Joe Biden signe le retour des États-Unis dans l'accord de Paris mais il ne faut pas s'emballer

ENVIRONNEMENT - “Nous allons combattre le changement climatique comme nous ne l’avons jamais fait jusqu’ici”. Dans le Bureau ovale, le nouveau président américain Joe Biden a signé, ce mercredi 20 janvier quelques heures après sa prise de fonction,...

Joe Biden signe le retour des États-Unis dans l'accord de Paris mais il ne faut pas s'emballer

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Joe Biden a commencé son mandat en signant une série de décrets, notamment sur le retour des États-Unis dans l'accord de Paris, mercredi 20 janvier 2021.

ENVIRONNEMENT - “Nous allons combattre le changement climatique comme nous ne l’avons jamais fait jusqu’ici”. Dans le Bureau ovale, le nouveau président américain Joe Biden a signé, ce mercredi 20 janvier quelques heures après sa prise de fonction, une série de décrets. L’un d’eux porte sur le retour des États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat, qui vise à maintenir le réchauffement de la planète nettement au-dessous de +2°C, si possible +1,5°C.

Le mois prochain, le démocrate qui vise un objectif de neutralité carbone d’ici 2050 présentera aussi au Congrès son plan de 2.000 milliards de dollars pour le climat. Il promet “de faire face à la crise climatique, de construire une économie basée sur l’énergie propre, de s’attaquer à l’injustice environnementale et de créer des millions d’emplois syndicaux bien rémunérés”.

Attendu, ce retour américain qui marque une rupture avec le mandat de Donald Trump a été salué “chaleureusement” par le chef de l’ONU Antonio Guterres et Emmanuel Macron, qui a lancé un “welcome back” à son homologue. “C’est tous ensemble que nous pourrons changer la donne climatique en agissant pour notre planète”, s’est réjoui le président français qui a fait du sujet son cheval de bataille à l’international.

Si ce retour du deuxième plus gros émetteur de CO2 au monde dans l’accord signé après la COP21 en 2015 apparaît évidemment comme une bonne nouvelle, sera-t-il suffisant pour relancer les efforts internationaux et inverser la tendance d’un réchauffement qui s’aggrave? Rien n’est moins sûr.

Donald Trump a laissé des traces

Pour espérer respecter l’objectif de +1,5°C fixé par l’accord de Paris, il faudrait réduire les émissions de 7,6% par an entre 2020 et 2030, selon l’ONU. Soit autant que la baisse effectivement mesurée en 2020, mais qui est liée au ralentissement de l’activité économique causée par la pandémie de Covid-19. Autant dire que chaque année compte et qu’après quatre ans d’une présidence Trump -qui a largement détricoté les efforts de son prédécesseur-, la situation est critique.

“C’est désastreux, le temps que les États-Unis ne passent pas à se soucier du climat et à contrôler leur consommation de CO2 n’est pas rattrapable. Le temps est compté, le réchauffement climatique fait déjà des ravages”, résumait le chercheur Jean-Éric Branaa auprès du HuffPost en 2019.

Les États-Unis de Joe Biden sont désormais attendus au tournant pour endosser un nouveau rôle, comme l’a rappelé l’ONU en disant “attendre avec impatience le leadership” américain pour “accélérer les efforts mondiaux” contre le réchauffement. “On peut imaginer que le retour américain incite d’autres pays à revoir à la hausse leurs ambitions” avec notamment la perspective de la COP26 (qui se tiendra en novembre 2021 après avoir été reportée pour cause de pandémie), note aussi le chercheur François Gemenne dans un article publié sur The Conversation.

Mais ce leadership ne sera pas automatique, alors que Donald Trump a passé son mandat à remettre en cause jusqu’à l’existence même du réchauffement climatique et a estimé que l’accord de Paris “a été conçu pour tuer l’économie américaine”. Le nouvel émissaire spécial pour le climat, John Kerry, le soulignait en décembre dernier: il sera “simple” pour les États-Unis de retourner dans l’accord de Paris, mais “pas si simple de retrouver leur crédibilité” sur le plan international.

“Un retour des États-Unis, paradoxalement, pourrait aussi affaiblir l’accord de Paris, en accréditant l’idée que la participation du deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre dépend du résultat de ses élections présidentielles”, met aussi en garde François Gemenne. Le chercheur insiste sur l’importance de la “stabilité” en ce domaine et rappelle “les atermoiements” autour du protocole de Kyoto signé mais pas ratifié par les États-Unis, ce qui en avait limité la portée.

Pour les défenseurs de l’environnement, des pays comme l’Australie, l’Arabie saoudite ou le Brésil ont ainsi profité de l’annonce du retrait américain pour revoir à la baisse leurs propres ambitions. Pas sûr, au vu des positions d’un Bolsonaro au Brésil notamment, que le retour américain change la donne.

Réchauffement “catastrophique” et efforts insuffisants

Autre raison de ne pas trop s’emballer, le contexte global n’est pas franchement rassurant. Le monde se dirige vers un réchauffement climatique “catastrophique” au XXIe siècle, a alerté pas plus tard que la semaine dernière l’ONU, alors que 2020 a rejoint 2016 sur la plus haute marche des années les plus chaudes dans le monde. 2020 a terminé à 1,25°C au dessus de la période préindustrielle et selon l’Organisation météorologique mondiale, il y a au moins une chance sur cinq que le réchauffement dépasse temporairement 1,5°C d’ici 2024.

Et il ne faut pas compter sur la baisse temporaire des émissions liée à la pandémie de Covid-19 qui n’aura qu’un effet “insignifiant”, a averti en décembre dernier le Programme des Nations unies pour l’Environnement. D’ici à la fin du siècle, la trajectoire de réchauffement est estimée à 3,2°C de plus, même si tous les engagements actuels de Paris étaient tenus. Pourtant, aux yeux de nombre d’experts et institutions, les efforts actuels sont insuffisants.

Par exemple, si l’Union européenne s’est félicitée fin 2020 d’une “proposition ambitieuse en annonçant qu’elle relevait son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 de 40% à “au moins 55%”, “ce n’est toujours pas assez pour que l’UE soit compatible avec l’accord de Paris”, estime le groupe d’analyse Climate Action Tracker.

Autre illustration: alors que chacun des près de 200 signataires de l’accord de Paris était censé déposer avant fin 2020 une version révisée de ses engagements sur la lutte contre le réchauffement, environ 70 seulement l’avaient effectivement fait au 1er janvier 2021, et pas forcément les plus émetteurs de gaz à effet de serre.

La Chine, premier pollueur du monde, n’en faisait pas partie. À son sujet, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) note qu’après avoir endigué la pandémie sur son territoire, elle a accompagné son redémarrage économique d’une forte reprise de sa consommation de pétrole et de charbon. “Aujourd’hui, nos chiffres montrent que les émissions de CO2 chinoises sont plus hautes qu’avant la crise”, selon l’AIE. 

On peut tout de même relever que certains pays ont pris des engagements forts. La Chine a ainsi annoncé à l’automne 2020, à la surprise générale, se fixer l’“objectif de commencer à faire baisser les émissions de CO2 avant 2030, et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060”. “Le relèvement des ambitions sera au cœur des négociations pour les prochains mois”, relève François Gemenne, avec la COP26 en ligne de mire. Encore faudra-t-il que les États-Unis ne viennent pas les freiner comme ils ont pu le faire par le passé avec le protocole de Kyoto ou, déjà, l’accord de Paris.

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