“La Petite Sirène”, le naufrage sympathique de la princesse Disney
Mouillez-vous la nuque et plongez dans le dernier des “Disney live”, surnom désormais installé pour désigner les remakes en prises de vues réelles de classiques d’animation du studio (le terme étant lui-même un vocable maison assez dévoyé puisqu’il...
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Mouillez-vous la nuque et plongez dans le dernier des “Disney live”, surnom désormais installé pour désigner les remakes en prises de vues réelles de classiques d’animation du studio (le terme étant lui-même un vocable maison assez dévoyé puisqu’il désigne tous les longs-métrages sortis en salle, mettant à égalité Blanche-Neige et Vaiana dont le remake est déjà en route).
En moins d’une décennie, Disney a déjà couvert une partie conséquente de son catalogue, même si les films, à quelques exceptions près (Le Livre de la jungle, Le Roi Lion, La Belle et la bête), se sont tout aussi rapidement fait oublier (et tant mieux pour la plupart : Aladdin…). Ce n’est pas un problème pour le studio tant que l’essentiel est là : un milliard de recettes couramment engrangées par ces produits capitalisant sur la notoriété monstre de leurs modèles.
Ratage
Des problèmes esthétiques variables se posent néanmoins à ces projets, et le plus épineux de tous réside peut-être bien dans le tableau aquatico-féerique de La Petite Sirène, sans doute le moins conciliable de tous les Disney avec le principe zooréaliste érigé en loi d’airain (saura-t-on jamais pourquoi ?) à l’ère des remakes live.
Pour la bonne et simple raison que personne n’a envie de voir une sirène réaliste : une sirène dessinée, c’est de la féerie ; une sirène réaliste, c’est de la pêche au gros. Le film de Rob Marshall se heurte à cette terrible réalité sans autre choix que de faire avec. “Sous l’océan” ne se cache plus le merveilleux carnaval idéalisé par la chanson, mais un monde sous-marin tangible, c’est-à-dire froid, flasque, et surtout dépourvu du moindre personnage apte à susciter en nous une réelle empathie. Le drame de la transition réaliste frappe le plus durement du côté de Polochon, atout cute du dessin animé de 1989, gollum honteux du remake de 2023.
Une seule solution se propose vraiment au film, qui semble l’adopter en toute conscience : la décontraction de série Z, qui guide manifestement un certain nombre de choix de mise en scène au ridicule revendiqué.
Nostalgie
À défaut d’être réussi, La Petite Sirène y gagne une certaine sympathie. Bardem en roi des océans, barbe grise et sale de beach bum californien, couvert de breloques à la Jack Sparrow, pointant son trident vers le château du prince Éric dans un petit bain de vaguelettes lui léchant les poils du torse, perdu seul au milieu d’un cadre très large sans CGI, puis isolé par un zoom gauche et imprécis : il y a un charme de giallo, et une ironie à laquelle le rire ne résiste pas.
De cette choucroute de la mer arrive tout de même à émerger ici et là le romantisme flamboyant du modèle, qui tient peut-être avec Partir là-bas un des plus vibrants numéros musicaux de tout le catalogue Disney. C’est un miracle que sa force subsiste, qui tient peut-être à ce qui sous-tend finalement bien commodément tous ces remakes : la béquille de la nostalgie, autorisant des degrés sans cesse rehaussés de ratage.
La Petite Sirène de Rob Marshall en salle le 24 mai