La deuxième vie de “Jerk” de Gisèle Vienne

C’est une histoire de hantises. Celle d’un très jeune criminel (David Brooks, né en 1955, entre 17 et 18 ans au moment des faits), qui pour essayer de chasser les fantômes de ses victimes, invente un spectacle de marionnettes à partir de ses...

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C’est une histoire de hantises. Celle d’un très jeune criminel (David Brooks, né en 1955, entre 17 et 18 ans au moment des faits), qui pour essayer de chasser les fantômes de ses victimes, invente un spectacle de marionnettes à partir de ses crimes dans la prison où il est enfermé à perpétuité. C’est aussi l’histoire d’un spectacle, parmi les plus beaux et traumatisants qu’on ait vu au XXIe siècle, Jerk de Gisèle Vienne, qui revient nous hanter sous une autre forme, près de 14 ans après sa création : un film dans lequel Gisèle Vienne reproduit son spectacle ancien, à nouveau interprété par le génial comédien d’origine, Jonathan Capdevielle.


C’est peu dire que le film n’est pas une simple captation. Pour quiconque a vu Jerk à l’époque, la distance temporelle qui sépare de la découverte du spectacle crée un vrai trouble et apporte une profondeur de temps à chaque image. Quelque chose revient, des émotions éprouvées il y a longtemps. Le texte est le même, le dispositif scénique aussi (Jonathan Capdevielle, assis avec ses marionnettes sur les genoux qui reconstituent des meurtres à la chaîne) et pourtant tout est différent. Du temps a passé, quelques poils gris affleurent dans la barbe de Jonathan Capdevielle, un œil tatoué sur son cou nous regarde. Mais surtout, il n’a jamais été aussi proche. Et cette proximité, c’est le cinéma.

Minimal


Jerk le film est minimal. Sa transsubstantiation tire sa force de deux principes forts : le plan-séquence et le plan rapproché. Par le plan-séquence, Gisèle Vienne contraint son comédien principal à livrer la même performance, à garder le même état de tension que durant les représentations du spectacle, et retrouve la temporalité, le rapport à l’écoulement non fractionné du temps propre au théâtre. Mais si le film retrouve la scène par le traitement du temps, il rompt avec elle par le traitement de l’espace. En filmant Jonathan Capdevielle en plan rapproché, Gisèle Vienne casse le point de vue propre aux arts scéniques (le plan d’ensemble, sans possibilité de se rapprocher). Mais le film s’invente une autre scène : le cerveau de son personnage. Au plus près du visage de Jonathan Capdevielle, de son corps pris de transes ventriloques, agitant ses marionnettes en contrefaisant toutes les voix (le criminel en chef, ses complices, les victimes des meurtres – des ados un peu paumés pris dans les rets du gang prédateur), le film nous propulse dans un théâtre mental, la tempête sous un crâne d’un esprit particulièrement dérangé, que la culpabilité contraint à reconstituer ses propres scènes de crime pour tenter de s’en déprendre. Enserré dans le dispositif d’un spectacle de théâtre déjà très nu, c’est un beau coup de cinéma que réussit Gisèle Vienne en ramenant à la vie son Jerk mortifère.


Sortie simultanée en salle, DVD et VOD le 8 avril de Jerk de Gisèle Vienne, avec Jonathan Capdevielle.