“La Belle et le Vagabond” ou la Hongrie des 70’s comme vous ne l’avez jamais vue

La Hongrie, au tournant des années 1960-1970, soit près de quinze ans après la violente répression exercée par l’URSS sur l’un de ses vassaux un peu trop libéré à son goût. La Hongrie ressemble ici à un pays qu’on croirait presque libre, avec...

“La Belle et le Vagabond” ou la Hongrie des 70’s comme vous ne l’avez jamais vue

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La Hongrie, au tournant des années 1960-1970, soit près de quinze ans après la violente répression exercée par l’URSS sur l’un de ses vassaux un peu trop libéré à son goût. La Hongrie ressemble ici à un pays qu’on croirait presque libre, avec ses jeunes gens qui travaillent en usine dans la journée et vont écouter de la musique et boire de la bière avec les filles le soir. Les filles, parlons-en, ont des franges ou des raies au milieu, les garçons ont les cheveux tout aussi longs, ils font les foufous, dragouillent. Certes, les garçons considèrent toujours que c’est aux filles de faire leur vaisselle…

Entre un Scopitone et Antonioni

Le film de Márta Mészáros (née en 1931, formée au cinéma à la VGIK de Moscou) s’attache plus particulièrement à deux personnages de la bande, le “couple” que forment Savanu et Juli (Kati Kovács, extraordinaire, qui deviendra une pop star en Allemagne de l’Est).

Il·elles sont déjà fiancé·es, mais “leurs cœurs bougent comme leurs portes”, aurait dit Apollinaire. Savanu embrasse d’autres filles, Juli est attirée (et ne s’en cache pas) par un musicien rencontré lors d’un concert. Omniprésente dans le film (certains qualifient La Belle et le Vagabond de “film musical”), cette musique rock hongroise est souvent inspirée des Beatles (mais pas seulement).

La Belle et le Vagabond est un film à la cadence très singulière, parfois rythmé comme un Scopitone, parfois marqué par un sens de la stase qui fait penser à Antonioni, ce qui crée à la fois un sentiment de malaise, de solitude et de l’érotisme.

Un état d’esprit générationnel

Les scènes de préliminaires amoureux (très chastes) sont d’une lenteur fascinée par le regard des acteur·trices, et comme si la réalisatrice tentait de percer ce qui se joue chez son héroïne, qui se situe toujours entre le désir et la peur : “Dois-je, puis-je lui faire confiance ?”, lit-on dans le regard de Juli quand elle se laisse déshabiller ou se dévêt elle-même pour enfin oser se montrer nue à son futur amant, maintenu hors champ.

Ce film-là de Mészáros, semble-t-il très autobiographique, est impressionniste. Il saisit le climat d’une époque, livre une photo instantanée et déjà triste d’un état d’esprit générationnel. C’est fascinant, et pour tout dire très original dans sa facture. Plus tard, Meszaros tournera des films plus conventionnels : elle obtiendra un Ours d’or à Berlin pour Adoption, en 1975, et un grand prix à Cannes (pour Journal intime, en 1984).

La Belle et le Vagabond de Márta Mészáros, avec Márk Zala, Kati Kovács, Jaroslava Schallerová (Hong., 1970, 1h24). Sur Mubi