La Nouvelle Vague en cinq figures féminines majeures

Jean Seberg, “l’anti-femme” À bout de souffle (Capture d’écran YouTube) On le sait, À bout de souffle, c’est la nouveauté. Caméra à la main, lumière naturelle, personnages et dialogues ancrés dans le réel et la quotidienneté. La nouveauté,...

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Jean Seberg, “l’anti-femme” À bout de souffle (Capture d’écran YouTube)

On le sait, À bout de souffle, c’est la nouveauté. Caméra à la main, lumière naturelle, personnages et dialogues ancrés dans le réel et la quotidienneté. La nouveauté, c’est aussi Jean Seberg, et sa coupe ultra court “à la garçonne” ou “à la Jeanne d’Arc”, puisque qu’elle lui vient du film d’Otto Preminger. Marinière, pantalon, ballerines, et surtout, “elle ne porte pas de soutien-gorge”, liberté et modernité donc. Une androgynie qui n’échappe pas à Godard, qui lui fait porter avec tout autant d’aisance la chemise et le chapeau de son compagnon Michel Poiccard, ni à la presse de l’époque qui qualifie le personnage de Seberg d’“anti-femme”.

Jeanne Moreau, déesse fêlée Ascenseur pour l’échafaud (Capture d’écran YouTube)

Personne n’a su être autant forte et vulnérable à la fois que Jeanne Moreau marchant dans les rues de Paris dans Ascenseur pour l’échafaud. Le pas est hésitant et décidé à la fois. Le sourcil légèrement arqué qu’on lui connaît si bien et un regard de défi, mais aussi de détresse et d’inquiétude. Le menton haut mais la larme à l’œil. C’est dans l’entre-deux que Jeanne Moreau trouve toute sa force. Avec une nonchalance vénéneuse, elle murmure parfois quelque chose que la trompette de Miles Davis couvre, comme des incantations secrètes pour retrouver son amant. La vulnérabilité, inextricable de la force, c’est ce que Truffaut et Demy ont aussi exploré. Déesse fêlée, femme-tourbillon qui fait tournoyer les puissances de la vie et celle de la mort, elle entraîne Jules et Jim dans une sarabande aussi passionnée que mortifère. Des tourbillons encore : ceux des roulettes de casino de La Baie des anges, où, en simili Marilyn décolorée, elle consume tout ce qu’elle a, tout ce que l’aime, tout ceux qui l’approchent, en pariant sur des chiffres rouges ou noirs. Tout ou rien, le banco ou la ruine, le paradis ou l’enfer, ce sont les extrêmes qui se frottent en permanence chez l’incandescente Jeanne Moreau.

Bernadette Lafont, le corps en force Le Beau Serge (Capture d’écran YouTube)

Bernadette Lafont a tout juste 19 ans lorsqu’elle joue le personnage de Marie dans Le Beau Serge de Claude Chabrol, véritable “Marie couche-toi-là” sexualisée à outrance. Bernadette Lafont a très bien compris que son personnage n’est que corps. Un corps sensuel au sens étymologique de “faculté de sentir”, qui ne trouve vie que dans l’expression du désir. Elle est pieds nus, avec toujours un doigt dans la bouche, affublée d’une robe tablier, vêtement fétichisé depuis Et Dieu créa la femme, sorti un an plus tôt et qui, comme pour Bardot, lui permet une grande liberté de mouvement. Consciente des rôles qu’on lui attribue depuis Le Beau Serge, Bernadette Lafont se réappropriera son corps d’héroïne de fiction avec la complicité de Nelly Kaplan dans La Fiancée du Pirate, où elle interprète une autre Marie, parfait double féministe du personnage de Chabrol.

Brigitte Bardot : et dieu créa la femme libre

Et Dieu créa la femme (Capture d’écran YouTube)

La corporéité au cinéma ne fut jamais incarnée plus spontanément que par Brigitte Bardot. Tout est liberté du corps chez Bardot, de la liberté sexuelle à la liberté vestimentaire, puis à la liberté de laisser son corps vieillir sans s’en préoccuper. Si elle a fait l’effet d’une ligne de fracture, c’est parce qu’elle a affiché au cinéma un désir de liberté dévorant, à travers un corps qui semble en permanence chercher à s’échapper. Dans la fameuse scène de Et dieu créa la femme, les deux prétendants essayent l’un après l’autre de l’arrêter, ils transpirent, souffrent, le personnage de Jean-Louis Trintignant la supplie d’arrêter, puis essaye de la tuer. C’est le spectacle de l’affirmation de sa liberté par le corps qui est insupportable pour les deux hommes (comme elle le fut pour la presse masculine de l’époque), la danse concrétise sa volonté de s’échapper et leur échec à la saisir. Un corps insaisissable qui s’incarne dans Le Mépris, où Camille (Bardot) accède à la figure de déesse grecque qui échappe tragiquement à Paul par son mépris et devient alors une “femme du mythe”, selon l’expression de Godard.

Emmanuelle Riva ou le regard de la réminiscence

Hiroshima mon amour (Capture d’écran Youtube)

Un amour se crée à Hiroshima entre une Française et un Japonais, un amour où se rejoignent deux récits de mémoire, celui de la bombe, pour lui et celui d’un amour perdu à la libération, pour elle. Chez Emmanuelle Riva, tout se joue dans le regard. La ville de Nevers, “Ne-vers”, découpée en deux syllabes par l’écriture Durassienne, devient le mot de la réminiscence. Il nous semble presque à chaque fois, voir au fond de ses yeux, le corps mort de l’allemand qu’elle a aimé pendant la guerre. “Je n’ai plus qu’une seule mémoire celle de ton nom”, dit-elle. Elle est au lit avec son amant à Hiroshima et “Ne-vers” est prononcé pour la 1ère fois dans la légèreté d’une confidence entre amants. Pendent une demie seconde cependant, passe dans son regard le souvenir vivant d’une grande douleur, qu’Emmanuelle Riva saura, tout au long du film, invoquer avec talent.

La Nouvelle Vague, 21 indispensables, à la Cinémathèque Française jusqu’au 2 janvier.