J'ai intégré un master adapté aux autistes Asperger et en ai appris beaucoup sur mon handicap et mes camarades - BLOG
autistes ont la réputation d’avoir peu d’appétences et de dispositions pour le travail de groupe. Je m’incline: sur la base de mon expérience, je dois reconnaître qu’en effet, ‘y a un peu de ça. Même si cela n’ôte en rien à la solidarité, laquelle,...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
AUTISME - J’ai expérimenté le monde de l’université tardivement, dans le cadre de ma reconversion professionnelle post-diagnostic d’autisme Asperger. En l’occurrence, j’ai intégré un Master 2 adapté aux étudiants autistes Asperger et effectué à distance et en alternance.
J’ai découvert à cette occasion un monde qui a mis mon anxiété et ma résistance au changement à rude épreuve, mais qui m’a aussi permis d’en apprendre beaucoup sur mon fonctionnement autistique/cognitif. Ainsi que sur celui de mes camarades autistes.
Alors, kess’ke j’ai appris?
Vous avez envie de expliquer votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!
Mon mode d’apprentissage
Je savais déjà que j’apprends lentement, car je fais des liens et retiens difficilement une information isolée de son contexte. Je connaissais aussi mes difficultés pour retenir les informations lorsqu’elles me sont communiquées à l’oral. Ou encore mes difficultés pour solliciter simultanément deux canaux sensoriels, par exemple la vue et l’ouïe.
Ainsi, rien de surprenant à ce que les cours en vidéo m’aient mis dans l’embarras. C’est un euphémisme. J’ai donc transposé leur contenu par écrit. J’ai noté, j’ai consigné, y compris les vidéos long format.
Cette pratique est chronophage, mais pendant que je retranscris, je visualise et je mémorise.
Et puis vient ensuite le moment de relâche cognitive, celui où je formate et harmonise le document produit (lequel n’aura d’utilité que pour moi): vérification de l’orthographe, suppression des virgules et points redondants, justification du texte, etc. Travail mécanique et répétitif que j’effectue en pilotage automatique.
En revanche, je n’ai pas trouvé la solution à mes soucis d’attention. Même en respectant mon rythme chronobiologique, c’est-à-dire en me connectant aux cours vidéo à l’un des moments bien précis de la journée où je suis disponible cognitivement. Ainsi, 2 minutes d’attention sur la vidéo d’une matière hermétique pour moi étaient parfois mon maximum. Sur une vidéo de 1 h 30, ça laisse songeur.
Les autistes Asperger et le travail de groupe
Les autistes ont la réputation d’avoir peu d’appétences et de dispositions pour le travail de groupe.
Je m’incline: sur la base de mon expérience, je dois reconnaître qu’en effet, “il y a un peu de ça. Même si cela n’ôte en rien à la solidarité, laquelle, dans notre cas, s’est mise en place spontanément et très rapidement. Que ce soit pour les cours ou bien la recherche d’une entreprise au sein de laquelle effectuer son alternance.
De plus, à toute chose malheur est bon, notre faible instinct grégaire limite la tentation de triche, déjà naturellement peu répandue chez les autistes.
La mixité élèves autistes et élèves non autistes
Entre:
- les étudiants autistes qui ont été échaudés par une, voire plusieurs, expériences universitaires, avortées pour cause de relations sociales inexistantes ou nocives;
- ceux qui n’ont pas d’a priori et se mélangent aux étudiants non autistes;
- ceux qui préfèrent travailler seul;
- ceux qui tentent puis reviennent très vite au bercail, après s’être frottés à un étudiant non autiste éhontément dominant* au sein d’un groupe de travail…
Eh bien, les motifs et situations sont variés.
* rappel: les non-autistes n’ont pas le monopole du profil dominant
Quoi qu’il en soit, le fait que le choix nous ait été offert de nous mélanger ou pas a été apprécié à sa juste valeur.
La rédaction du mémoire de fin de Master
À l’instar de nombreux autistes, les notions abstraites ne sont pas mes copines.
“Question de départ”, “Problématique”, “Hypothèses”… Au secours! Qu’est-ce que ça veut dire, CONCRÈTEMENT?
J’ai sondé mes camarades de Master, YouTube, le directeur de master, la directrice de mémoire, ma psy, mon chat.
Je n’ai réussi au final qu’à ajouter de la confusion à la confusion. Bref.
L’implicite et les codes
Je suis, ou plutôt j’étais, totalement étrangère aux codes, us et coutumes de l’université. Lesquels, à défaut d’être immédiatement visibles, n’en sont pas moins tangibles pour autant.
Par exemple, après 30 ans d’activité professionnelle dans de nombreux domaines d’activités, je pensais que la hiérarchie et la déférence n’avaient plus aucun secret pour moi.
Sauf que ces dernières s’exercent différemment dans le monde universitaire. Une fois encore, j’ai avancé sans avoir le manuel.
Le tout, la stratégie et l’inhibition
J’ai pris pour argent comptant les consignes données aux étudiants et me suis lancée sans délai et à corps perdu dans les devoirs toutes disciplines confondues, ignorant les appels du pied des coefficients.
Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’un camarade autiste, qui n’en était pas à son 1er master, a affirmé sans vergogne laisser de côté certaines matières afin de se concentrer sur d’autres. Oh!
Ce fut ensuite au tour du directeur de Master, que je tiens en plus haute estime, de me causer de “stratégie”. Désemparée, je me suis tournée vers ma psy, qui a confirmé cette bien triste nouvelle.
Le monde universitaire des bisounours que je m’étais figuré s’est alors soudainement écroulé.
J’ai ainsi découvert que la vile stratégie était compatible avec la noble acquisition du savoir. Dont acte.
Cours d’habilités sociales et compagnons de fonctionnement autistique
La psychologue du diplôme a dû batailler pour nous faire suivre les cours d’habiletés sociales prévus au programme pour les étudiants avec autisme. En effet, lorsque nous nous retrouvions physiquement entre étudiants autistes, nous échangions beaucoup, au fil de l’eau, et couvrions tout un tas de sujets en vue d’obtenir des réponses à nos questions personnelles ou liées au Master. Ces moments entre nous étaient précieux et riches d’informations.
Ils m’ont aussi permis de rencontrer mon 1er alter ego autiste. Moment privilégié où l’on se reconnaît intuitivement, immédiatement et mutuellement.
Voilà, c’est fini (ou presque...)
Cette liste n’a pas vocation à être exhaustive, mais, une fois n’est pas coutume, à restituer certaines difficultés autistiques vécues de l’intérieur.
Je souhaitais aussi partager un constat. Celui du décalage intolérable entre la variété des talents des autistes (et de leur mode d’expression), et la teneur des motifs qui poussent nombre d’entre eux à abandonner leurs études supérieures.
Affaire à suivre…
Ce billet est également publié sur le blog de Sylvie SekSek: TSA For Ever.
À voir également sur Le HuffPost: Elon Musk révèle être atteint du syndrome d’Asperger