La cantine sans viande à Lyon ou comment la majorité s'est fracturée sur un menu

POLITIQUE - Effiloché de cacophonie à la sauce marcheuse. Depuis que la mairie de Lyon a fait le choix de distribuer un menu unique sans viande dans les cantines des écoles pour des raisons sanitaires, deux camps se dessinent dans la majorité:...

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Et la majorité se fractura sur un menu à la cantine (photo d'illustration prise le 3 septembre 2018 à Laval)

POLITIQUE - Effiloché de cacophonie à la sauce marcheuse. Depuis que la mairie de Lyon a fait le choix de distribuer un menu unique sans viande dans les cantines des écoles pour des raisons sanitaires, deux camps se dessinent dans la majorité: ceux qui s’insurgent contre une “posture aberrante” d’un côté. Et ceux qui regrettent, de l’autre, un débat “préhistorique”... lancé par leurs propres collègues.  

Des questions éruptives au point de provoquer l’un des plus gros couacs de la mandature pour un sujet aussi mineur? Le niveau de tension dans la majorité est en tout cas monté au point de voir l’un des porte-paroles du parti présidentiel s’en prendre publiquement à Barbara Pompili, la numéro 3 du gouvernement pour avoir critiqué les “clichés éculés” véhiculés par ses collègues Darmanin ou Denormandie, eux, vent debout contre les écolos lyonnais.

“Le pragmatisme comme l’amour de la science et la loyauté sont des concepts qui vous sont étrangers”, écrivait ainsi Jean-Baptiste Moreau lundi soir sur son compte Twitter à l’adresse de la ministre de la Transition écologique dans une attaque aussi virulente que peu courante en macronie.

Inacceptable pour Hugues Renson, le vice-président LREM de l’Assemblée -et co-fondateur avec Barbara Pompili du parti En Commun- qui estime, ce mardi dans Libération, que le député “ne peut plus rester” porte-parole du parti majoritaire. Et voilà comment le menu des cantines scolaires à Lyon fait apparaître les profondes divisions d’un groupe déjà éprouvé par les débats interminables sur la loi sur les “séparatismes” et l’expression “islamo-gauchisme”, pour ne parler que de 2021. 

Le point de départ Darmanin

Pour comprendre cette ambiance soupe à la grimace, il faut remonter au samedi 20 février et se tourner, comme souvent, vers la place Beauvau. Gérald Darmanin est le premier membre du gouvernement à prendre la parole sur le sujet, donnant de la visibilité à une polémique alors locale menée par la droite lyonnaise. Dans un message publié sur son compte Twitter, le ministre de l’Intérieur fustige une “idéologie scandaleuse” en arguant que “de nombreux enfants n’ont souvent que la cantine pour manger de la viande.”

La ministre a regretté des arguments qui sont des contre-vérités au moment même où elle défend une loi qui va porter l’expérimentation des menus végétariens, au choix, dans les cantinesEntourage de Barbara Pompili

Et même si le prédécesseur de Grégory Doucet à l’Hôtel de Ville lyonnais, Gérard Collomb, le premier des marcheurs, avait mis en place le même menu unique à la sortie du premier confinement, Gérald Darmanin voit dans la décision des écolos une “insulte aux agriculteurs” doublée d’une “politique moraliste.”

De quoi faire sortir Barbara Pompili, ancienne cadre d’Europe Écologie Les Verts de sa réserve habituelle, sur le fond du dossier. “La ministre a regretté des arguments qui sont des contre-vérités au moment même où elle défend une loi qui va porter l’expérimentation des menus végétariens, au choix, dans les cantines scolaires”, expliquait-on dans son entourage ce mardi matin. 

“Une loi vaut plus qu’un tweet”, poursuivait-on au ministère de la Transition écologique où l’on fait comprendre que c’est bien la numéro 3 du gouvernement qui serait dans la ligne gouvernementale et non pas le duo Darmanin-Denormandie. Publiquement, aucune réaction ni de Christophe Castaner, patron des députés LREM qui se déchirent sous ses yeux, ni du président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, proche d’Emmanuel Macron.

Le chef de l’État a bien, en marge d’un déplacement mardi en Côte d’Or sur le thème de l’agriculture, appelé, selon BFMTV “au bon sens pour éviter des divisions idiotes”, mais cela suffira-t-il?

En privé, certains sont plus sévères à l’Assemblée nationale. ″À quel moment Darmanin rentre dans le jeu? À quel moment va-t-il sur les plates-bandes de Pompili? Est-ce que Pompili, elle, s’exprime sur la sécurité?”, s’agace une source LREM bien placée du Palais-Bourbon, sans décolérer à l’égard de l’attitude cavalière du ministre de l’Intérieur: “À croire que son portefeuille ne lui suffit pas...”

Castex intervient

Dans ce contexte, le Premier ministre tente tant bien que mal de siffler la fin de la récréation. L’entourage de Jean Castex nous expliquait ce 23 février que le chef du gouvernement a fait parvenir à ses ministres, lundi soir, un message leur demandant “de rester à la tâche” et de “ne pas alimenter les polémiques autoportées”, prenant bien soin de ne citer personne en particulier.

Moins nous alimentons les polémiques auto-portées, mieux nous nous portons.”Matignon

“Moins nous alimentons les polémiques autoportées, mieux nous nous portons”, ajoute Matignon, prônant une “cohérence de discours” pour “ne pas alimenter les chroniques qui font croire que tout le gouvernement est préoccupé par les cantines lyonnaises.” Comprendre: chacun chez soi, le ministre de l’Intérieur sur ses dossiers, celle de la Transition écologique sur les siens, et les moutons seront bien gardés. Un peu tard.

Surtout que derrière ce recadrage qui n’en porte pas le nom, le débat perdure sur le fond. Le ministre de l’Agriculture a même remis une pièce dans la machine ce mardi matin en relançant, sur RTL, ce que Barbara Pompili avait présenté comme un “débat préhistorique”.

Fractures profondes

“Il n’y a pas de cacophonie au sein du gouvernement. Il y a une position qui est une posture d’une municipalité Europe Ecologie les Verts qui consiste à arrêter de servir de la viande à nos enfants, et c’est aberrant d’un point de vue nutritionnel et c’est une honte d’un point de vue social”, martelait Julien Denormandie, deux jours après avoir saisi le préfet du Rhône sur la question. 

Une position qui apparaît en totale contradiction avec celle de Barbara Pompili, ou de son collègue chargé de la Santé Olivier Véran qui s’attachait, lundi, à faire retomber la pression entre le gouvernement et la mairie lyonnaise. “Je ne suis pas choqué qu’on puisse proposer des menus sans viande ni poisson à l’école”, expliquait-il depuis Lyon, en ajoutant: “Il n’y a pas lieu de polémiquer.”

Raté. Ces déchirements au sein de la majorité donnent en tout cas l’occasion aux écologistes d’ironiser ou de distribuer les bons points. “Je ne vais pas revenir sur les polémiques du gouvernement, de toute façon ils sont en train de se chamailler entre eux”, s’amusait par exemple Grégory Doucet ce mardi sur BFMTV. 

Ils sont aussi le nouveau signe des limites du “en même temps” présidentiel et le révélateur de fractures plus profondes dans la majorité après une semaine à s’interroger sur l’“islamo-gauchisme”. Dans une tribune publiée dans Le Monde ce mardi, six ministres, dont Adrien Taquet ou Élisabeth Moreno, et plusieurs poids lourds historiques de LREM, dont le patron du parti Stanislas Guérini, regrettent à ce sujet “la dérive du débat politique” autour de ce concept... pourtant relancé par leurs propres collègues Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal.

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