La Femme : “On voulait ressusciter un côté freaks”
Déjà onze ans que La Femme nous colle aux basques. Formé à Biarritz à la fin des années 2000 par Marlon Magnée et Sacha Got, deux copains d'enfance, le groupe est rapidement devenu, en quelques singles tubesques (Sur la planche, Télégraphe,...
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Déjà onze ans que La Femme nous colle aux basques. Formé à Biarritz à la fin des années 2000 par Marlon Magnée et Sacha Got, deux copains d'enfance, le groupe est rapidement devenu, en quelques singles tubesques (Sur la planche, Télégraphe, Paris 2012) et deux pochettes mémorables détournant le célèbre tableau de Gustave Courbet (Le Podium et From Tchernobyl with Love), l'étendard de la pop française. Au point de triompher dès son premier album, Psycho Tropical Berlin – trois mots pour résumer l'ADN de La Femme –, doublement récompensé d'un disque d'or et d'une Victoire de la musique alors que des Cassandre leur reprochaient hâtivement une signature en major (Barclay/Universal).
Multipliant les voix féminines, dont l'une (Clara Luciani) deviendra plus célèbre que les autres (Clémence Quélennec officiant désormais en solo avec Aja ; Jane Peynot ; Sarah Benabdallah, future chanteuse de Mauvais Œil…), le groupe écume les salles de concert et les tournées internationales (près de 500 dates, dont une centaine en Amérique), poursuivant son œuvre discographique avec un deuxième album qui, une fois encore, mélange tous les genres (rock sixties, cold wave, synthpop, musique surf, chanson yéyé…) avec une inspiration décoiffante et un sens inné du tube visionnaire (Où va le monde). Un Mystère qui fait du bruit dans le Landerneau et qui atteste définitivement que “La Femme est l'avenir du rock”.
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Hésitant un temps à enchaîner les maxis thématiques (Hawaïenne, Western, Nymphes et Succubes), le tandem historique de La Femme pioche dans une vaste collection de chansons écrites et composées depuis ses débuts, imaginant de nouveaux Paradigmes et livrant depuis la rentrée de septembre déjà six singles, à chaque fois clippés et prochainement réunis dans une vraie-fausse émission télévisée. Flirtant désormais avec la trentaine, Marlon Magnée (toujours aussi volubile) et Sacha Got (plus posé et en demi-gueule de bois) n'ont rien perdu de leur gouaille.
“Les paradigmes sont partout, ils sont dans nos vies parsemées de tournants, d'extases et de tourments”, écrivez-vous dans la préface du livret. Comment Paradigmes s'est-il imposé comme titre de votre troisième album ?
Marlon Magnée — C'est un mot qui nous interpellait depuis longtemps, il sonnait bien mystérieux comme on aime. Après Mystère, Paradigmes, ça relevait presque de l'évidence. Quand on a fini le disque fin 2019, début 2020, nous tournions la page des années 2010 et nous entrions dans un nouveau paradigme avec les années 2020. Avec la pandémie, le titre a pris une autre résonance, à l'instar des paroles du single Paradigme : “Les masques tombent pour célébrer le néant et la folie.” L'actualité nous a rattrapés.
Sacha Got — C'est notre côté visionnaire (sourire).
Vous n'aviez jamais laissé passer autant de temps entre deux albums.
Marlon Magnée — Effectivement, cinq années se sont écoulées depuis Mystère, mais le climat n'était guère propice l'an passé pour publier un nouvel album. Dans l'histoire du groupe, on a toujours aimé prendre notre temps. Forcément, on souhaiterait aller plus vite, mais écrire de bonnes chansons nécessite du temps. Cela nous a aussi permis de réaliser tous ces clips en prévision du film autour de Paradigmes, même s'il en reste encore deux, trois à tourner sur les quinze.
Vous semblez toujours très attachés au format de l'album…
Sacha Got — L'album est un format à la fois très important et très contraignant. Il faut disposer de tous les morceaux pour en avoir une vision d'ensemble et les chiader suffisamment pour que le disque puisse résister à la patine du temps.
Marlon Magnée — Surtout que nous sommes du genre à placer quinze chansons par album, ce qui peut paraître paradoxal à l'heure où les gens consomment de plus en plus la musique titre par titre. Nous ne sommes pas un groupe de concept album, nous préférons faire marcher la locomotive du disque avec plein de points d'entrée.
La quête du single fait toujours partie de votre processus créatif ?
Marlon Magnée — On raffole des singles, mais il ne faut jamais se fourvoyer dans la recherche du tube formaté. D'ailleurs, certains tubes, comme I Feel Love de Donna Summer, Thriller de Michael Jackson ou même Seven Nation Army des White Stripes n'étaient pas prédestinés à le devenir.
“Nous sommes avant tout des amoureux de la musique. On aime se frotter à tous les styles, comme un caméraman qui cherche de nouveaux angles de vue” Marlon Magnée
Quels sont à ce jour les singles les plus populaires de La Femme ?
Sacha Got — En termes de streams, c'est Sur la planche et Où va le monde.
Un autre titre visionnaire…
Marlon Magnée — Kendji Girac a aussi écrit une chanson qui s'appelle Où va le monde (sourire).
Sacha Got — Ce titre résonne toujours quel que soit le moment. A sa sortie, en 2016, on nous disait parfois qu'Où va le monde faisait écho aux attentats de 2015. Le clip avait d'ailleurs été tourné dans le quartier de République où l'on habitait à l'époque, et on y voit à la fin des images en hommage à Charlie.
Comme à l'accoutumée, Paradigmes ressemble à un juke-box qui reflète toutes vos obsessions musicales.
Marlon Magnée — C'est comme une playlist, il y en a pour tous les goûts.
Sacha Got — Dans chaque style, on essaie toujours de réussir la meilleure chanson possible.
Marlon Magnée — Cette variété n'est jamais calculée, nous agissons par spontanéité. Nous sommes avant tout des amoureux de la musique. On aime se frotter à tous les styles, comme un caméraman qui cherche de nouveaux angles de vue.
Sur le nouvel album, un titre comme Disconnexion porte la signature du groupe et rappelle la structure de certains morceaux de Psycho Tropical Berlin.
Marlon Magnée — On ne cherche pas à se faire identifier dès les premières notes ni même à plaire aux fans, mais il y a des codes qu'on retrouve dans notre répertoire. Par exigence, il nous arrive parfois de virer des chansons qui pourraient sonner comme des doublons.
Sacha Got — Surtout qu'on avait l'embarras du choix, en disposant d'une centaine de titres composés depuis dix ans. Le Sang de mon prochain date, par exemple, de 2012.