’est un truc qui a été bénéfique pour moi quand j’ai débarqué dans la Bay Area et commencé à jouer dans la configuration actuelle.
Le groupe sonne à chaque fois de façon légèrement différente au fur et à mesure des interactions. Mais le truc qui m’excite le plus, c’est la façon dont il sonne aujourd’hui, et particulièrement quand nous mettons en boîte des morceaux écrits ensemble, comme No Mutuals, Swing and a Miss et Milkman.
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Alex and Miles, quels sont vos parcours respectifs ?
Alex Post – J’ai grandi dans le Massachusetts et j’ai passé le plus clair de mon temps à jouer dans différents groupes quand j’étais au lycée. Avec Miles, on était dans la même fac à San Francisco, où on a enregistré beaucoup de chansons sans jamais vraiment mettre les pieds sur scène durant au moins 5 ans. J’ai connu Hannah grâce à sa sœur, Lauren. Nous avons commencé à discuter et nous avons créé des liens sur la base de notre amour mutuel pour un large éventail de genres musicaux. Début 2018, elle nous a demandé de la rejoindre pour une session de jam, je n’avais alors aucune idée que Miles savait jouer de la batterie ! J’adore jouer avec ces deux-là, il y a une bonne alchimie et nous savons comment tirer le meilleur des un·es et des autres.
Miles MacDiarmid – En ce qui me concerne, j’ai passé mon enfance à San Francisco, avant de filer à Santa Rosa, en Californie, adolescent. Une ville connue pour son cinéma, le Roxy 14 Movie Theatre, et Charles Schulz, le créateur de la série des Peanuts. Aujourd’hui, je suis un adulte évoluant dans la Bay Area et c’est une sensation absolument délicieuse. Un jour, il y a 3 ans ou quelque chose comme ça, un type assez cool du San Francisco Art Institute me cause de son groupe et me fait écouter des trucs psyché qu’il a enregistrés avec son téléphone. Ça sonnait bien ! Je lui dis que je jouais de la batterie, histoire de. J’imagine que le type est allé expliquer cela à Hannah. Rajoute à ça qu’il y avait une vidéo de moi en train de jouer un morceau de The Beat, et me voilà recruté au sein du groupe ! Alex a débarqué un peu après ça pour enregistrer ce disque, avec Martin Miller à la basse. C’était le destin.
À quoi ressemble la scène musicale à Oakland ?
Hannah – Elle est très active, il y a beaucoup de groupes ici avec qui on adore jouer. Avec la pandémie, il y avait beaucoup de lieux où jouer, j’imagine qu’il va falloir attendre la fin de toute cette histoire pour voir ce qu’il en sera prochainement. La scène dont nous faisons partie est très orientée post-punk et pas mal d’autres trucs plus expérimentaux aussi. Nos groupes préférés ici et avec qui nous avons eu l’occasion de jouer sont : Blues Lawyer, Naked Roommate, Preening, Dingbat Superminx, Boy Scouts, Freak No Hitter, Dick Stusso ou encore Twompsax.
On a l’impression que beaucoup de groupes ont déserté San Francisco, où les loyers sont exorbitants, pour rejoindre Oakland ?
Hannah – Je pense qu’il y a beaucoup d’allées et venues, un paquet de bons groupes basés à San Francisco viennent souvent à East Bay pour jouer et inversement. Notre label, Rocks in Your Head, fondé par Sonny Smith, est basé à San Francisco, par exemple. Beaucoup des groupes que nous adorons sont de S.F. ! Pardoner, Galore, également signé sur notre label, April Magazine et The Gonks !
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Avant toute cette histoire de pandémie, à quoi ressemblait la vie culturelle à Oakland pour un groupe comme le vôtre ?
Hannah – Plutôt active, je dirais. Tu avais de quoi aller à un concert puis à un vernissage tous les weekends. Mais si tu nous cherches, en général, après un show, on file au karaoké, dans un lieu appelé Jaguar. Tu peux apporter tes boissons, et c’est un endroit pas trop cher de toute façon.
Le 1er album de Fake Fruit sonne comme si Parquet Courts venait de se faire pirater par Bikini Kill, t’en penses quoi ?
Hannah – C’est cool ! Je n’avais jamais entendu cette comparaison avant, j’aime bien.
Ce disque a une énergie très punk et semble aller droit au but. Les lyrics sont à la fois satiriques et tu as à l’air d’évacuer un tas de trucs qui te pèsent. Ça a été cathartique pour toi de mettre en boîte ces chansons ?
Hannah – Faire ce disque est, en effet, un acte très cathartique pour moi et une bonne manière de traverser certaines choses dans lesquelles j’étais empêtrée. Mais je n’ai pas toujours la rage non plus !
Aucune des chansons présentes sur ce disque n’excède 3 minutes, ce qui semble être le timing parfait pour exprimer ce genre d’urgence.
Hannah – Oui, je pense que ça serait épuisant si les chansons étaient beaucoup plus longues ! J’aime quand les morceaux sont rapides, courts et puissants et que les gens en redemandent. Et puis, si un titre comme Old Skin durait plus longtemps, je crois que les mains d’Alex prendraient feu et la guitare avec !
Qu’en est-il de l’enregistrement de cet album ? Il ne sonne pas comme un disque parfait et semble mis en boîte dans les conditions de l’urgence du live.
Hannah – Je pense que le disque aurait sonné faux s’il avait dû être enregistré différemment. Le groupe existe depuis des années en tant que live band donc c’était important pour nous de capter ce son. C’est avec notre bon pote Andrew Oswald que nous avons bossé, un type qui a plutôt l’habitude de travailler dans des gros studios, mais qui nous a fait un prix cette fois. C’est ce qui nous a permis d’avancer. On a mis ça en boîte dans sa salle de répétition, en live, sauf pour les voix. Andy est très talentueux, c’est pas tout le monde qui aurait pu arriver à ce résultat.
La 1ère fois que j’ai écouté ce disque, je pensais avoir affaire à un groupe de New York, peut-être parce que j’avais en tête les sons du label Ork Records, de Television et autres.
Hannah – Techniquement, Fake Fruit est un groupe formé à New York, c’est un truc que j’emporte avec moi depuis partout où je vais !
De manière plus générale, quel regard Fake Fruit porte sur la scène indie-rock aujourd’hui ?
Hannah – Ça bouge énormément et en particulier ces derniers temps. Il va y avoir un boom, avec beaucoup de groupes et de nouveaux disques quand on sera sorti·es définitivement de la pandémie. J’ai d’ailleurs hâte de pouvoir tourner. Dans notre cercle restreint, la musique à guitare est partout et j’ai l’impression qu’il y a une résurgence de personnes qui s’y intéressent aujourd’hui et qui n’étaient pas trop branchées là-dessus avant.
Fake Fruit (Rocks In Your Head)