La pandémie de Covid-19 aurait dû être évitée, voici comment empêcher les suivantes
SCIENCE - Le monde entier a, collectivement, très mal géré l’émergence du coronavirus et n’est pas prêt pour une future pandémie. C’est le constat d’un rapport d’experts indépendants mandatés par l’OMS, publié ce mercredi 12 mai.Les experts...
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SCIENCE - Le monde entier a, collectivement, très mal géré l’émergence du coronavirus et n’est pas prêt pour une future pandémie. C’est le constat d’un rapport d’experts indépendants mandatés par l’OMS, publié ce mercredi 12 mai.
Les experts y affirment que la pandémie de Covid-19 “aurait pu être évitée”, évoquant un véritable “Tchernobyl du XXIe siècle” et réclamant d’urgence de vastes réformes des systèmes d’alerte et prévention dans l’espoir que cette pandémie “soit la dernière”.
“La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui aurait pu être évitée”, a déclaré l’une des coprésidentes de ce panel, Ellen Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Liberia.
Le constat est sévère, mais les experts ne rejettent clairement pas la faute sur un bouc émissaire, contrairement à Donald Trump qui accusait tantôt la Chine, tantôt l’OMS. “Nous comprenons que les gens soient en colère et bouleversés (...) mais il n’y a pas un seul individu ou nation responsable”, a dit Ellen Johnson Sirleaf. “Cette situation est due à une myriade d’échecs, de lacunes et de retards dans la préparation et la réponse”.
“Cocktail toxique”
Le rapport le souligne aussi: “il est clair que la combinaison de mauvais choix stratégiques, d’un manque de volonté de s’attaquer aux inégalités et d’un système manquant de coordination a créé un cocktail toxique qui a permis à la pandémie de se transformer en une crise humaine catastrophique”.
Institué par le directeur général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus en application d’une résolution adoptée en mai 2020 par les États membres de l’organisation, le panel indépendant, constitué de 13 personnalités et experts, a passé les huit derniers mois à étudier la riposte internationale à la pandémie, y compris de l’agence sanitaire.
Car depuis le début de la crise, l’OMS a été critiquée pour ses réponses à la crise, tardant notamment à recommander le port du masque. Surtout, elle a été accusée par les États-Unis d’avoir été extrêmement complaisante avec la Chine, où est apparu le coronavirus, et d’avoir tardé à déclarer l’état d’urgence sanitaire mondiale. La Chine quant à quant à elle été accusée d’avoir essayé de camoufler l’épidémie.
Certes, “nous pouvons dire qu’il y a eu clairement des retards en Chine, mais il y a eu des retards partout”, a commenté l’ancienne Première ministre de la Nouvelle-Zélande Helen Clark, qui copréside le groupe d’experts. “Alors que les informations commençaient à arriver à l’OMS, l’organisation n’était manifestement pas suffisamment habilitée à enquêter, puis confirmer rapidement qu’une épidémie dangereuse était en train de se produire”, a-t-elle observé.
Le constat est plus qu’amer: “Pendant que le virus se propageait, les informations s’entassaient et les décisions étaient retardées dans l’attente de réponses à de laborieux échanges de courriels officiels”.
Le “mois perdu” de février
En définitive, “trop de temps s’est écoulé” selon les experts entre la notification des 1ers cas dans la deuxième quinzaine de décembre 2019 et la déclaration, le 30 janvier par l’OMS, d’une urgence de santé publique de portée internationale, le plus haut niveau d’alarme.
Pour les experts, cette déclaration aurait pu être faite au moins dès la 1ère réunion du comité d’urgence de l’OMS le 22 janvier. Ce n’est que le 11 mars, lorsque le Dr Tedros a qualifié la situation de pandémie, que les capitales ont véritablement pris la mesure du danger.
À cet égard, février 2020 a été un “mois perdu” durant lequel bon nombre de pays auraient dû agir. “Retards, hésitations et dénis” ont permis à l’épidémie, puis à la pandémie d’éclore, conclut le rapport.
