La loi Climat quitte l'Assemblée comme elle y est arrivée: sans convaincre
POLITIQUE - Le bulletin avait fait jaser pour sa sévérité: en février dernier, les citoyens de la Convention pour le Climat avaient attribué la note de 2,5/10 au gouvernement pour sa capacité à respecter ses propres engagements de réduction...
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POLITIQUE - Le bulletin avait fait jaser pour sa sévérité: en février dernier, les citoyens de la Convention pour le Climat avaient attribué la note de 2,5/10 au gouvernement pour sa capacité à respecter ses propres engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une façon pour “Les 150” de blâmer l’exécutif et sa reprise amoindrie de leurs propositions.
Deux mois plus tard, la “loi Climat et résilience”, inspirée de leurs travaux, passe une nouvelle étape. Le texte -qui promet d’être un des marqueurs verts du bilan d’Emmanuel Macron- doit être voté dans l’après-midi de ce mardi 4 mai par l’Assemblée nationale après trois semaines d’examen dans l’hémicycle.
Dans l’entourage de Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique qui disait compter sur les députés pour améliorer son projet, on vante “des débats constructifs” et une loi “enrichie, inédite par son ampleur”. Un satisfecit bien loin des envolées critiques de l’opposition, des ONG -et des instances consultatives- qui témoigne du dialogue de sourds entre les tenants de l’écologie “pragmatique” et ceux qui honnissent la politique “des petits pas.”
De timides avancées
“Aucun texte dans cette mandature et très peu de texte au cours des 60 dernières années on fait l’objet de débats aussi longs et aussi riches”, fait valoir le ministère, mettant en avant les cinq semaines de discussion à l’Assemblée (en commission puis en séance plénière) et l’adoption de quelque 1000 amendements, dont 200 déposés par l’opposition, pour couper court aux accusations d’escamotage. Mais pour quels résultats tangibles et mesures concrètes?
Ce projet de loi est inédit par son ampleur et par le champ extrêmement vaste qu'il couvre. Il vise à ancrer la culture écologique dans le quotidien des Français."Ministère de la Transition écologique
Parmi les timides avancées: une prime à la conversion élargie aux vélos, l’interdiction des poids lourds utilisant principalement des énergies fossiles, diesel ou essence à l’horizon 2040 -qui n’étaient initialement pas concernés par le couperet-, le renforcement des dispositifs prévus pour les menus végétariens dans la restauration collective ou encore le gel des loyers des habitations considérées comme étant des passoires thermiques.
“Ce projet de loi est inédit par son ampleur et par le champ extrêmement vaste qu’il couvre. Il vient ajouter la dernière brique, ajouter une dimension culturelle, pour permettre les avancées déjà actées dans les lois précédentes”, estime encore l’entourage de Barbara Pompili pour défendre un texte passé de 69 articles avant son arrivée au Palais Bourbon à plus de 200 à sa sortie. En d’autres termes, il vise à “ancrer la culture écologique dans le quotidien des Français”, par petites touches.
Trop petites, pour certains... et ce même après les longues semaines de discussion, les 200 heures de débats et les quelques menus progrès entre le texte gouvernemental et sa version retouchée par les députés.
ONG et oppositions désabusées
“Ils sont dans une réalité parallèle”, tranche par exemple Matthieu Orphelin, candidat écolo dans la région Pays de la Loire, sans avoir de mot assez dur pour critiquer la tournure des événements. “On ne peut pas dire que la loi est largement suffisante, il ne faut pas déconner, il faut être sérieux.” “J’aurais aimé soutenir ce projet et je veux bien que le gouvernement se gargarise mais où sont les tonnes de CO2 évitées?”, s’interroge-t-il, ajoutant: “c’est gênant, comment le gouvernement peut vanter une loi historique là où tous ceux qui ont rendu un avis disent qu’elle ne sera pas au rendez-vous de l’histoire?”
Cela devient préoccupant par rapport au degré de sincérité de gouvernementMatthieu Orphelin, député tendance écolo
Et on ne peut pas dire que le proche de Nicolas Hulot, élu député sous l’étiquette LREM en 2017, soit convaincu par le supposé enrichissement du projet porté par Barbara Pompili. Bien au contraire: “en commission, l’ambition du texte a plutôt été abaissée”, nous dit celui qui a organisé, avec plusieurs autres députés tendance écolo, un débat sur la plateforme Twitch pendant les discussions à l’Assemblée. ”À un certain moment, cela devient préoccupant par rapport au degré de sincérité de gouvernement”, souffle l’ancien marcheur.
D’autant que son décompte des amendements adoptés dans l’hémicycle laisse apparaître un contour pas vraiment favorable aux élus qui se revendiquent de l’écologie politique. Car selon le député, 62% des amendements votés avaient été déposés par des élus de La République en marche. Quand du côté des oppositions, ce sont Les Républicains, plutôt hostiles au texte pour son caractère “punitif”, qui ont tenu la corde puisque 13% des amendements finalement adoptés venaient de leur banc, contre 4% pour le Parti socialiste ou moins de 2% pour la France insoumise.
Mais ce sentiment d’être “passé à côté” va bien au-delà de la sphère politique (de gauche). Il est partagé par de nombreuses organisations spécialistes des questions environnementales. Dans un communiqué sans ambages publié lundi 3 mai, soit la veille du vote solennel à l’Assemblée nationale, le Réseau Action Climat démolit un texte ”à l’ambition réduite à peau de chagrin (...) à la fois du point de vue du climat mais aussi de la justice sociale.”
Le gouvernement voit large, mais flou?
“Le gouvernement a transformé l’espoir autour de ce projet de loi climat issu des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat en un double échec, écologique et démocratique”, fustigent les 22 ONG (dont Greenpeace, le WWF, les Amis de la Terre ou la Fondation pour la Nature et l’Homme) membres de l’association. Entre “caricature des écologistes” et “manque cruel d’ambition”, elles reprochent concrètement à l’exécutif de défendre les “intérêts de certains acteurs privés” aux dépens de la Transition écologique en ayant amoindri la portée des idées présentées par les 150 citoyens.
Mais le débat n’est pas là pour le gouvernement, qui présente sa loi comme un outil de plus dans sa stratégie globale de lutte contre le changement climatique, loin d’en être l’alpha et l’oméga. “La somme de toutes les mesures actées dans la loi Egalim, la loi ‘énergie climat’, la loi antigaspillage, le plan de relance et ses 30 milliards sur l’axe de verdissement, permet d’atteindre la SNBC (Stratégie Nationale Bas-Carbone) soit -43%” d’émissions de gaz à effet de serre, promet l’entourage de Barbara Pompili.
Un objectif moins ambitieux que celui de l’Union européenne fixé à “au moins 55%” à l’échelle du continent d’ici à 2030. Mais suffisant pour convaincre? Les différentes instances consultées à la demande -ou non- du gouvernement avaient infligé un zéro pointé à son projet de loi avant qu’il ne débarque au Parlement. Pas sûr que la 1ère session de rattrapage offerte par l’Assemblée nationale soit de nature à améliorer la note finale.
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