Kim Gordon, toujours aussi radicale et cool en solo

Robe noire, somnifères, vibromasseur, dentifrice, T-shirt blanc, hoodie, Advil, mascara, Bella Freud… Ici citée dans le désordre, cette liste hétéroclite est à emporter pour un voyage à la destination inconnue, annoncé par le titre du morceau...

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Robe noire, somnifères, vibromasseur, dentifrice, T-shirt blanc, hoodie, Advil, mascara, Bella Freud… Ici citée dans le désordre, cette liste hétéroclite est à emporter pour un voyage à la destination inconnue, annoncé par le titre du morceau inaugural de The Collective, Bye Bye. Elle en dit long sur le chic inné de Kim Gordon, élément perturbateur dont la nonchalance s’est façonnée au gré de riffs abrasifs. Lesquels s’octroient de profondes respirations pour électrifier de plus belle un rock expérimental et lo-fi, fidèle au parcours de l’ex-bassiste de Sonic Youth depuis la séparation du groupe et son divorce avec Thurston Moore, en 2011.

Quand on a lu les formidables mémoires de Kim Gordon, Girl in a Band (2015), on sait à quel point son autrice brille par ses paradoxes, entre un mépris assumé du small talk lui permettant de balancer des piques acides sur ses pairs et cette aptitude à être cool en toutes circonstances. Cool, oui, mais punk : deux mots résumant ce nouvel album solo, The Collective, qui se méfie de l’individualisme de l’époque. Et dont la pochette, qui nous place dans la peau d’un·e utilisateur·rice (compulsif·ve ?) de smartphone, questionne nos
faux-semblants.

Des basses au groove indéniable mais quelque peu inquiétantes

Enregistré avec Justin Raisen, producteur 100 % hype (Yeah Yeah Yeahs, John Cale, Drake, Angel Olsen, le CV est parfait) qui officiait déjà sur No Home Record (2019), The Collective est à la fois plus ramassé et éclectique que son prédécesseur. S’y croisent – sans jamais se bousculer grâce à de nombreux trous d’air – du postpunk poussé dans ses retranchements (The Believers), du rap tendance indus (le spoken word performatif d’I Don’t Miss My Mind ne détonnerait guère au sein des galeries d’art contemporain chères à Gordon), de l’indie synthpop ardue (chimérique Tree House) voire technoïde (l’anticapitaliste Dream Dollar)…

Le tout condensé au cœur d’ambiances trap importées des caves d’Atlanta. Le sensuel Shelf Warmer, la proposition la plus addictive de The Collective, ou The Candy House, mené à la baguette par Gordon, se jouent des (dé)structures et distorsions vocales. Méthode aussi appliquée sur le narquois Trophies ou I’m a Man, au titre ironique puisque Kim Gordon ne compte pas renier une seconde ses convictions féministes. Pour mémoire, ce T-shirt jadis arboré lors des concerts de Sonic Youth : “Girls invented punk-rock, not England.”

Boîtes à rythmes frénétiques, synthétiseurs contrariés, cymbales énervées, basses au groove indéniable mais quelque peu inquiétantes… “It’s dark inside”, prévient en effet Kim Gordon dans la chanson éponyme, avant de s’interroger : “Puis-je t’aimer les yeux ouverts ?” Nous concernant, ce sera les oreilles tendues, aussi déroutées que captivées… jusqu’à la promesse d’un Psychedelic Orgasm vénéneux, saupoudré d’AutoTune.

The Collective (Matador/Wagram). Sortie le 8 mars.