La "Librairie des grands caractères" ouvre à Paris pour les personnes malvoyantes

CULTURE - Le livre en gros caractères, destiné aux lecteurs malvoyants, encore mal connu et isolé dans des recoins de grandes surfaces culturelles, va enfin bénéficier de l’ouverture d’une librairie à Paris mercredi 20 janvier, la première...

La "Librairie des grands caractères" ouvre à Paris pour les personnes malvoyantes

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CULTURE - Le livre en gros caractères, destiné aux lecteurs malvoyants, encore mal connu et isolé dans des recoins de grandes surfaces culturelles, va enfin bénéficier de l’ouverture d’une librairie à Paris mercredi 20 janvier, la première du genre.

Dans le quartier du Panthéon (5e arrondissement), au 6 rue Laplace, la “Librairie des grands caractères” est créée par deux maisons d’édition: Voir de près et A vue d’oeil.

Les autres éditeurs n’y seront pas, dans un premier temps. “Si nos concurrents veulent nous rejoindre, on sera ravi de les accueillir. À condition que dans leur catalogue la qualité soit au rendez-vous”, prévient Agnès Binsztok, la directrice éditoriale.

Qualité des textes, mais surtout de la forme. Pour offrir un confort de lecture satisfaisant aux malvoyants, ce type de livre doit répondre à des exigences précises: caractères grands et simples, lignes espacées, et papier opaque à la teinte douce, pour empêcher la réverbération de la lumière, tout en restant léger.

Les lecteurs atteints d’autres troubles y trouvent aussi leur compte parfois: dyslexie, dyspraxie, atteintes neurologiques, etc. “J’ai appris récemment que le livre en gros caractères aidait certaines personnes qui ont fait un AVC, et qui sont en rééducation”, indique l’éditrice. Soit des millions de lecteurs potentiellement.

Des livres plus chers

Parce qu’ils comptent plus de pages, et que l’impression coûte davantage, ces ouvrages sont plus chers. L’un des succès de ces dernières années par exemple, “Le Lambeau” de Philippe Lançon (500 pages) se vend à 21 euros chez Gallimard, et 8,60 euros en poche chez Folio. Chez Voir de près, il grimpe à 44 euros, pour deux tomes et 850 pages au total.

Peu de lecteurs peuvent se l’offrir. “Quand j’ai obtenu les droits, Gallimard a accepté qu’on ne fasse que 400 exemplaires. Le succès a été là, on en a réimprimé 50. Cela reste de petits chiffres, mais c’était un récit tellement important qu’il le fallait”, concèdeAgnès Binsztok.

Les “gros tirages” restent en dessous du millier au départ, l’éditeur évoquant par exemple “800 à 900 exemplaires pour un Marc Levy”, le romancier français qui s’est le mieux vendu depuis 2000.

Son grand rival, Guillaume Musso, est chez un autre éditeur installé au Mans, Libra Diffusio. Le dernier Amélie Nothomb, “Les Aérostats” (2020), a paru chez Feryane, qui n’a pas adopté les “caractères bâtons” jugés indispensables par Voir de près, éditeur du précédent roman de la romancière belge, “Soif” (2019).

Le gros problème de ces livres

D’après Mathieu Rondeau, concepteur de ces livres, le manque d’uniformité est un problème. “La typographie, c’est ce qu’il y a de plus important”, souligne-t-il. “Si vous utilisez du Times, du Garamond, qui sont des typographies traditionnelles dans l’édition”, fines et élégantes, “vous avez quelque chose d’esthétiquement très beau, mais qui pour le malvoyant pose des difficultés”.

Lui ne jure que par une police de caractères libre de droits, créée en coordination avec des malvoyants: Luciole.

L’idée de la librairie, où le lecteur peut lui-même constater si le confort de lecture lui convient, s’est imposée. Si les vicissitudes de la crise sanitaire de 2020 ont repoussé l’ouverture, l’inauguration va bien avoir lieu, avec un éclairage lui aussi pensé pour les malvoyants, sous une lumière douce et uniforme.

En venant sur ce segment du livre à gros caractères, “j’ai découvert que beaucoup de gens ignoraient son existence, et que le catalogue souffrait d’une idée reçue, celle de lecteurs âgés qui voulaient des romans de terroir”, se souvient Agnès Binsztok. “Ils ne demandent pas que ça, évidemment”.

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