La pandémie de Covid-19 a un an mais on ne connaît pas l'âge du virus

CORONAVIRUS - Virus né sous X. Il y a un an, jour pour jour, l’Organisation mondiale de la Santé érigeait officiellement le fléau du Sars-Cov 2 en pandémie. Depuis, près de 2,6 millions de personnes sont décédées à travers le monde des suites...

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Séquençage du Covid-19 au  CNR des virus des infections respiratoires de l'Institut Pasteur à Paris, en janvier 2021

CORONAVIRUS - Virus né sous X. Il y a un an, jour pour jour, l’Organisation mondiale de la Santé érigeait officiellement le fléau du Sars-Cov 2 en pandémie. Depuis, près de 2,6 millions de personnes sont décédées à travers le monde des suites de cette maladie, sans qu’on sache encore bien comment et surtout quand exactement elle est vraiment née. 

Le mois dernier une enquête menée par des experts de l’OMS en collaboration avec Pékin n’a pas permis d’élucider concrètement les origines du Covid-19. Le rapport final, dont les résultats sont soupçonnés d’être entachés par des pressions de la Chine, est attendu pour la semaine du 15 mars. Pour le moment, aucun des éléments préliminaires communiqués ne semble apporter de réponses sur quand et comment le Covid-19 est apparu. Cependant, depuis un an, plusieurs outils permettent de mieux comprendre l’évolution du virus et comment il a circulé. Il s’agit notamment d’étudier les mutations du virus mais aussi de repérer les éventuelles traces qu’il a pu laisser derrière lui.

Établir l’arbre généalogique du virus

La première méthode consiste notamment à se pencher sur l’arbre généalogique du virus. À ce jour, toutes les variations recensées aux quatre coins du globe, comme l’anglaise ou la sud-africaine, ont comme ancêtre commun la souche détectée à Wuhan en décembre 2019. Pour décortiquer le génome, les scientifiques ont ainsi recours à la phylogenèse. “On peut faire une analogie avec l’évolution entre l’ancien français et le français actuel. Avec le génome c’est pareil, on regarde comment il s’écrivait avant, comment il s’écrit maintenant et on en déduit les modifications”, explique Jacqueline Marvel, directrice de recherche au CNRS et immunologiste au centre international de recherche en infectiologie de Lyon, contactée par Le HuffPost.

Un peu comme un arbre dont on couperait le tronc pour observer les stries circulaires et évaluer ainsi son âge, à une différence près: “un virus ne mute pas de façon constante. Il y a deux types de mutations. Tout d’abord les neutres. Elles apparaissent de manière aléatoire et n’apportent ni avantage ni désavantage. Ensuite, il y a les mutations qui provoquent justement un avantage ou un désavantage, et donc vont se répandre dans la population à une vitesse différente”, détaille au HuffPost Franck Perez, directeur de l’unité biologie cellulaire et cancer à l’institut Curie et directeur de recherche au CNRS. 

 VIDEO - Pourquoi les virus mutent-ils?

 

“Tant qu’on ne trouve pas une souche de Sars-Cov2 ailleurs et plus précoce que les premières traces autour de Wuhan, on n’a pas de raison de penser que l’origine est ailleurs”, abonde Franck Perez.

Reste la question de savoir quand est né cet “ancêtre commun”. Quand bien même le premier patient atteint par le nouveau coronavirus a été identifié en Chine le 8 décembre 2019, cela ne permet pas de dire exactement quand cette souche est apparue. L’hypothèse la plus probable actuellement reste celle d’une transmission via la chauve-souris. “Il y a 96% d’homologie entre Sars-Cov2 et des coronavirus détectés chez des chauves-souris. C’est très proche, mais malheureusement cette différence de 4% reste importante et ne permet pas de faire le saut entre l’animal et l’homme”, détaille Jacqueline Marvel.

Ressortir les échantillons du placard

Pour combler “ce trou noir”, pointent les deux scientifiques, une des clés consiste à étudier des échantillons plus anciens. Ce sont eux qui permettraient éventuellement d’identifier le parcours emprunté par la souche de Wuhan, avant même peut-être le 8 décembre, jour où a été identifié dans cette métropole de la province de Hubei le premier patient avec les symptômes du nouveau coronavirus. 

