"J'ai essayé d'inscrire ma grand-mère de plus de 75 ans pour une vaccination"
CORONAVIRUS - La radio est allumée. Sur FranceInfo, j’entends à l’instant que “Le site Sante.fr fonctionne enfin”. Nous sommes vendredi 15 janvier, et mon expérience est tout autre. Depuis hier, j’essaye de prendre rendez-vous pour faire vacciner...
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CORONAVIRUS - La radio est allumée. Sur FranceInfo, j’entends à l’instant que “Le site Sante.fr fonctionne enfin”. Nous sommes vendredi 15 janvier, et mon expérience est tout autre. Depuis hier, j’essaye de prendre rendez-vous pour faire vacciner ma grand-mère contre le Covid-19. Sans succès. Petit retour en arrière.
Mercredi 13 janvier. Ma grand-mère de 87 ans est sur les starting-blocks. Le lendemain, le site Sante.fr doit être lancé et ouvrir pour que les personnes âgées de plus de 75 ans puissent prendre rendez-vous pour se faire vacciner à compter du 18 janvier. Cela fait de longs mois qu’elle et son mari âgé d’un an de plus attendent cela. Nous venons de passer notre premier Noël sans nous voir. Pour éviter les risques.
Malgré les tests PCR que nous avions faits quelques jours avant et qui s’étaient révélés négatifs, nous avons finalement renoncé à aller la voir. Trop peur, trop compliqué, trop stressant. Le jour de Noël, on s’est retrouvés sur Zoom, une fois de plus. Une demi-heure pour lui expliquer comment activer la caméra, le micro, etc. On est tous exaspérés avant même que la conversation ne démarre.
“Le Noël le plus triste”
Exceptionnellement, ma fille de 5 mois a le droit de regarder l’écran de l’ordinateur, qu’elle fixe aussitôt à l’apparition de son arrière-grand-mère sur la table de la cuisine. Cela ne dure pas longtemps. On n’entend rien et tout le monde en a rapidement assez. Une heure plus tard, ma grand-mère téléphone à ma mère, car c’est dix fois plus simple. C’est “le Noël le plus triste” qu’elle ait jamais passé.
Alors mercredi 13 janvier, veille du jour où doivent être lancées les inscriptions pour le vaccin contre la Covid-19, on est prêts, archi-prêts: numéro de sécurité sociale, date de naissance, centres les plus proches de chez elle... Enfin, grâce au vaccin, on va pouvoir retrouver ma grand-mère et son mari, retourner les voir, déjeuner ensemble pour de vrai. Profiter de leur présence qui ne sera pas éternelle. Et montrer à ma grand-mère combien son arrière-petite-fille a grandi, en quelques mois.
“En cours de maintenance”
Jeudi 14 janvier. À la première heure, je tente de me connecter. Sur le site Sante.fr, on peut uniquement lire la liste des centres concernés. Impossible de prendre rendez-vous en ligne. Aucun numéro n’est disponible. Aucune explication non plus. Puis, un message: “Le service est en cours de maintenance”.
Plus tard dans la matinée, un autre message: “Inscription en ligne possible à partir de 17h”. Alors, on patiente. Une attente qui est source de stress. Le mari de ma grand-mère a déjà appelé cinq fois, inquiet que tous les créneaux de rendez-vous ne soient déjà pris d’assaut. À chaque fois, il faut le rassurer mais sans réponse claire à lui apporter.
À 17h, “L’horaire précis d’ouverture du service de prise de rendez-vous en ligne pour la vaccination sera communiqué prochainement”. À 18h, le Premier ministre Jean Castex martèle que la vaccination reste “la priorité des priorités”. On est d’accord, mais comment? En fin de journée, le site indique qu’il sera débloqué vendredi matin à 8 heures.
