La maltraitance entre soignants existe, j'en ai été victime - BLOG

SANTÉ - La crise sanitaire a mis au grand jour le manque de moyens, d’effectifs dans les hôpitaux publics. Les soignants sont épuisés.J’en sais quelque chose.La première crise sanitaire m’a laissée dans un tel état de sidération que je suis...

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Bon nombre de témoignages étudiants maltraités existent mais nous restons sourds à toutes leurs plaintes. J’ai travaillé dans un service maltraitant envers eux. Les professeurs avaient alerté la cadre à ce propos. Mais rien n’était entrepris pour changer les choses. Malgré tout, les élèves continuaient à être envoyés sur ce lieu de stage. Lorsque j’ai voulu dénoncer les faits, on a tenté de me mettre “au placard”. Voilà l’exemple donné aux futurs soignants…

SANTÉ - La crise sanitaire a mis au grand jour le manque de moyens, d’effectifs dans les hôpitaux publics. Les soignants sont épuisés.

J’en sais quelque chose.

La première crise sanitaire m’a laissée dans un tel état de sidération que je suis en arrêt depuis juin 2020 suite à une tendinite calcifiante avec bursite à l’épaule gauche. Mais, je n’ai aucune amertume: j’aime mon travail.

Néanmoins, je reviens de loin. Avant d’arriver dans ce service de pneumologie où l’équipe est bienveillante et empathique, j’ai traversé un périple digne de l’odyssée d’Ulysse.

Le métier d’infirmière est dur, car très exigeant, mais il est aussi dur, car vous êtes très souvent confronté à la maltraitance, aussi bien en tant que spectateur que victime. C’est un sujet assez tabou dans la profession, mais pourtant bien réel.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

Tout commence quand vous êtes étudiant

Si vous êtes comme moi, vous arrivez dans la formation, motivée par vos idéaux et vous avez hâte d’aller en stage.

Là, c’est la douche froide…

Vous tombez sur une infirmière qui, dès le premier jour, vous toise, vous dit que vous n’allez pas assez vite lors de la réfection d’un pansement stérile alors que vous n’en avez jamais fait et tente d’anéantir, par tous les moyens, le peu de confiance que vous avez en vous.

Si vous êtes comme moi, vous avisez le cadre supérieur, des faits et vous envoyez un mail à votre référent de stage.

L’un convoque l’infirmière. L’autre ne répond pas.

L’infirmière fait bonne figure devant le cadre, mais avec vous, c’est tout autre chose.

Elle vous prend à part et se déchaîne: intimidations, brimades… Elle prend à partie ses collègues, car elle a une certaine emprise sur bon nombre d’entre eux.

L’aide-soignante qui vous suit s’acharne sur vous. Tout ce que vous entreprenez est “nul”. Mais, vous tenez bon.

Tenir bon

Un jour, votre référent de stage arrive dans le service pour vous évaluer et là, vous découvrez l’équipe idéale. Vos tortionnaires habituels se transforment en agneaux. Tout est fait pour convaincre votre référent que vos mots et maux sont foutaises.

“Ben alors, elle est charmante, cette équipe. Qu’est-ce que vous m’avez raconté?!!!”.

Vous n’avez aucun moyen de démontrer le côté maltraitant de l’équipe, alors vous vous taisez. De toute façon, votre référent n’a pas l’air de vouloir creuser la situation. Vous profitez donc du répit qui vous est offert.

Ce jour-là, l’aide-soignante vous dit que votre toilette est parfaite, en adressant un sourire à votre référent. Vous n’en revenez pas. Elle vous félicite même en posant sa main sur votre épaule.

Le patient à qui vous avez fait la toilette a attendu d’être seul avec vous pour dire: “Quelle hypocrite, celle-là!!!”.

Ouf! Vous êtes soulagée: vous n’avez pas rêvé les propos rabaissants de votre collègue.

Arrive le bilan de fin de stage. L’infirmière est douce et vous dit:” Tu sais, je suis pas méchante!”. Elle sourit. Pas vous.

L’appréciation est plutôt bonne et vous êtes vraiment étonnée.

Vous vous rendez dans le bureau du cadre pour qu’il mette le tampon du service sur votre feuille et là, vous comprenez le pourquoi du ton doucereux de l’infirmière.

