La santé des femmes avancera seulement si nous les écoutons vraiment - BLOG

FEMMES —Les langues se délient au sujet de nombreux maux, longtemps passés sous silence. Règles douloureuses, ménopause, trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), douleurs vulvaires chroniques: les femmes causent… Mais nous ne les écoutons pas!...

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Devant le mépris qu’on leur oppose, les femmes se tournent vers des alternatives. Puisqu’elles ne sont pas toujours bien traitées par les médecins, elles affluent en grand nombre dans les cabinets de praticien·ne·s de médecines alternatives. Ici, elles sont écoutées.

FEMMES —Les langues se délient au sujet de nombreux maux, longtemps passés sous silence. Règles douloureuses, ménopause, trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), douleurs vulvaires chroniques: les femmes causent… Mais nous ne les écoutons pas! L’imaginaire de l’hystérique subsiste encore aujourd’hui et heurte la prise en charge. Tout est dans la tête. Elles exagèrent. Pourtant, tant que nous continuerons collectivement à sous-estimer leurs douleurs, nous ne pourrons pas agir efficacement. Il faut les écouter — et les croire!

La négation des souffrances féminines et leur psychologisation freinent la parole, ainsi que la prise de conscience des problèmes existants. Si on dit plusieurs fois à une patiente qu’on ne peut rien faire pour les bouffées de chaleur qui l’empêchent de dormir, que c’est normal, elle arrêtera d’en causer. On considèrera le problème réglé — à tort! Si une femme se plaint de grosses phases de dépression juste avant ses règles, et qu’on lui prescrit des antidépresseurs, sans interroger le rapport aux menstruations, on ignore le symptôme d’un mal plus large: le TDPM, une forme sévère du SPM (syndrome prémenstruel). Ces situations sont nombreuses et se répètent. Nous finissons par sous-estimer l’occurrence de ces pathologies. Les femmes en viennent à douter de leurs sensations. Ces pathologies existent-elles vraiment? Certain·e·s médecins vous diront que non! Et, si nous n’y croyons pas, nous n’agirons pas: pas de recherche ni de connaissance; pas de formation des médecins ni d’information des patientes. C’est un cercle vicieux qui s’installe, qui perpétue une vision des femmes malades comme simplement anxieuses et dépressives.

La psychologisation s’applique à de nombreuses pathologies et cela cause des morts. Dans un récent documentaire “Femmes: les oubliées de la santé” réalisé par Véronique Préault et diffusé sur France 5, on apprend que même leurs crises cardiaques sont sous-diagnostiquées, en partie car elles seraient confondues avec des crises d’angoisse. Une confusion qui tue: 200 décès de femmes par jour, selon le Pr Claire Mounier-Vehier.

Des hystériques douillettes archistressées?

Mais non, nous ne sommes pas juste des hystériques douillettes archistressées. Il se passe des choses dans nos corps, dont nous ne connaissons rien. La recherche est en retard. En faisant un détour sur Pubmed (grand moteur de recherche d’articles médicaux), on a le loisir de découvrir plus de 26 .000 sources dédiées aux troubles érectiles. Sur le TDPM, on tombe à 1000 (qui toucherait une proportion de femmes jusqu’à 8%*). Puis, on descend à 910 études sur la vulvodynie (syndrome douloureux de la vulve, qui concerneraient jusqu’à 16% des femmes**). Enfin, on désespère: 430 sources sur le vaginisme (qui concernerait pourtant jusqu’à 17% des femmes***). La santé sexuelle des femmes, le parent pauvre d’une santé féminine déjà maltraitée.

Bien sûr, une part croissante de professionnel·le·s de santé et de la recherche se saisissent de ces sujets — j’en connais plein et je travaille avec! Ils font en sorte que les choses bougent et que les patientes soient bien accueillies, bien traitées et bien informées. Il y a quelques années, par exemple, l’endométriose était une pathologie inconnue du grand public. Grâce à l’engagement de certain·e·s spécialistes, mais aussi à des associations actives et à la prise de parole massive des patientes, le sujet avance et s’est fait une belle place parmi les sujets de santé féminine. Mais cela change bien lentement pour les principales intéressées, à qui on ne sait toujours pas expliquer les causes et qui se voient proposer des options de traitement limitées. En France, c’est la pilule et/ou l’opération. Pour celles qui ne supportent pas la pilule, c’est la tuile. Alors, on choisit le moins pire? 

