“La Brigade”, le cauchemar en cuisine de Louis-Julien Petit

“Dans ma cuisine il n’y a pas de religion, pas d’ethnie, et surtout pas de misogynie !”, s’exclame Cathy. Il s’agit de remettre les pendules à l’heure, car un petit incident vient de se produire. Un des mineurs non accompagnés à qui elle tente...

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“Dans ma cuisine il n’y a pas de religion, pas d’ethnie, et surtout pas de misogynie !”, s’exclame Cathy. Il s’agit de remettre les pendules à l’heure, car un petit incident vient de se produire. Un des mineurs non accompagnés à qui elle tente de transmettre l’art de la fricassée s’est soulagé d’une mauvaise et violente pulsion, qu’il semblait contenir depuis le début du cours d’émincé d’échalotes : “Chez nous, les hommes ne cuisinent pas !”, a-t-il lâché dans un cri de rage, avant de quitter la pièce.

C’est quasiment la 1ère véritable interaction entre la cheffe interprétée par Audrey Lamy et un jeune migrant (quand bien même il y en a quatre sur l’affiche, aucun acteur n’a de nom, apparemment), et elle est à l’image de tout ce film qui sous couvert d’offrir à ces laissés-pour-compte les projecteurs d’une comédie sociale a priori gentillette, s’autorise à les regarder de manière franchement dégueulasse.

Nature et culture

Dans toute sa 1ère partie, La Brigade se retranche derrière son insupportable héroïne, cordon bleu à la carrière enlisée, qui ne se remet pas de l’humiliation de s’être retrouvée cantinière dans un foyer, cause donc mal à tout le monde et dispose d’un petit bout de chemin à faire dans sa tête avant d’accéder à l’empathie la plus élémentaire.

Mais le personnage a bon dos, et surtout cela n’enlève rien au grave problème de regard que Louis-Julien Petit manifeste à l’endroit de ses seconds rôles migrants, soit pas écrits du tout, soit seulement à l’aune de clichés minables (le machisme “ethnique”), et qui occupent comme ils le peuvent l’espace d’un film dont le réalisateur a cru bon de ne rien leur expliquer, contrairement aux acteurs professionnels.

Pourquoi cette bizarrerie ? Bien sûr, pour préserver leur “sincérité”, ce qui consiste en réalité à s’amuser dans toutes les scènes de leurs airs déboussolés, quand ce n’est pas carrément de leurs fautes de français. On reconnaît le vieux mythe idiot du “naturel”, mais il se nappe ici d’une nouvelle couche d’abjection.

Pas le temps de vraiment se poser la question de la raison pour laquelle tous se prennent de passion pour la cuisine et, au passage, pour la discipline de fer que Cathy y fait régner (ultime réplique du film : un grand “oui, chef !” à l’unisson, envoyez les violons et générique). L’important, c’est de bien saisir “l’humanité” du film, vraisemblablement sertie dans les 7000 contrechamps sur le sourire semi-forcé d’Audrey Lamy apprenant à aimer ces pauvres diables (“La richesse du film vient de l’amour qu’Audrey a pu leur donner”, dixit le réalisateur). Voilà apparemment ce qu’on appelle donc une “fable d’intégration”. On ne s’attendait certes pas à trouver ça délicieux, mais pas non plus à un tel haut-le-cœur.