À la radio, le ministre de la Santé Olivier Véran précise à nouveau les trois moyens de prendre rendez-vous, et ce dès vendredi 15 janvier. Il redonne l’adresse du site, www.sante.fr et un numéro national, le 0800 009 110. Il explique que le site, avant même son ouverture jeudi matin, a enregistré près de 8000 connexions toutes les secondes. Mais est-ce bien surprenant? Comment comprendre que cette ruée vers les rendez-vous n’ait pas été anticipée?
“Pas de rendez-vous en ligne avec ce praticien”
Vendredi 15 janvier, 8h, on essaye à nouveau. Enfin, le site semble fonctionner. La liste des centres de vaccination est bien là, ils sont classés par département, auxquels sont associés des numéros de téléphone dédiés. Le répondeur indique que la ligne n’ouvre qu’à 9h. Soit. On tente alors en ligne.
Sur la liste des 8 centres du département de ma grand-mère qui habite dans le Loiret, un seul comporte la mention “Prendre rendez-vous en ligne”. Je clique sur le lien. Une page s’ouvre, qui ressemble à Doctolib. Un message: “Vous ne pouvez pas prendre rendez-vous en ligne avec ce praticien.” Je ris jaune. Je tente alors de contourner le site et de passer directement par Doctolib.
Eurêka! Dans plusieurs centres à proximité de chez ma grand-mère, c’est possible et des créneaux sont ouverts dès lundi 18 janvier. Je remplis le formulaire mais au moment de valider, un message m’interpelle: je me rends compte que ces rendez-vous sont réservés au “personnel hospitalier ou professions libérales” de plus de 50 ans.
À la prise de rendez-vous, on doit s’engager à montrer une carte professionnelle pour accéder à la vaccination. c’est la même chose dans tous les centres à proximité de leur domicile. Retour à la case départ. Je décide de prendre tout de même rendez-vous, avec le risque qu’ils se fassent refouler lundi 18 janvier car, tous deux retraités de plus de 75 ans, ils ne sont évidemment ni personnel hospitalier, ni profession libérale.
“Pas encore mis en place”
Depuis 9h, je tente d’appeler le numéro départemental, qui est bien entendu saturé. “Suite à un grand nombre d’appels, nous vous remercions de bien vouloir réitérer votre appel. Nous vous invitons à prendre rendez-vous sur www.doctolib.fr”. Ce que je viens de tenter de faire, sans succès.
À 11h15, à force d’appeler sans relâche, de manière quasi automatique, je tombe sur un autre message vocal, similaire, qui me renvoie vers une musique d’attente. J’ai l’impression de m’être glissée dans une faille temporelle. Vais-je enfin réussir à avoir quelqu’un au bout du fil? Je pense à toutes ces personnes âgées et peu familières de l’univers informatique. Au casse-tête chinois que cela doit être pour eux. Au stress engendré par ce système qui ne fonctionne décidément pas.
Au bout de 20 minutes d’attente, je suis prête à raccrocher, quand enfin quelqu’un répond. Je lui explique la situation. Réponse: “Pour l’instant, ce n’est pas possible de prendre rendez-vous, ce n’est pas encore mis en place.” On m’explique qu’il faut impérativement passer par Doctolib, qui n’a ouvert les rendez-vous qu’au personnel hospitalier et aux professions libérales. Et si on veut prendre rendez-vous par téléphone?
Impossible. La ligne téléphonique est “réservée aux personnes qui n’ont pas accès à Doctolib. On prend alors rendez-vous à leur place en ligne sur Doctolib.” Doctolib, qui n’a pour l’instant ouvert les rendez-vous qu’au personnel hospitalier et aux professions libérales. La boucle est bouclée. Et ma grand-mère n’a toujours pas de rendez-vous.
Je suis conviée à réessayer. “Peut-être que ce sera ouvert demain”, conclut l’opératrice, sans grande conviction et qui s’excuse de la situation. Contactée par Le HuffPost, l’Agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire confirme être au courant du problème: “Il a été identifié en cours de matinée et il est en cours d’analyse.” On patiente, alors.
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