La résistance afghane fera-t-elle le poids face aux Talibans?

Ils sont deux, issus de la même région, le Panchir et de la même ethnie tadjike, l’un a pour lui une longue expérience à la tête des services de sécurité afghans et l’autre l’héritage d’un père devenu une icône de la lutte contre les Talibans....

La résistance afghane fera-t-elle le poids face aux Talibans?

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Amrullah Saleh à gauche, au palais présidentiel de Kaboul, le 4 août 2021, et Ahmad Massoud à droite dans les rues de Kaboul en septembre 2019. (Photos Getty images)

Ils sont deux, issus de la même région, le Panchir et de la même ethnie tadjike, l’un a pour lui une longue expérience à la tête des services de sécurité afghans et l’autre l’héritage d’un père devenu une icône de la lutte contre les Talibans. Ils divergent aujourd’hui sur la stratégie, mais seront condamnés à s’entendre: Ahmad Massoud et Amrullah Saleh incarnent d’ores et déjà la résistance armée au nouveau régime.  

Alors que la griffe des Talibans se resserre sur l’Afghanistan et près de vingt ans jour pour jour après l’assassinat de son père, Ahmad Shah Massoud, tué le 9 septembre 2001 par des terroristes d’al-Qaïda recrutés en Belgique et commandités par Oussama Ben Laden, Ahmad Massoud, âgé de 31 ans, se livre à une démonstration de force destinée aussi bien aux Talibans qu’à d’éventuels soutiens occidentaux dans la vallée du Panchir, qui fut, dans les années où son père résistait -d’abord aux Soviétiques (1979-1989) puis aux milices islamistes radicales (1989-1994) et enfin aux Talibans (1994-2001)- le fief de celui que l’on surnommait alors “le Lion du Panchir”. 

Le Front National de la Résistance, conscient des rapports de forces qui lui sont défavorables, n’entend pas se lancer à l’assaut de la capitale et se contente, pour le moment, de réclamer un système fédéral.

 

L’élimination d’Ahmad Shah Massoud, deux jours avant les attentats du World Trade Center et du Pentagone, était un “cadeau” d’al-Qaïda au régime en place à Kaboul qui le protégeait depuis plusieurs années. Oussama Ben Laden avait bien anticipé la tempête qui allait se lever après le 11 septembre et, éliminant le principal chef de guerre opposé aux Talibans, misait sur le code de l’honneur pachtoune qui leur interdirait de le livrer aux Américains. Son calcul était juste: les Talibans ne cédèrent pas et, le 7 octobre 2001, débutaient l’Opération Enduring Freedom-Afghanistan (OEF-A) et, par la même occasion, la plus longue guerre menée à ce jour par les États-Unis et l’Otan. 

Vingt ans plus tard, alors que l’offensive éclair des Talibans a fait chuter, dans un Blitz final de dix jours, le régime faible et corrompu en place à Kaboul, et que les Talibans imposent leur pouvoir sur le pays, l’histoire semble balbutier et c’est dans la même vallée du Panchir que le fils du défunt commandant Massoud entend incarner la résistance à la tête du Front National de la Résistance (FNR).  

Dans une entrevue à l’AFP, le porte-parole du Front, Ali Maisam Nazar, déclarait le 21 août que son organisation se préparait à un “conflit de longue durée”. La même agence a pu filmer quelques-uns des 9000 combattants qui seraient regroupés dans la vallée et leur équipement. 

Mais alors que l’opposition s’est affichée, jusqu’à présent, par de petites manifestations à Jalalabad (où au moins 5 personnes auraient été abattues lorsque les milices talibanes ont ouvert le feu sur quelques centaines de protestataires) et à Kaboul, où des femmes se sont rassemblées pour réclamer la possibilité de continuer à travailler et défendre des droits qui sont l’un des principaux acquis de ces vingt années de guerre, la démonstration des combattants d’Ahmad Massoud fils permet de tester “l’ouverture” que les Talibans prétendent aujourd’hui vouloir défendre. 

Le FNR, conscient des rapports de forces qui lui sont défavorables, n’entend pas se lancer à l’assaut de la capitale et se contente, pour le moment, de réclamer un système fédéral: “la décentralisation” et “un système qui garantisse la justice sociale, l’égalité, les droits et la liberté pour tous”

La division des forces ayant toujours été un “exercice” dans lequel excellaient les dirigeants modérés afghans, le principal concurrent de Massoud sera Amrullah Saleh, ancien vice-président, qui fut, de 2004 à 2010, le chef du NDS (National Directorate Of Security), les services de renseignement et de sécurité afghans et, à ce titre, l’un des plus farouches opposants aux Talibans. 

Les deux hommes sont pourtant relativement proches: Saleh, aujourd’hui âgé de 48 ans, fut un membre de l’Alliance du Nord et un proche de Massoud père. Mais ceci ne les empêche pas de diverger sur la stratégie à adopter: l’ancien chef de la sécurité est également un ennemi déclaré du Pakistan qu’il accuse, non sans raisons, d’être le principal soutien des Talibans alors que Massoud souhaite aujourd’hui ménager Islamabad qui, depuis des décennies, tire les ficelles dans les coulisse afghanes. 

Si Ahmad Massoud est une figure respectée dans le Panchir, son jeune âge et son manque de soutiens en dehors de sa région en font un homme qu’il est difficile d’imaginer à la tête d’une résistance réellement nationale -rendue de plus particulièrement difficile par la nature multi-ethnique du pays. Amrullah Saleh, en revanche, jouit d’une influence qui dépasse la minorité tadjike: il peut compter, dans tout le pays, sur une partie des anciens réseaux des services de renseignement et a une bonne image à l’étranger. À la tête du NDS, il a forgé des contacts de poids avec les services de renseignement américains, britanniques, français et allemands et s’est fait apprécier non seulement dans la lutte contre les Talibans et les réseaux terroristes internationalistes présents sur le sol afghan mais également par ses prises de position contre la corruption endémique qui explique, en partie, le peu d’empressement de l’ANA (Armée Nationale Afghane) à combattre ces dernières semaines, menant à la chute de Kaboul. Enfin, les diplomates afghans en poste à  l’étranger qui ont refusé de se rallier au nouveau régime le reconnaissent comme le nouveau président “par intérim” du pays. 

 

Si, comme c’est probable, les Talibans refusent de négocier, ils n’auront d’autre choix que de passer à l’offensive.

 

Par ailleurs, les deux hommes devront, de toute façon, s’entendre pour partager l’éventuel soutien en armes et en moyens humanitaires qui pourrait être envoyé vers le Panchir si le choix est fait de soutenir l’opposition armée. 

Dans un 1er temps, leur objectif est “modeste”: sanctuariser le Panchir pour y protéger la population et les milliers de réfugiés intérieurs qui y affluent pour fuir le nouveau pouvoir. Mais si, comme c’est probable, les Talibans refusent de négocier, ils n’auront d’autre choix que de passer à l’offensive. 

Or, au vu des événements de ces dernières semaines dans les zones contrôlées par les Talibans, et de ces derniers jours à Kaboul, où une véritable chasse a été lancée contre les anciens hauts fonctionnaires du régime, les membres des services de sécurité, les intellectuels, les journalistes et les militantes féministes, il est plus que permis de douter de la “bonne volonté” affichée par les nouveaux maîtres de l’Afghanistan. Rien n’indique que les armes soient prêtes à se taire. 

 

À voir également sur Le HuffPost: À Kaboul, les prières du vendredi se déroulent sous les yeux des talibans armés