Jeux paralympiques de Paris 2024 : une cérémonie d’ouverture juste, joyeuse et émouvante

“Tous les corps seront mis à l’honneur”, a promis Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques. Ce fut chose faite hier soir, devant 50 000 spectateur·ices in situ et 10 millions de personnes devant...

Jeux paralympiques de Paris 2024 : une cérémonie d’ouverture juste, joyeuse et émouvante

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“Tous les corps seront mis à l’honneur”, a promis Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques. Ce fut chose faite hier soir, devant 50 000 spectateur·ices in situ et 10 millions de personnes devant leur poste de télévision… Un beau score, alors qu’il n’existe en France qu’un petit millier de clubs de sports inclusifs en France et que les infrastructures accessibles aux personnes non valides sont encore trop rares à Paris. Paradoxe, quand tu nous tiens !

Thomas Jolly a choisi la place emblématique de la Concorde et l’avenue des Champs-Élysées, symboles éminemment parisiens pour mettre à l’honneur le corps dans toute sa diversité. Aux côtés du chorégraphe suédois Alexander Ekman (dont le Play revient bientôt à l’Opéra de Paris), il a réussi à sensibiliser le public à la place de ces corps différents d’autres, qui eux sont sans cesse visibilisés. Sans pathos et avec un enthousiasme contagieux.

“Welcome to Paris”

Pour ouvrir les festivités, le tableau “Discorde”, deux groupes séparés qui performent ensemble, tandis que Chilly Gonzales se joue des harmonies et des dissonances sur Countdown de Victor Le Masne, directeur musical des cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques 2024, longue cape noire s’étalant sur le sol immaculé de la plateforme qui entoure l’obélisque de la Concorde. En mode métronome, les 140 danseur·euses en costume de post yuppies marchent en cadence tout en maltraitant les pianos. Autour d’elleux, 16 personnes en situation de handicap, déambulent, un temps (faussement) interloqué·es, avant de se mêler à cette étrange cacophonie et d’accueillir le champion Théo Curin, arrivé dans une voiture recouverte de phryges que l’on verra plus tard jouer à 1, 2, 3 soleil (pas notre tasse de thé, mais pourquoi pas).

Il est temps de hurler “Welcome to Paris” et que les feux bleus, blancs et rouges jaillissent, que résonne Flat Beat de Mr. Oizo, accompagné de l’ensemble Matheus, présent tout au long de la soirée. Il y a là quelque chose de la féroce gestuelle de Gaspar Noé à cet instant, une volonté de dire qu’un corps non valide n’est pas un corps à plaindre, incapable d’exulter, lui aussi, sur des beats electro. De velours rouge vêtu, Christine & the Queens grimpe alors sur les pianos, et réinterprète Je ne regrette rien de Piaf. Une version fragmentée et trépidante virant gospel…

My Ability

Pendant que Myd assure la bande-son d’obédience French Touch, mais ouverte aux tubes de Dalida ou de Michel Berger, débute sur les Champs-Élysées le défilé des délégations d’athlètes – 4 400 au total. Fier·ères de représenter leurs pays, conscient·es que cette majestueuse cérémonie sur fond de coucher de soleil ne peut qu’encourager à ce que les budgets se déploient davantage concernant le para-sport. Quant à la qualité sonore aléatoire, elle est due, d’après Daphné Bürki, à des aléas techniques…

Juste après la présentation de l’équipe française qui chante en chœur Emmenez-moi d’Aznavour (qui vit un beau retour de hype et sera bientôt incarné par Tahar Rahim sur grand écran), on revient sur scène avec un tableau s’ouvrant sur un film en noir et blanc baptisé My Ability. ”Ma capacité” en VF, où les sportif·ves s’expriment sur leur motivation, sur les normes, leur amour d’un corps qu’ils ou elles dirigent pour gagner. “Si je pouvais le vanner tous les jours, faire un one man show rien que sur lui, je le ferais”, affirme l’un des plus jeunes. Le morceau éponyme est chanté par Lucky Love, nourri de sa composition Masculinity. Entouré d’une masse ondulante de danseur·euses, dont se détache certain·es, pour tomber puis être relevé·es par les autres… Sa voix résonnant avec précision sur sa pop-soul minimale, superbe en costume blanc Louis Vuitton, il tombe la veste pour laisser voir ce qu’il n’a jamais caché, son bras gauche atrophié. Aussi sensible que chic. 

Liberté, égalité, fraternité

“Sportographie” s’ouvre sur une succession tribale de mouvements imaginés par Ekman sous influence Gaga et qui aurait pu être signée par Hofesh Shechter, d’autant que la musique composée par Victor Le Masne, témoigne d’une electro massive, métallique comme le chorégraphe anglo-israélien les affectionne. Et on n’est jamais totalement solo ici, ou en tout cas pas pour longtemps. Les béquilles deviennent un outil performatif, les coups de sifflet régissent les directions, avant de laisser place au piano et à la voix de la jeune musicienne guadeloupéenne Luan Pommier, malvoyante et dotée de l’oreille absolue, tandis qu’est présenté le drapeau paralympique. 

Le clou du spectacle ? L’une des plus belles chansons du monde, La Ritournelle. Sébastien Tellier au piano, David Numwami à la guitare, Louis Delorme à la batterie, et la magie de cette mélodie. ”Love is to share, mine is for you” : paroles multi-signifiantes en cette cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques. Toujours dans la veine culte, le tableau “Concorde”, avec les œuvres follement modernes de Ravel : le Boléro tant aimé par Maurice Béjart ou Pina Bausch, et qui bénéficie d’une interprétation illuminée, les danseur·euses portant 150 flambeaux, puis Daphnis et Chloé. Enfin, le très coloré “Célébration” clôt les festivités, avec le Born to be alive de Patrick Hernandez revisité par Christine and The Queens, donc, où l’on danse, quelles que soient nos aptitudes physiques ou mentales. L’obélisque de la Concorde s’enflamme avec un Born to be Alive fidèle tant aux principes disco des nuits blanches queer et racisées du New York des années 1970 qu’à la devise de la France : liberté, égalité, fraternité.