Il est justement là, le deuxième problème: le manque d’options proposées pour traiter certaines pathologies, ainsi que l’infantilisation de celles qui s’insurgent de ne pas avoir le choix. Nous n’écoutons pas les plaintes des femmes qui ne supportent pas certains traitements. Pire, nous leur intimons de s’estimer heureuses: au moins, elles ont une solution! Tant pis pour celles qui devront vivre avec des troubles émotionnels, des troubles de la libido, et j’en passe. Ce serait un caprice d’exiger mieux. Alors, oui, en tant que patientes, nous devons savoir accepter une solution proposée, s’il en existe une qui puisse vraiment améliorer notre santé. À un moment, d’ailleurs, la pilule a été une avancée pour toutes les femmes. Mais aujourd’hui, avec tout ce que nous savons, est-ce vraiment suffisant? À une époque où notre capacité à créer de la connaissance n’a jamais été aussi grande, il m’est impossible de croire que nous soyons contraint·e·s de nous contenter de solutions que les principales intéressées jugent imparfaites.

Les alternatives

Devant le mépris qu’on leur oppose, les femmes se tournent vers des alternatives. Puisqu’elles ne sont pas toujours bien traitées par les médecins, elles affluent en grand nombre dans les cabinets de praticien·ne·s de médecines alternatives. Ici, elles sont écoutées. Elles se tournent aussi vers de nouvelles options, qui viennent d’associations de patientes, ou de nouvelles entreprises, des startups de la FemTech (les startups dédiées à la santé féminine, dont mon entreprise fait partie) qui construisent des solutions en partenariat avec les patientes qu’elles veulent aider. Ici, nous les écoutons.

Aux personnes du milieu médical qui s’insurgent du clientélisme en croissance: écoutez vos patientes, informez-les et accordez-leur du crédit. Pour de vrai! C’est ainsi que vous gagnerez leur confiance, et que vous leur permettrez de vous causer. En retour, vous réaliserez l’étendue des maux à soulager, et saurez rendre accessibles vos conseils experts.  

Aux politiques qui définissent nos stratégies de santé publique: les patientes sont souvent expertes de leur propre corps et de leurs pathologies. Intégrez-les dans vos réflexions. D’ailleurs, pourquoi ne pas s’inspirer du gouvernement britannique qui a ouvert un appel à contributions publiques pour la définition des grandes lignes de sa Stratégie sur la Santé des Femmes. 14 semaines de consultation ouverte et d’appels à témoignages, pour construire une politique de santé innovante! 

Et à mes collègues de la FemTech: bravo pour le travail accompli! Continuons à libérer la parole et à écouter ces personnes qui ne se sentent pas entendues. Nous passons à l’action, souvent parce que nous avons nous-mêmes vécu ces situations médicales difficiles. Mais surtout, nous agissons après avoir écouté et donnons de l’importance aux maux des femmes qui osent enfin causer!

Agir, oui. Mais surtout, écouter d’abord!
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* Bianchi-Demicheli, F. & Abraham, G. (2004). Approches psychothérapiques dans des troubles gynécologiques fonctionnels. Psychothérapies, 1 (1), 33-38. https://doi.org/10.3917/psys.041.0033

** Cantin-Drouin M., Damant D. & Turcotte D. (2008), Une recension des écrits concernant la réalité psychoaffective des femmes ayant une vulvodynie: Difficultés rencontrées et stratégies développées. Pain Res Manag. 2008 May-Jun; 13 (3): 255–263

***Lahaie, M.-A., Boyer, S. C., Amsel, R., Khalifé, S., & Binik, Y. M. (2010). Vaginismus: A Review of the Literature on the Classification/Diagnosis, Etiology and Treatment. Women’s Health, 705–719.

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