Je suis hypocondriaque mais je me soigne! - BLOG
SANTÉ —Je suis dans mon lit, il est deux heures du matin. La nuit est franchement noire et mon bras franchement chiant: j’ai des fourmis. Les mêmes fourmis que l’on se tape parfois dans le pied. Mais cette fois, elles dansent plus haut, elles...
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SANTÉ —Je suis dans mon lit, il est deux heures du matin. La nuit est franchement noire et mon bras franchement chiant: j’ai des fourmis. Les mêmes fourmis que l’on se tape parfois dans le pied. Mais cette fois, elles dansent plus haut, elles attaquent ma main droite et grimpent jusqu’à mon épaule. Impossible de m’endormir. Je secoue le membre de toutes mes forces pour que le sang circule. Je pense à mon bras gauche pour porter mon attention ailleurs. J’appelle une copine noctambule pour écouter autre chose que mon corps. Rien n’y fait. La panique monte. Je pense que je vais bientôt mourir, que tout ça est le signe d’un AVC.
À six heures du matin, alors que mon bras n’est toujours pas tombé et que mon cerveau n’a toujours pas lâché, je me décide à aller aux urgences. La chance: j’habite à côté. Dix minutes plus tard, je me retrouve dans une salle d’attente à mater LCI. L’ambiance n’est pas des meilleures, mais la chance, elle, me sourit toujours: un infirmier me reçoit tout de suite. Il m’examine, ne relève rien d’anormal si ce n’est ma tension vertigineuse due à l’angoisse. Finalement, il ne comprend pas tant l’objet de ma venue. Il me demande mon âge: 25 ans. Il rétorque qu’à mon âge, tout va bien, et que si j’étais en mauvaise santé, je le saurais déjà. Je trouve ça un peu léger: je sais que le drame et la mort n’ont pas d’âge.
Un médecin prend le relai. Il tâte mon bras et ma peur. Je lui lâche ce qui me préoccupe: j’ai peur de faire un AVC. Il est à deux doigts de rire, mais ne le fait pas. Il m’explique gentiment que si c’était le cas, de toute façon, les fourmis danseraient dans mon bras gauche, pas mon bras droit. Oui, il est un peu poète lui aussi.
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J’entends bien ce qu’il me dit, d’autant que je n’ai jamais confondu ma droite et ma gauche. Il poursuit et insiste: “Les fourmis seraient à gauche, côté cœur, mademoiselle”. Et là, pleine d’aplomb je lui réponds: “Mais moi, j’ai peut-être le cœur à droite”.
Prendre conscience de son hypocondrie, c’est le mieux que l’on puisse faire
Je suis repartie de là sans mourir, mais avec un diagnostic éclairant: je suis hypocondriaque. Mais faut dire que je le savais déjà, ou un peu. Ce genre de diagnostic est souvent posé par l’entourage: mes collègues de travail ne cessent de se moquer de moi quand je cours à la pharmacie après avoir éternué deux fois de suite. Ils rient davantage quand je leur réponds que “si ça passe au Doliprane, c’est que ce n’est pas grave”. Mes amis aussi s’amusent de mes angoisses à propos de ma santé et tentent de me faire relativiser, exactement comme l’infirmier: “Tu es jeune enfin!”. Mais jeune, ça ne veut rien dire du tout. Je déteste ces tentatives d’apaisement même si elles partent d’une bonne attention. Pourquoi? Parce que je ne suis pas née de la dernière pluie, comme on dit. Je sais parfaitement que la maladie surprend n’importe qui, n’importe quand. À chaque fois que je me rends chez le médecin, j’imagine que tout peut s’écrouler et je pense à tous ceux qui s’y rendent le cœur léger: comment peut-on vivre avec la certitude que la vie est encore longue alors que la vie, par définition, est déjà courte?
Se savoir hypocondriaque est une bonne chose. C’est un 1er pas vers la guérison. Mais sans vouloir jouer les défaitistes, c’est un peu le seul à notre portée, du moins à ma portée. Puisque je me sais hypocondriaque, je me vois venir. Je sais la petite voix qui essaie par tous les moyens de me faire flancher. Je sais la petite voix qui me répète “cancer, cancer, cancer”, aussi celle qui me pousse à consulter les sites de santé alors qu’il ne faut pas consulter les sites de santé. Je connais toutes ces petites voix et, les jours avec, je parviens à l’éloigner pour ne pas tomber. Les jours sans, je me retrouve à suffoquer chez moi, persuadée que mon cœur va lâcher, ma tête exploser, la maladie me ruiner. Alors je prends rendez-vous chez le médecin, mal en point. Je lui demande clairement de me rassurer et, quand je repars de là, je suis en pleine forme. Tous les symptômes se sont envolés. Bien sûr, il arrive qu’ils reviennent. Là, tout s’écroule: le médecin s’est forcément planté. Je me rends chez un autre médecin.
