“Islamo-gauchisme”: la triple erreur de Frédérique Vidal

ÉDITORIAL - Quelle mouche a donc piqué Frédérique Vidal? La très absente ministre de l’Enseignement supérieur, qu’on décrivait il y a trois semaines encore comme “aussi fantôme que ses étudiants”, est sortie de sa réserve habituelle. En deux...

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Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (AFP)

ÉDITORIAL - Quelle mouche a donc piqué Frédérique Vidal? La très absente ministre de l’Enseignement supérieur, qu’on décrivait il y a trois semaines encore comme “aussi fantôme que ses étudiants”, est sortie de sa réserve habituelle. En deux temps. D’abord, sur la chaîne d’information en continu CNews, où elle affirme, dimanche 14 février devant Jean-Pierre Elkabbach: “Moi, je pense que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble, et que l’université n’est pas imperméable, l’université fait partie de la société”. 

Puis, devant l’Assemblée nationale ce mardi 16 février où elle réitère: “Oui, je vais demander à ce qu’on fasse un bilan de l’ensemble des recherches qui se déroulent dans notre pays”. “Stupeur” dans les rangs des universités, relayée par la très sérieuse Conférence des présidents d’universités qui demande immédiatement au gouvernement d’arrêter de dire “n’importe quoi”. 

“L″islamo-gauchisme n’est pas une réalité scientifique”, a embrayé le CNRS dans un communiqué diffusé ce 17 février qui prend ses distances avec la formule et avec la mission qui lui a été confiée, visiblement sans être consulté au préalable. “Elle confond tout, décolonialisme, post-colonialisme, indigénisme, c’est très gênant...”, s’étouffe un historien. Reprendre un concept flou venu de l’extrême droite pour une ministre d’un gouvernement qui joue la carte du centre-droit et qui a sous sa tutelle des chercheurs de l’université attachés à la précision et au sens des mots relève à tout le moins d’une erreur académique. 

Nous sommes la risée de nos collègues étrangers qui l’ont surnommée Vidal McCarthy!Un chercheur influent

Mais c’est loin d’être le seul problème. Depuis quand le politique s’immisce-t-il dans les travaux universitaires? “Nous sommes la risée de nos collègues étrangers qui l’ont surnommée Vidal McCarty!”, confie au HuffPost un autre chercheur influent.

Un précédent existe néanmoins, il n’a pas duré longtemps. En 2005, la loi “portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés” comporte un article visant à enseigner le rôle positif de la colonisation. Après un tollé, Jacques Chirac l’abrogera un an plus tard.

Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, n’a pas attendu pour se rattraper aux branches et contredire sa collègue, dès la sortie du conseil des ministres mercredi. “Le Président de la République est profondément attaché à l’indépendance des enseignants-chercheurs qui est un fondement de la République et qu’on doit préserver”. Un recadrage en règle et une première faute de la ministre, démocratique. 

Quand Frédérique Vidal précise sa pensée, mardi à l’Assemblée nationale elle déplore dans un même élan d’un côté “la présence de drapeaux confédérés” aux relents racistes lors de l’assaut du capitole de Washington et de l’autre les travaux universitaires français sur le “post colonialisme”. Quel est le rapport entre les deux? Quels risques les travaux sur le post-colonialisme font-ils courir à la société française alors même que le Président Macron est justement en train de s’engouffrer dans ce courant en proposant une liste de nouveaux héros “issus de la diversité”, des anciennes colonies et des outre-mer pour que les maires puissent les honorer à l’avenir? À la tête de cette commission, il nomme même l’historien spécialiste du post-colonialisme, Pascal Blanchard qui vient de rendre sa liste au Président. Frédérique Vidal s’inscrit donc à rebours de l’action du président et commet une seconde faute, politique celle-ci. 

Crise sans précédent du monde universitaire

Troisième erreur, et non des moindres, alors que le portefeuille de Madame Vidal connaît une crise sans précédent -des files d’étudiants devant les banques alimentaires au mouvement de libération de la parole contre les violences sexuelles, en passant par le manque de moyens pour la recherche illustré par le fiasco d’un vaccin français inexistant-  les sujets de préoccupation sous son ministère ne manquent pas.

Pour autant, au lieu d’utiliser son rare temps de parole public pour accompagner ces mouvements, les soutenir et leur apporter des solutions durables, la ministre s’engouffre dans une brèche dangereuse sans vraisemblablement très bien savoir de quoi elle parle, tout en allumant une nouvelle polémique. Elle fait donc ici une erreur stratégique. “La priorité pour le gouvernement, c’est évidemment la situation des étudiants dans la crise sanitaire, c’est évidemment la possibilité d’apporter un soutien financier aux étudiants en difficulté, c’est évidemment de permettre aux étudiants qui le souhaitent de pouvoir revenir progressivement en présentiel à l’université”, a encore retoqué Gabriel Attal ce mercredi.

Une déclaration qui tombe d’autant plus mal, moins d’une semaine après la dédiabolisation de Marine Le Pen par Gérald Darmanin qui la trouvait “molle” sur le plateau de France 2 et que les responsables de LREM ont tenté de désamorcer tout le week-end. Le tout alors que l’agenda gouvernemental et présidentiel tente de mettre l’accent sur une politique plus “sociale”, notamment en luttant contre les discriminations. Gabriel Attal a annoncé que la ministre aura l’occasion de “préciser” sa pensée. Il est grand temps. Sans oublier les autres sujets beaucoup plus préoccupants.

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