La cour suprême britannique inflige une défaite à Uber (et ça rappelle la France)

JUSTICE - Coup de tonnerre pour Uber et les plateformes numériques. La Cour suprême britannique a estimé ce vendredi 19 février que les chauffeurs pouvaient être considérés comme des “travailleurs” salariés. La plus haute juridiction britannique...

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Uber sign is seen on a car in New York, U.S., April 12, 2019. REUTERS/Shannon Stapleton

JUSTICE - Coup de tonnerre pour Uber et les plateformes numériques. La Cour suprême britannique a estimé ce vendredi 19 février que les chauffeurs pouvaient être considérés comme des “travailleurs” salariés. La plus haute juridiction britannique a ainsi donné tort à Uber à l’unanimité, mettant un terme à cette affaire lancée en 2016.

Cette décision signifie que les chauffeurs Uber, qui étaient jusque-là des travailleurs indépendants, devraient avoir droit par exemple à un salaire minimum et à des congés payés, ce qui pourrait même faire boule de neige pour l’ensemble des plateformes numériques et la “gig economy”, l’économie des petits boulots au Royaume-Uni.

Uber avait saisi la Cour suprême après avoir perdu à plusieurs reprises devant des tribunaux. La compagnie estimait que les chauffeurs sont des travailleurs indépendants, choisissant leurs horaires et lieux de travail, et collaborant parfois à plusieurs applications en même temps.

“Nous respectons la décision de la Cour”, a réagi Jamie Heywood, patron d’Uber pour l’Europe du Nord et de l’Est. “Nous sommes décidés à faire plus et nous allons consulter tous nos chauffeurs en activité au Royaume-Uni pour comprendre les changements qu’ils veulent voir”.

Uber, qui devrait en dire plus sur ses intentions dans les semaines à venir, assure que la décision ne prévoit pas que tous les chauffeurs soient automatiquement reclassés comme travailleurs. 

Chauffeurs “soulagés”

La justice aura donné à chaque fois raison à un groupe d’une vingtaine de chauffeurs qui estimaient avoir droit au statut de travailleur, compte tenu du temps passé connectés à l’application et du contrôle exercé par le groupe par exemple sur leur évaluation.

La Cour suprême a estimé “qu’en se connectant à l’application Uber à Londres, un chauffeur dans le cadre de la plainte est considéré comme un travailleur en entrant dans un contrat”.

Les deux chauffeurs Uber qui ont initié la première plainte, James Farrar et Yaseen Aslam, ont déclaré vendredi être “ravis” et “soulagés”.

Cette décision de la Cour suprême fait que les chauffeurs qui ont porté la plainte pourront se tourner vers un tribunal pour obtenir des indemnisations. En théorie, d’autres chauffeurs pourront alors demander à la justice d’obtenir le statut d’employé.

“Nous avons eu la victoire que nous méritons. Être chauffeur Uber peut être stressant”, souligne Mark Cairns, un conducteur à Londres depuis cinq ans, dans une déclaration à l’agende PA.

Pour Sadiq Khan, maire de Londres, ville où le permis d’exercer d’Uber a été prolongé de 18 mois en septembre dernier après des questions sur la sécurité, “c’est une décision qui fera date”″. “Les travailleurs de la gig economy méritent les mêmes droits que les autres”, selon lui. 

La plateforme, qui n’est pas rentable à l’échelle mondiale, pourrait n’avoir d’autres choix que d’augmenter ses tarifs au Royaume-Uni.

“Pour Uber, il s’agit d’un nouveau revers au moment où il ressent les effets de la pandémie”, qui dope ses activités de livraisons de repas Uber Eats mais plombe ses activités de voitures avec chauffeurs, souligne Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown.

Et en France ?

Le syndicat GMB a qualifié la décision de “victoire historique”. Un de ses représentants, Mick Rix, a estimé sur Twitter qu’il s’agissait d’un nouveau “clou dans le cercueil de ceux qui cherchent à exploiter la gig economy”.

En France, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, avait annoncé mi-décembre son intention de confier d’“ici la fin du mois” une mission à trois personnalités, qui plancheront notamment sur un projet d’ordonnance prévu pour d’ici avril sur le dialogue social dans le secteur des plateformes telles que Uber ou Deliveroo.

Le haut magistrat Jean-Yves Frouin avait remis un rapport Premier ministre début décembre, préconisant notamment la création d’une autorité de régulation des plateformes ou l’organisation d’élections syndicales.

Ce rapport propose aussi et surtout la généralisation du recours par les travailleurs des plateformes à un tiers pour les salarier. Au-delà de 6 à 12 mois de travail et d’un certain chiffre d’affaires, chauffeurs VTC ou livreurs seraient obligés d’être salariés par une coopérative ou une société de portage salarial. 

Ils seraient rémunérés en fonction du chiffre d’affaires rapporté à la société et bénéficieraient de “tous les droits et avantages liés au salariat”, comme la Sécurité sociale ou l’assurance chômage.

Le 4 mars 2020, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi formulé par Uber et validé la requalification en contrat de travail du lien entre la plateforme et un de ses anciens chauffeurs VTC, M. Petrovic. Une première en France. Dans un communiqué, Uber avait rapidement précisé que cette décision de la Cour de cassation n’entraîne pas une requalification immédiate ou automatique de tous les chauffeurs utilisant l’application.

Une tache d’huile pour toutes les plateformes

La décision pourrait faire tache d’huile pour l’ensemble des plateformes numériques.

Les livreurs de la plateforme de livraisons de repas Deliveroo tentent devant la Cour d’appel de Londres de pouvoir bénéficier d’une convention collective.

De son côté, Uber explique avoir fait évoluer ses pratiques depuis le début de cette affaire.

Les chauffeurs peuvent désormais choisir quand et où ils conduisent et avoir accès gratuitement à des assurances maladie, ainsi qu’à des indemnisations pour des congés parentaux.

Uber avait pour projet de mettre en place en Europe ce qu’elle a proposé en Californie. 

Cet Etat américain avait fait passer une loi qui devait forcer la plateforme à embaucher ses dizaines de milliers de chauffeurs en Californie. Mais les électeurs ont approuvé lors d’un référendum en novembre la “Proposition 22”, solution formulée par Uber selon laquelle les conducteurs sont indépendants mais reçoivent des compensations.

A voir également sur Le HuffPost: “Uber Eats ne protège personne”, un livreur sans papier raconte sa vie pendant le confinement