“Kisapmata” et “Batch’ 81”, deux films de Mike De Leon à (re)découvrir

Après la Japonaise Kinuyo Tanaka, l’an dernier, c’est maintenant au tour du Philippin Mike De Leon d’être mis à l’honneur par la maison Carlotta qui, décidément, soigne les cinéphiles. Huit films sont ainsi exhumés pour l’occasion, parmi lesquels...

“Kisapmata” et “Batch’ 81”, deux films de Mike De Leon à (re)découvrir

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Après la Japonaise Kinuyo Tanaka, l’an dernier, c’est maintenant au tour du Philippin Mike De Leon d’être mis à l’honneur par la maison Carlotta qui, décidément, soigne les cinéphiles. Huit films sont ainsi exhumés pour l’occasion, parmi lesquels Kisapmata et Batch’ 81, qui bénéficient d’une sortie en salle – on peut retrouver les six autres films dans un très beau coffret DVD qui contient un livret très éclairant rédigé par le critique Charles Tesson. 

Connu par certains cinéphiles, le cinéma de Mike De Leon, proche du grand cinéaste philippin Lino Brocka et lui-même fils d’un réalisateur de l’ancienne génération, reste à découvrir pour la plupart d’entre-nous, même si Kisapmata (1981) et Batch’ 81 (1982) avaient été, en leur temps, présentés à la Quinzaine des réalisateurs, sans pour autant connaître une sortie commerciale.

Ces deux films, qui figurent au sommet d’une filmographie d’une dizaine de longs métrages, sont particulièrement représentatifs d’un art à la fois trivial et rigoureux qui puise dans le cinéma de genre – film d’action ou mélodrame, par exemple – et qui, en même temps, propose une lecture politique de la société philippine, au temps où le président autocrate Ferdinand Marcos régnait sans partage. Deux films qui appartiennent au corpus des cinq films que Mike De Leon réalise entre 1976 et 1982, sa période la plus créative. 

En situation de malaise

Kisapmata est certainement la pièce maîtresse d’une œuvre assez variée qui s’aventure parfois, avec plus ou moins de bonheur, du côté de la comédie (Kakabakaba Ka Ba ?), du roman-photo (C’était un rêve) ou du fantastique (le fascinant Itim). C’est un mélodrame familial sec et tranchant qui suit l’itinéraire d’une jeune femme enceinte désireuse d’épouser le géniteur de son enfant contre l’avis de son père. Ce père, naturellement autoritaire, finit par céder mais, en échange, il jouit d’un pouvoir de plus en plus coercitif sur sa fille qu’il oblige, par exemple, à rester dans la demeure familiale. De plus en plus étouffant, le récit ne nous cache rien des stratégies du tyran domestique pour enfermer sa fille dans les rets de son autorité. Sans révéler la fin, l’affaire tournera très mal et Mike De Leon mène de main de maître un récit d’engrenage qui finit par constituer une violente charge anti-patriarcale, dans un style qui n’est pas sans rappeler le Fassbinder du milieu des seventies.

Réalisé l’année suivante, Batch’ 81 est encore plus terrible. Cette fois, il est question d’une organisation étudiante aux accents paramilitaires, AKO (Alpha Kappa Omega) qui soumet ses membres à des rites d’initiation et d’humiliation d’une violence qui confine à l’insupportable. Vus par les yeux d’un jeune homme qui désire intégrer l’organisation à tout prix, ces rituels, de plus en plus toxiques, mettent le spectateur en situation de malaise. Tout se passe comme si nous assistions, de l’intérieur, à la fabrique d’un fascisme aussi insidieux que radical. Très impressionnant et très inconfortable, Batch’ 81, film unique en son genre, est une œuvre dont les résonances politiques étaient évidemment très fortes à l’époque de sa réalisation. Vu dans un contexte français, plus de 40 ans après, sa puissance demeure absolument intacte. 

Kisapmata de Mike De Leon, en salle le 29 mars 2023.

Batch’ 81 de Mike De Leon, en salle le 29 mars 2023.