La dissolution de Génération Identitaire sert-elle à quelque chose?

POLITIQUE - “Nous sommes un mouvement de jeunesse qui souhaitons mettre en lumière nos thématiques”. Voici comment Thaïs D’Escufon présente Génération Identitaire, un groupuscule d’ultradroite dont elle est la porte-parole, qui se fait régulièrement...

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Manifestation du groupuscule d'ultradroite Génération Identitaire, le 28 mai 2016 à Paris.

POLITIQUE - “Nous sommes un mouvement de jeunesse qui souhaitons mettre en lumière nos thématiques”. Voici comment Thaïs D’Escufon présente Génération Identitaire, un groupuscule d’ultradroite dont elle est la porte-parole, qui se fait régulièrement remarquer pour ses actions anti-migrants.

Le samedi 13 février 2021, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé avoir engagé une procédure de dissolution. Une enquête préliminaire pour “provocation publique à la haine raciale” a été ouverte dans la foulée. Son président, Clément Gandelin, a jusqu’au 23 février pour “apporter des éléments nouveaux” qui empêcheraient cette dissolution.

Cette procédure, qui est promise depuis des années, survient à la suite d’une des nombreuses actions menées par le groupuscule, à savoir l’opération anti-migrants au col du Portillon (Pyrénées), le 19 janvier dernier. Elle s’inscrit aussi et surtout dans un contexte où le projet de loi renforçant les principes républicains a été adopté, avec un axe principalement mis sur l’islamisme et non sur les autres groupes qui pourraient entrer dans cette catégorie “séparatiste”.

“Cette dissolution n’est qu’un signal politique”

Pour Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite, “cette dissolution n’est qu’un signal politique qu’envoie le ministre de l’Intérieur. En s’attaquant à Génération Identitaire, le gouvernement montre qu’il a l’ambition de lutter contre tous les séparatismes et pas seulement l’islam radical” à l’image de la dissolution de Baraka City et l’autodissolution du CCIF (menacée avant cela de dissolution par le ministère de l’Intérieur).  

Seulement, Génération Identitaire jouit d’une spécificité, et pas des moindres, d’après le politologue: “La particularité de Génération Identitaire reste ses membres. Certains d’entre eux (notamment Philippe Vardon, pionnier de la ligue, conseiller régional de la région PACA et membre du bureau national du RN) sont des élus.” 

Il est vrai que la ligue d’ultradroite connaît des soutiens importants au sein du paysage politique français, notamment Marine Le Pen (Présidente du Rassemblement national), Julien Odoul (Président du groupe RN en région Bourgogne-Franche-Comté) ou encore Robert Ménard (Maire de Béziers).

Sans cette médiatisation, Génération Identitaire serait un mouvement groupusculaire parmi tant d’autres.Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite

“Comme Laurent Nuñez (ancien secrétaire d’État à l’intérieur) l’a justement dit, l’ultradroite doit être constituée de 3.000 personnes tout au plus. Or, avec l’ampleur médiatique dont la ligue profite, on croirait le contraire”, poursuit Jean-Yves Camus. “Sans cette médiatisation, Génération Identitaire serait un mouvement groupusculaire parmi tant d’autres.” Un écho médiatique dont Thaïs D’Escufon a su profiter en multipliant les apparitions sur les plateaux télé et autres médias (C8, LCI, CNEWS, Sud Radio).

Juliette Grange, enseignante-chercheuse et autrice du roman Les Néoconservateurs (Pocket, collection Agora, publiée en 2017, NDLR) explique: “Ils veulent avoir une visibilité médiatique. Leurs actions sont très bien ciblées, le code couleur, lui aussi, est bien choisi. Leur communication est parfaite.”

Leur désir de se faire voir a tout de même fini par provoquer la procédure à laquelle ils font face, d’après Jean-Yves Camus. “Leur erreur a été d’avoir voulu usurper la qualité d’action de la police et des gendarmes, notamment lors de leurs actions dans les Pyrénées. Ils ont fait une grave erreur en s’autoproclamant “gardes des frontières” avec des hélicoptères et autres outils. C’est une identité qui incombe uniquement aux forces de l’ordre et c’est ce qui les a menés à cette procédure.”

Une nouvelle approche  

“Je suis opposée à cette dissolution, comme j’ai été opposée à la dissolution de Baraka City ou du CCIF. Cela porte atteinte à l’expression d’opinion qui est un principe fondamental au sein de la République.” Elle poursuit: “Je pense que dans le cas précis, cette procédure de dissolution se traduit par une magnifique publicité pour le groupuscule.” 

Le profil de la porte-parole de ce “mouvement de jeunesse” lui inspire une comparaison. “Thaïs D’Escufon me rappelle Madeleine de Jessey”, (ancienne porte-parole de Sens Commun, un mouvement issu de La Manif Pour Tous et affilié au parti Les Républicains, NDLR). “Choisir une jeune femme aux traits doux, qui s’exprime très bien et cultivée, donne une image non violente au mouvement et s’oppose à une vision d’hommes aux gros bras, tatoués et violents que l’on peut avoir et qui, du coup, ne sert pas la cause.” 

Une stratégie qui porte ses fruits puisque l’arrivée de Marie Le Pen à la tête du Rassemblement National, après avoir exclu son père du parti, a participé à un renouveau de cette branche politique. Marion Maréchal participe également à la construction de cette nouvelle identité et offre, elle aussi, une autre image à l’extrême droite, sans changer le fond des idées.

Une dissolution et après?

“Juridiquement parlant, ce n’est pas solide. Ce n’est pas un groupe qui montre les armes et agit par la violence”, explique Juliette Grange, avant de poursuivre presque amusée. “Si la procédure arrive à son terme et qu’ils finissent par être relaxés, cela marquera un coup de pub très réussi.”

Un dénouement que le spécialiste de l’extrême droite, Jean-Yves Camus, justifie par la manière dont ses affaires sont qualifiées. “Le coup judiciaire n’est pas énorme puisque ces actions sont traitées comme un délit. De ce fait, les responsables ne risquent que de la prison avec sursis et une peine d’amende minime. En revanche, le pénal aurait pour mérite de frapper fort et de les dissuader de mener d’autres actions similaires.”

Et après? Que se passera-t-il quand les membres de la ligue souhaiteront se reformer (ce que n’a pas nié Thaïs D’Escufon sur le plateau de TPMP, lundi 15 février)? Selon le politologue, “le délit de reconstruction d’une ligue dissoute peut être envisagé.”

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