Le cadre vous explique qu’elle est sur la sellette, que vous n’êtes pas la première à avoir enduré cela, mais que personne n’avait voulu témoigner jusqu’à maintenant…

J’ai appris quelques années plus tard, par une collègue qui m’aimait bien, que cette infirmière voulait devenir formatrice, mais que ses aspirations avaient été avortées par la nouvelle cadre qui avait mis au grand jour, son attitude envers les étudiants. C’est apparemment mon témoignage qui les a poussés à la surveiller.

Après ce stage houleux, je me suis dit que je ne pouvais pas connaître pire…

Fermer les yeux sur les maltraitances

Le deuxième stage a été une vraie épreuve de force…

Au sein d’une crèche hospitalière, j’ai été confrontée à la maltraitance sur des enfants de deux mois à trois ans. J’y ai découvert le risque de syndrome du bébé secoué.

Lorsque j’ai alerté les cadres sur les agissements d’une de mes collègues qui ne supportait pas les pleurs des enfants, j’ai compris que toute l’équipe était au courant, mais fermait les yeux sur les maltraitances.

Pour que je me taise, on a, alors, tenté de m’intimider en me confrontant à l’auxiliaire en question. On m’a même menacée de me casser la figure parce que je n’avais pas à dénoncer une collègue.

Bien heureusement, cette fois-ci, j’avais ma référente pédagogique à mes côtés.

Elle s’est déplacée sur mon lieu de stage. Elle m’a protégée face à l’encadrement, m’a conseillé d’aller déposer une main courante au commissariat et de me mettre sur liste rouge. Jamais je n’oublierais son investissement. C’est d’ailleurs elle qui m’a donné la force de continuer la formation. Elle est devenue mon phare, mon mentor.

D’autres étudiants n’ont pas eu cette chance et ont abandonné l’idée de devenir infirmier, car seuls face au pouvoir dont abusent certains soignants, avec pour conséquence d’avoir une feuille de stage pourrie.

Après le diplôme, maltraitances à répétitions

Une fois diplômée, j’ai pensé que ce temps-là était révolu… mais mon optimisme est vite retombé...

J’ai dû quitter quatre services avant de trouver le bon.

Je devais, à chaque fois, entrer dans le moule et fermer les yeux sur les maltraitances, les dysfonctionnements.

Entre autres, fermer les yeux sur les patients ayant des selles à six heures du matin et à qui on fait la toilette quatre heures plus tard. Impossible. L’équipe s’est donc retournée contre moi. Je me suis retrouvée isolée et je suis donc partie.

Endurer le fait d’être seule à s’occuper de quarante patients, entendre les médecins dire que je n’allais pas assez vite, supporter les pleurs des collègues épuisés. Impossible. Je suis donc partie.

À chaque fois, je me disais que l’empathie et la bienveillance étaient possibles dans ce métier. Chaque fois, j’ai refusé qu’on salisse mes idéaux.

J’ai eu raison de persévérer, car j’ai enfin trouvé.

Mais à quel prix? J’ai fait deux burn-out en deux ans d’exercice. J’ai tenu parce que mon métier d’infirmière est une reconversion. J’ai, en effet, travaillé auparavant, pendant dix-huit ans dans un organisme de recouvrement et je refusais de me dire que le monde bienveillant des soins était une désillusion.

La souffrance des étudiants maltraités

Aujourd’hui, j’entends parler d’Hôpital public déserté. Ce n’est pas juste à cause d’un manque de moyens, mais aussi à cause d’une faille dans nos pratiques relationnelles entre soignants.

Les premiers à en souffrir sont les étudiants.

Bon nombre de témoignages étudiants maltraités existent, mais nous restons sourds à toutes leurs plaintes. J’ai travaillé dans un service maltraitant envers eux. Les professeurs avaient alerté la cadre à ce propos. Mais rien n’était entrepris pour changer les choses. Malgré tout, les élèves continuaient à être envoyés sur ce lieu de stage. Lorsque j’ai voulu dénoncer les faits, on a tenté de me mettre “au placard”. Voilà l’exemple donné aux futurs soignants…

De même pour les infirmiers qui arrivent dans un nouveau service, s’ils ne font pas leurs preuves très rapidement, ils sont vite catalogués.

Il est temps de mettre en pratique les concepts qu’on nous a rabâchés pendant trois ans: bienveillance, empathie et humanitude.

Il est temps, car un jour, être soigné sera un luxe qu’on ne pourra pas tous se payer si les soignants viennent à manquer.

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