La censure des langues régionales relance les appels à changer la Constitution

DROIT - Le débat était déjà brûlant et il n’est pas près de se radoucir. Ce vendredi 21 mai, le Conseil constitutionnel a communiqué sa décision concernant la proposition de loi du député Paul Molac (Libertés et territoires, centre) promouvant...

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Les partisans des langues régionales appellent à une réforme de la Constitution de 1958 après que le Conseil constitutionnel a censuré une partie de la loi promue par le député breton Paul Molac (photo d'illustration prise en 2018 au Conseil constitutionnel).

DROIT - Le débat était déjà brûlant et il n’est pas près de se radoucir. Ce vendredi 21 mai, le Conseil constitutionnel a communiqué sa décision concernant la proposition de loi du député Paul Molac (Libertés et territoires, centre) promouvant les langues régionales. Un texte en partie censuré par les Sages, au grand dam des défenseurs de la sauvegarde du breton et du basque.

Les membres du Conseil constitutionnel ont effectivement estimé que plusieurs articles -celui portant sur l’enseignement dit “immersif” des langues régionales et celui sur les caractères diacritiques (les lettres accentuées propres à des idiomes locaux telles que le ”ñ”)- étaient contraires à la Constitution de 1958, et plus précisément à l’article 2 qui dispose que “la langue de la République est le français”. 

Les Sages redoutent notamment que cette proposition de loi du député breton pourrait ouvrir la voie à des établissements scolaires dans lesquels la langue principale ne serait pas le Français (mais plutôt le corse, l’occitan ou le basque). Ils y voient également une possibilité d’approuver l’apparition de caractères typographiques non français sur des documents officiels... Deux nouveautés qui iraient à l’encontre du texte fondateur de la Cinquième République. 

Un appel à l’adresse d’Emmanuel Macron

C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a donc censuré une partie du texte qui avait été voté à la surprise générale, après qu’une partie du gouvernement s’y était opposé. Une décision qui a suscité la colère des partisans du texte, à commencer par son initiateur, le député Paul Molac, qui a immédiatement répondu par un communiqué de presse. 

“Ce militantisme contre nos langues a assez duré. Si le Conseil constitutionnel invalide une méthode pédagogique reconnue pour ses excellents résultats scolaires, ce n’est pas la méthode qu’il faut changer, c’est la Constitution”, écrit l’élu du Morbihan.  

Et d’en conclure: “J’appelle solennellement le président de la République à présenter en toute urgence un projet de loi constitutionnelle visant à modifier l’article 2 de la Constitution.” Et pour cause: s’ils veulent lever toute ambiguïté et permettre au texte de passer l’épreuve des Sages, les promoteurs du texte n’ont désormais pas d’autre choix que d’appeler à une réforme constitutionnelle. 

“C’est au texte ‘suprême’ de changer”

C’est notamment ce qu’ont fait les députés corses Paul-André Colombani et Jean-Félix Acquiviva sur les réseaux sociaux. “Il faut au plus vite présenter un projet de loi constitutionnelle pour sanctuariser l’enseignement et la transmission de nos langues, de nos cultures, de nos identités”, a défendu le 1er, élu en Corse-du-Sud, sur Facebook. Et le second d’ajouter que l’identité profonde de certains citoyens français ne changera “jamais” et que c’est au contraire “au texte suprême de changer”. 

Dans la même veine, le président de l’exécutif de l’île, Gilles Simeoni, a réclamé “une réforme de la Constitution, vite!”, craignant un “cataclysme” et “la condamnation à mort” des langues régionales en France si elles ne peuvent être enseignées de manière immersive et être reconnues avec leur graphie propre dans le pays. 

Déplorant quant à lui que “l’aspiration démocratiquement exprimée” par le vote du texte au Parlement se heurte à la décision du Conseil constitutionnel, le sénateur Paulu Santu Parigi va dans le même sens que ses collègues et demande, lui aussi, une réforme de la Constitution de la Ve République.

Comme les défenseurs du corse et du breton, de nombreux élus de régions où des idiomes locaux puissants existent et sont menacés de disparition ont eux aussi réclamé une modification de la Constitution. Au Pays basque ou en Occitanie par exemple, des élus et des juristes ont déploré que la langue régionale soit encore un peu plus mise en danger par la décision du Conseil constitutionnel. 

Une menace contre des établissements?

Dans les colonnes de Mediabask, Eneritz Zabaleta, juriste spécialiste de la question des langues régionales, explique par exemple que sans vote du texte de loi (et par extension, donc, sans réforme constitutionnelle), les financements nationaux pourraient être coupés à certaines écoles hors contrat pratiquant l’enseignement “immersif”.

″À partir de maintenant, l’État peut dire aux écoles Seaska (des écoles hors contrat enseignant le basque de manière immersive, ndlr) que si elles veulent continuer à pratiquer l’immersion, elles ne peuvent plus recevoir de financement public”, analyse le juriste, qui va jusqu’à causer de “déclaration de guerre” contre les langues régionales. D’après lui, l’État peut toujours décider de fermer les yeux sur les écoles pratiquant l’enseignement immersif, mais il lui sera très compliqué de passer de nouveaux accords avec des écoles hors contrat appliquant une pédagogie désormais jugée anticonstitutionnelle. 

Si Emmanuel Macron accédait à la demande des élus régionaux et proposait effectivement -à la demande du Premier ministre- un projet de révision constitutionnelle, s’engagerait alors un long parcours causementaire, les deux chambres du Parlement, Sénat et Assemblée nationale, devant voter le projet dans des termes identiques avant d’être approuvé par référendum ou par un vote du Parlement réuni en Congrès à la majorité des trois cinquièmes. 

À en croire l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, qui s’est dit ”étonné et consterné” par la lecture “restrictive” que fait selon lui le Conseil de la Constitution du texte de Paul Molac, il n’était pas indispensable d’en passer par là. C’est désormais le seul recours des défenseurs de la proposition de loi. 

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