La crise sanitaire, l'éloignement et un accompagnement insuffisant mettent en péril mes débuts de profs - BLOG

ENSEIGNEMENT - J’ai eu mon concours pour être prof de maths et sciences en 2020. Mi-août, l’affection académique tombe, ça sera l’académie de Lille pour moi.Le Nord, cette région tant redoutée par les futurs professeurs. Je viens d’Auvergne,...

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J’essaie de ne pas perdre la face devant mes élèves. En étant aussi mal, suis-je toujours une bonne prof? J’essaie tant bien que mal de résister à toute cette pression qui vient à la fois de la fac, du boulot et de la crise sanitaire. Mais je ne sais pas combien de temps je vais encore pouvoir tenir. (photo d'illustration)

ENSEIGNEMENT - J’ai eu mon concours pour être prof de maths et sciences en 2020. Mi-août, l’affection académique tombe, ça sera l’académie de Lille pour moi.

Le Nord, cette région tant redoutée par les futurs professeurs. Je viens d’Auvergne, je n’ai aucune attache dans le Nord, je ne connais personne, je n’ai ni famille ni amis, dans cette région. Aux alentours du 20 août, on me donne l’établissement dans lequel je vais exercer “le plus beau métier du monde”.
Donc, entre le 20 août et le 31 août, j’ai dû aller dans le Nord, trouver un appartement, commencer à préparer des cours…

Dernière semaine d’août, c’est la rentrée des profs stagiaires à l’Inspé (institut national supérieur du professorat et de l’éducation, NDLR), je rentre dans la salle qu’on m’avait indiquée, je ne vois que des garçons, tous bien plus âgés que moi. Dans ma tête: “Et m..., et moi qui pensais me faire des potes de promo, avec qui sortir et partager les galères de la vie...”.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

Et puis le confinement

Au mois de septembre, tout allait plutôt bien, j’avais pu rencontrer des gens de mon âge. Ça me permettait de m’évader un peu le week-end. Et puis le confinement est arrivé, je me suis donc retrouvée confinée loin de chez moi. Ne pouvant voir personne, j’étais trop loin pour voir ma famille et mes proches.
Pendant trois semaines, tous mes élèves étaient en stage, donc, je les ai passées sans voir personne. J’ai cru devenir folle. Je ne pensais qu’à une seule chose: comment faire pour que tout s’arrête? Je n’en peux plus, j’ai des idées noires plein la tête. J’appelle ma mère, je pleure. Je me couche, je pleure. Je me lève, je pleure.

L’appel de mon formateur inspé: “Tu en es où dans ton mémoire? Tu as trois semaines sans élèves, tu dois avancer sur ton mémoire, tu vas être en retard, tu dois te dépêcher!”.

Comment avancer?

Je n’y arrive pas, c’est trop dur. Je stresse, je suis trop mal. À la fin de ces trois semaines, je reçois ce mail de ma tutrice terrain:

“Bonjour Lucie,
J’espère que tu vas bien.
L’administration ayant confirmé officiellement la visite de -nom du formateur inspé- mardi 1er décembre à 9 h 10, je suis très surprise de ne pas avoir eu de tes nouvelles depuis 3 semaines (excepté le SMS que je t’ai envoyé le 13 novembre)..., de ne pas t’avoir rencontrée au lycée pendant cette période..., de ne pas s’être concertées pour la préparation de visite de mardi (même si c’est de la co-intervention)..., de ne pas encore avoir reçu les documents pour mardi...”

Je suis devenue dingue dans ma tête: si tu étais inquiète pour moi pourquoi ne m’as-tu pas appelée avant? Toi aussi, tu as eu trois semaines pour me contacter.

J’avais besoin de soutien, mais je n’avais personne, des collègues pas vraiment présents pour me rassurer, pour me réconforter, pour me proposer de partager un café ou un repas avec eux.

Je me sens vraiment seule dans ma solitude. Les vacances de Noël arrivent, trop contente de pouvoir rentrer chez moi. J’ai pu profiter des gens que j’aime, de ma région, l’Auvergne. Et voilà, c’est déjà le 3 janvier, il faut retourner dans le Nord. J’angoisse. Je n’ai pas envie.

Malgré les vacances, rien ne s’arrange, tous les jours, je me dis: “Et si tu démissionnais demain? Et si tu arrêtais, peut-être que tout irait mieux et que tu serais de nouveau heureuse?”.

Et si j’arrêtais?

Oui, mais si j’arrête, ça veut dire que mes études auront été un échec, non, je n’assumerais jamais ça. Et puis ce n’est pas ma faute, c’est celle de l’Éducation nationale.

J’essaie de ne pas perdre la face devant mes élèves. En étant aussi mal, suis-je toujours une bonne prof? J’essaie tant bien que mal de résister à toute cette pression qui vient à la fois de la fac, du boulot et de la crise sanitaire. Mais je ne sais pas combien de temps je vais encore pouvoir tenir.

Faut-il que je choisisse entre ma santé et le plus beau métier du monde?

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