Aujourd’hui, de toute évidence, je ne peux pas faire mieux que de déceler ces petites voix. Parce que stopper entièrement son hypocondrie, c’est difficile: comment dire à un hypocondriaque que la maladie n’existe pas alors qu’elle existe? On peut le rassurer un temps, mais il sait pertinemment que le pire finira par lui tomber dessus. Et même si le pire attend cent ans. D’ailleurs, il paraît que les hypocondriaques vivent plus longtemps que tout le monde: voilà pourquoi, aussi, ça m’ennuierait de lâcher mon hypocondrie. Dans le fond, elle m’arrange, elle a un passeport pour la longévité, la garantie d’une vie bien longue et bien riche.
Un livre pour apprendre à vivre avec son hypocondrie à défaut de la dézinguer
Le sujet m’habite depuis toujours, ou presque. Voilà pourquoi j’ai accepté d’accompagner le psychologue Antoine Spath à l’écriture de “Tu crois que c’est grave?”. Écrire, c’est mon métier, mais l’hypocondrie, c’est mon sujet. Les planètes étaient donc alignées, surtout si on ajoute à ça le Covid-19 et la nécessité, à mes yeux, de causer d’hypocondrie. Avec la pandémie, les hypocondriaques semblent se multiplier. Je dis bien “semblent”, car en réalité, il convient de distinguer les “anxieux de leur santé” et les véritables hypocondriaques. Moi-même, je ne sais pas bien où me situer. Quelque part entre les deux, je crois. Car le véritable hypocondriaque ne connaît pas de répit — par chance, il m’arrive de passer un mois ou deux sans angoisse aucune — et enchaîne les examens médicaux jusqu’à trouver la petite bête. Moi, si on me dit que la petite bête n’est pas là, ça me convient très bien et ça m’aide à passer à autre chose; pas besoin de renouveler l’expérience d’une IRM pour donner tort au corps médical. C’est à moi que je veux donner tort.
Aux côtés d’Antoine Spath, j’ai appris un tas de choses, à commencer, justement, par la différence entre l’anxiété portée sur la santé et l’hypocondrie. Et si, à 1ère vue, l’anxieux de sa santé vit mieux qu’un hypocondriaque, il ne faut pas négliger son stress: oui, il panique pour un bobo, et oui, il traverse de sales moments. J’ai compris, aussi, que l’esprit était franchement très fort, ce qui m’a permis de toujours mieux cerner mes petites voix. Certes, l’hypocondriaque n’aime pas tellement qu’on lui explique que “c’est dans la tête”, mais pour ma part, je trouve ça apaisant.
Ce livre est un petit bijou pour les hypocondriaques. Il est bourré d’explications et de conseils. Il ne fait pas dans la facilité parce qu’il ne se moque pas des hypocondriaques. Il ne leur demande pas “se détendre parce que ce n’est rien”. Non, il prend au sérieux ce trouble et tout ce qui va avec. J’ai adoré bosser sur cet ouvrage même si, forcément, j’ai parfois tremblé en écrivant “crise cardiaque” ou “cancer du sein”. Il fallait bien donner des exemples.
Voilà. J’espère que ce livre permettra à tous les hypocondriaques de faire ce fameux 1er pas pour apprendre à vivre avec cette anxiété. J’espère sincèrement que si vous aussi, vous avez le cœur à droite, vous trouverez beaucoup de réconfort à la lecture de ce livre. Le même que j’ai pu trouver en le co-écrivant.
Voilà pourquoi c’est avec grand plaisir que j’ai collaboré avec le psychologue Antoine Spath sur ce livre. Ce n’était pas facile tous les jours, mais ça fait beaucoup de bien. Et j’espère que si vous avez le cœur à droite, ça vous fera beaucoup de bien aussi.
Tu crois que c'est grave? - Ed. Larousse" data-caption="Antoine Spath et Caroline Michel - Tu crois que c'est grave? - Ed. Larousse" data-rich-caption="Antoine Spath et Caroline Michel - Tu crois que c'est grave? - Ed. Larousse" data-credit="Ed. Larousse" data-credit-link-back="" />À voir également sur Le HuffPost: Hypocondriaque, Baptiste Giabiconi explique sans pudeur sa palpation des testicules