Dans ce contexte, il y a deux pistes principales possibles: trouver des traces de virus directement via un test PCR et les séquencer, ou retrouver des traces d’anticorps via une sérologie. Chacune à ses avantages et inconvénients “L’analyse des génomes viraux reste la méthode la plus fiable. Il faudrait reprendre le dossier des patients avec des radios des poumons qui auraient pu suggérer une infection au Covid-19 et retrouver des échantillons sanguins. Mais le problème avec la PCR, c’est que la charge virale dans le sang peut être très faible et donc plus difficilement séquençable”, détaille Franck Perez.

L’avantage de l’analyse sérologique pointe le chercheur: les anticorps restent longtemps dans le plasma stocké dans les congélateurs des centres de ressources biologiques. La méthode n’est cependant pas parfaite et présente le risque de se heurter à des cas de réactivité croisée. Concrètement, certaines personnes peuvent développer une réponse immunitaire à un rhume -qui est lui aussi causé par un virus de la famille des coronavirus- qui sera similaire à celle que développent les personnes contaminées par le Sars-Cov2.  “En un an, on a réussi à affiner les tests, mais des doutes peuvent subsister”, précise Jacqueline Marvel. 

Un virus présent au printemps 2019 en Europe ?

Depuis un an, de nombreuses études ont tenté d’aller chercher des traces du Covid-19 dans des échantillons datant d’avant décembre 2019. Parmi celles qui ont suscité le plus de commentaires figure une étude de l’Université de Barcelone qui date l’apparition du Covid-19 dans les eaux usées de la ville dès mars 2019.

Publiée uniquement sur Medrxiv, cette analyse n’a pas été “peer reviewed”, soit ”évaluée par les pairs”. “Elle est donc à prendre avec précaution. Ces chercheurs ont trouvé via des tests PCR uniquement des traces de génome. Au final sur tous les échantillons qu’ils ont testés, seul un est positif”, met en garde Jacqueline Marvel qui évoque plutôt le cas d’une contamination croisée entre échantillons. “Quand vous faites un test PCR, vous vous retrouvez avec un produit extrêmement concentré. C’est donc très facile, simplement avec l’air ambiant, d’avoir des contaminations. Dans les laboratoires, quand on réalise une PCR, on va jusqu’à changer de pièce pour ajouter nos différents produits. On met des lumières UV pour détruire tous les acides nucléiques qui pourraient rester. Mais les contaminations peuvent arriver”.

Par ailleurs, souligne Franck Perez, les conditions de conservation dans les eaux usées étant très mauvaises, elles rendent presque impossible un séquençage précis du virus.

 La piste de l’automne se précise

Si la communauté scientifique apporte peu de fiabilité à ces résultats espagnols, d’autres suscitent de nouveaux questionnements. C’est notamment le cas de travaux de chercheurs français publiés début février dans la revue European Journal of Epidemiology. Ils ont analysé 9144 échantillons sanguins issus d’une cohorte de 200.000 personnes afin de trouver des anticorps liés au coronavirus. Dix prélèvements entre novembre ou décembre se sont révélés positifs. Or, selon le ministère de la Santé, les premiers malades répertoriés sur le territoire français ont été pris en charge le 24 janvier 2020.

Une autre étude, cette fois en Italie, tend à faire remonter les premiers cas de Covid-19 à l’automne 2019. Une étude de l’Institut National du Cancer (INT) de Milan a montré en novembre dernier qu’au moins quatre personnes, volontaires dans le cadre d’une grande étude sur le cancer du poumon, présentaient dès octobre des anticorps au Sars-Cov2. Ce qui suggérerait une infection dès le mois de septembre.

Pour l’un des co-auteurs de l’étude, Giovanni Apolone, directeur de l’INT, qui s’exprimait auprès de Reuters, “cela veut dire que le nouveau coronavirus a pu circuler au sein de la population avec un faible taux de létalité, non pas parce qu’il était en train de disparaître, mais plutôt pour mieux réapparaître”.

