La vie n’est pas un contrôle continu permanent - BLOG
BACCALAURÉAT - Bac 2021. Maintenir les épreuves, dont le grand oral, ou tout annuler au profit du contrôle continu? La question récemment posée par les représentants du CAVL* de Paris via un sondage dont les résultats ont été transmis à Jean-Michel...
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BACCALAURÉAT - Bac 2021. Maintenir les épreuves, dont le grand oral, ou tout annuler au profit du contrôle continu? La question récemment posée par les représentants du CAVL* de Paris via un sondage dont les résultats ont été transmis à Jean-Michel Blanquer, me semble légitime dans le contexte actuel. Mais elle en amène une autre: et si les examens en présentiel constituaient des rites de passage indispensables?
Brevet des collèges, baccalauréat, soutenance de mémoire… Qui a oublié ces moments clés de l’existence? Le Bac, pour moi, c’était il y a 30 ans, et ce souvenir demeure intact. Il n’a pas bougé dans ma mémoire, car il représente le plus gros échec de ma vie. Un épisode douloureux — j’ose le dire: traumatisant — qui m’a poursuivi des années durant. Démunie face au stress de l’épreuve, submergée par mes émotions, angoissée, j’ai échoué la 1ère fois. Et pourtant, ce moment a été décisif dans ma vie. Mieux: il en a dessiné les contours, lui a donné un sens, une direction. C’est parce que j’ai échoué à ce moment-là que j’ai découvert, dans une démarche thérapeutique, la sophrologie. C’est parce que j’ai échoué à ce moment-là que j’en suis là où j’en suis aujourd’hui. Autant dire que les questions posées par les lycéens quant au maintien des épreuves du Bac 2021 dans les conditions actuelles ne me laissent pas indifférente. Mais aussi toutes celles que se posent les autres étudiants: candidats au BTS, à l’agrégation, aux concours, aux masters et autres diplômes…
Une année singulière
Ainsi, je me suis donc penchée sur les questions proposées dans ce sondage, et une, a particulièrement attiré mon attention : est-ce que pour les jeunes, cette année a été plus difficile que l’année dernière ? La réponse est oui. La sidération, l’inédit du confinement version 2020, ont laissé place, en 2021, à la lassitude, la résignation, à la perte de sens parfois. Et que dire du poids que représente le manque de lien social à long terme ? Les étudiants sont épuisés moralement. Et on les comprend.
Alors pourquoi venir leur rajouter une source de stress supplémentaire avec des examens qui pourraient très bien être annulés ? Le bon sens, la bienveillance, l’empathie, voudraient que l’on penche pour cette option. Qu’on les délivre de cette difficulté supplémentaire.
Or, le ministre a aménagé les épreuves sans pour autant les annuler. Et sans doute, a-t-il eu raison.
Un rite de passage
Il a eu raison, car la responsable de formation que je suis est convaincue que dans un cursus d’apprentissage, l’examen représente un rite essentiel, qui permet d’acter le passage d’un statut à un autre.
Grâce à un ensemble de comportements symboliques, de mises en situation (consignes communes, exposé devant un jury, présentation de sa pièce d’identité, copie retournée, temps limité, attente des résultats, etc.), cette transition est « publiquement » marquée, et c’est en cela qu’elle fait sens, qu’elle devient initiatique.
Comme pour tout rite de passage, se préparer à vivre la difficulté, l’affronter, et parfois être capable de s’adapter en cas d’imprévu, sont des étapes nécessaires pour pouvoir « valider » ce changement de statut. Aux yeux des autres d’abord, mais aussi vis-à-vis de soi.
Un défi à soi-même
Car que serait l’obtention d’un certificat, d’un diplôme, sans le sentiment d’avoir réussi à se dépasser soi-même ? Prenons une classe ou un groupe d’élèves. Tous ne sont égaux dans le temps qu’ils vont mettre à apprendre les choses. En cela, le contrôle continu a ses vertus : il permet d’évaluer l’avancement de l’apprentissage.
En revanche, ce que permet de valider l’examen final, c’est le fait qu’à un instant T, les compétences soient acquises par tous. Peu importe le rythme de chacun pendant une année, un cycle, une formation. Se préparer pour se présenter devant un jury, à l’oral, comme à l’écrit, représente un défi, qui, lorsqu’il est relevé, permet de se prouver des choses, de passer « de l’autre côté de soi », c’est-à-dire de se découvrir aussi sous une autre facette. Il s’agit de valider ses acquis, ses compétences pures, mais aussi de se confronter à sa propre personnalité.
En cela, vivre un examen est une bonne expérience pour éprouver sa gestion émotionnelle, car dans la vie, qui n’est pas un contrôle continu permanent, il existe des tas de moments où l’on doit être capable, à l’instant T, de montrer ce que l’on sait, mais aussi qui l’on est.
Un mixte intéressant
Parce que nous ne sommes pas tous égaux face à notre Quotient Émotionnel, c’est-à-dire la façon dont nous gérons nos émotions, et que le stress peut inhiber nos capacités, réussir à le surmonter ou échouer le jour J, constitue un bon exercice pour se confronter à soi-même et travailler l’estime de soi. Ce jour se transforme alors en « 1er jour du reste de sa vie », et permet de prendre conscience de la fin d’un cycle, de l’ouverture vers autre chose. On change d’identité, et parfois cela transforme même notre personnalité. En somme : on évolue.
Avec le recul, ou bien si comme dans un jeu d’enfants, l’on me demandait aujourd’hui ce que j’aimerais faire disparaître avec une baguette magique, je ne choisirais pas, pour ce qu’il m’a apporté, d’effacer le jour où j’ai échoué au bac.
Mais dans ce contexte actuel, sans pour autant opposer examen en présentiel et contrôle continu, car il y a du positif dans les deux, les combiner, me semble être une bonne option à défendre.
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*Conseil Académique de la Vie Lycéenne
À voir également sur Le HuffPost: En pleine pandémie, ces lycéens ne veulent pas des examens en présentiel