En finir avec le Covid-19...
Le groupe d’experts recommande aux gouvernements et à la communauté internationale d’adopter sans délai un ensemble de réformes visant à transformer le système mondial de préparation, d’alerte et de réponse aux pandémies.
Objectif: stopper le Covid-19, mais surtout se préparer pour les prochaines pandémies, inévitables, afin de les étouffer dans l’œuf.
Deux milliards de doses
Les pays à revenu élevé ayant une filière de développement de vaccins pour une couverture significative devraient, parallèlement à l’intensification de leur production, s’engager à fournir plus de deux milliards de doses de vaccins d’ici mi-2022, dont au moins un milliard d’ici septembre, aux 92 pays à revenu faible ou intermédiaire bénéficiant du système de distribution Covax.
Ultimatum sur la propriété intellectuelle
Les principaux pays producteurs de vaccins et les fabricants devraient se réunir, sous les auspices conjoints de l’OMS et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour convenir de l’octroi de licences volontaires et de transferts de technologies afin d’augmenter la production et résorber la pénurie.
Si aucune mesure en ce sens n’est prise dans un délai de trois mois, une renonciation aux droits de propriété intellectuelle “devrait entrer en vigueur immédiatement”.
Le G7 doit payer
Le G7 devrait s’engager immédiatement à fournir 60% des 19 milliards de dollars nécessaires en 2021 au dispositif international chargé d’accélérer l’accès aux outils de lutte contre le Covid (Accélérateur ACT).
Et une formule de partage des charges devrait être adoptée pour assurer un financement continu de ces biens publics mondiaux (vaccins, produits de diagnostic, traitements...)
... et préparer les pandémies suivantes
Un organe mondial de lutte
Les experts proposent de créer un Conseil mondial de lutte contre les menaces sanitaires qui serait “chargé de maintenir l’engagement politique à l’égard de la préparation et de la réponse aux pandémies et de la responsabilisation des différents acteurs, notamment par un suivi et un contrôle mutuel”.
Les pays devraient également adopter une Convention-cadre sur la pandémie au cours des six prochains mois.
Une OMS libre et transparente
Ils demandent la mise en place d’un nouveau système mondial de surveillance fondé sur une “transparence totale”. Ce système donnerait à l’OMS le pouvoir de publier immédiatement des informations sur les épidémies susceptibles de donner lieu à une pandémie.
L’OMS n’aurait pas à demander d’approbation et pourrait dépêcher des experts afin de procéder à des investigations sans délai. L’OMS doit aussi pouvoir fixer des objectifs mesurables pour évaluer les capacités nationales de réponse aux pandémies.
Renforcer l’autorité de l’OMS
Les experts appellent aussi à renforcer le financement de l’OMS, notamment en élaborant un nouveau modèle de financement pour mettre un terme aux fonds spécifiques et augmenter les cotisations des États membres (deux tiers).
L’autorité et l’indépendance du directeur général de l’organisation doivent aussi être renforcées, notamment par un mandat unique de sept ans sans possibilité de réélection (contre un mandat actuel de 5 ans reconductible). La même règle devrait être adoptée pour les directeurs régionaux.
Mécanisme mondial de financement
Créer un Mécanisme international de financement en cas de pandémie, qui aurait la capacité de mobiliser des contributions à long terme (10 à 15 ans) d’environ 5 à 10 milliards de dollars par an pour financer la préparation permanente.
Il serait également prêt à dépenser rapidement entre 50 et 100 milliards de dollars en anticipant les futurs engagements en cas de déclaration de pandémie. Le Conseil mondial de lutte contre les menaces sanitaires allouerait et surveillerait le financement des institutions qui sont en mesure de soutenir le renforcement des capacités de préparation et d’intervention.
À voir également sur Le HuffPost: Ce graphique commenté rappelle comment le Covid-19 a écrasé toute la planète en 2020