Des conclusions qui bousculent légèrement les conclusions d’un rapport datant de mai 2020 de l’Imperial College en collaboration avec l’OMS et qui faisaient ainsi remonter “l’ancêtre commun” du virus au 5 décembre (avec une marge d’incertitude entre le 6 novembre et le 13 décembre). “C’est normal qu’un nouveau virus circule sans être détecté pendant des semaines avant d’être découvert”, soulignait alors auprès de l’AFP, l’épidémiologiste de l’Imperial College, le Dr Erik Volz.

Le pathogène en question

Sans pour autant parler d’une circulation intense à bas bruit, Franck Perez comme Jacqueline Marvel concèdent également qu’il est fort possible que des cas isolés de nouveau coronavirus aient circulé en Europe avant décembre. De plus en plus, les curseurs se dirigent vers le mois de novembre. 

“J’ai des doutes sur une éventuelle origine très ancienne de ce virus parce qu’il a quand même démontré une importante capacité à créer des clusters. Ça se serait vu, notamment dans les Ehpad. Même en portant des masques et en appliquant les gestes barrières, il a continué à se propager”, estime Franck Perez.

“On sait que c’est un virus sensible aux conditions climatiques et à l’hydrométrie, peut-être que ce sont des paramètres qui ont empêché une large infection avant. Il n’est pas impossible non plus que des sources moins pathogènes aient faiblement circulé parmi nous avant”, précise-t-il, évoquant également une étude de mai 2020 publiée dans Nature par des chercheurs australiens et britanniques entre autres. 

Celle-ci évoquait alors l’idée que la mutation pathogène ayant entraîné la pandémie actuelle se serait produite après une première contamination zoonotique à l’homme. Concrètement, un animal aurait transmis le Sars-Cov2 à une personne sans que le virus ne soit alors transmissible entre humains ou ne puisse se répliquer massivement. Ce n’est qu’après cette première transmission que le virus aurait muté pour devenir pathogène.

Pour Jacqueline Marvel, c’est en tout cas l’argument de la saisonnalité qui doit pousser à approfondir les recherches du côté de Wuhan. “On ne peut pas dire que l’épidémie a démarré un an avant car il serait surprenant que le virus soit resté latent aussi longtemps. En revanche, il y a des chances que le patient zéro en France ait émergé à l’automne et soit passé inaperçu”, explique l’immunologiste. À Pékin, ce sont d’abord des lanceurs d’alerte qui ont tiré l’alarme avant les pouvoirs publics, même si “entre temps les échanges entre la Chine et le reste du monde ont continué”. 

Retour à Wuhan

Or, comme l’a reconnu dans une interview à ScienceMag le docteur Peter Ben Embarek, qui dirigeait l’équipe de scientifiques de l’OMS envoyés en Chine, tout tend à montrer que le virus circulait dans la région de Wuhan avant les premiers cas officiellement détectés.  

“Il est maintenant clair qu’au cours de la deuxième quinzaine de décembre [2019], le virus a largement circulé à Wuhan. La contribution du marché à cette époque n’était plus si importante car le virus circulait également ailleurs dans la ville (...) Mais tout indique une introduction dans la population humaine de cette région entre octobre et début décembre 2019 - probablement fin novembre, peu de temps avant que les premiers cas soient découverts. Mais la voie d’introduction reste un mystère”, a-t-il ainsi expliqué rappelant que Wuhan est par ailleurs un hub important en matière de transports et d’échanges internationaux. 

Avant que la mission de l’OMS ne commence, les scientifiques chinois avaient identifié entre octobre et décembre 72.000 de ces cas, dont une partie pourrait être des cas de Covid-19.

Après y avoir appliqué une série de critères, ils avaient fini par établir une liste de seulement 92 cas méritant selon eux d’être examinés pour savoir s’ils ont pu être des cas de contamination par le coronavirus. 67 d’entre eux ont donné lieu à des tests sérologiques qui se sont tous avérés négatifs au Covid. Or, déplore Peter Ben Embarek, il n’a pas pu obtenir d’explication sur les différents critères qui avaient permis de descendre de 72.000 à 92 cas. 

C’est donc en toute logique qu’à l’issue de sa visite, l’OMS a encouragé Pékin à faire de nouvelles et plus amples analyses sur des échantillons sanguins datant d’avant décembre 2019. 

À voir également sur Le HuffPost: Covid-19: Pourquoi les anticorps monoclonaux ne remplaceront pas les vaccins