L’actrice Vahina Giocante réagit à la lettre d’Adèle Haenel et apporte son propre témoignage
La force de frappe de la lettre ouverte d’Adèle Haenel publiée dans Télérama le 10 mai provoque déjà des ondes de choc dans le milieu du cinéma français. Comme Adèle Haenel, Vahina Giocante a fait ses débuts au cinéma à un très jeune âge, puisqu’elle...
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La force de frappe de la lettre ouverte d’Adèle Haenel publiée dans Télérama le 10 mai provoque déjà des ondes de choc dans le milieu du cinéma français. Comme Adèle Haenel, Vahina Giocante a fait ses débuts au cinéma à un très jeune âge, puisqu’elle est repérée à 14 ans pour Marie Baie des Anges de Manuel Pradal (1994), avant d’enchaîner les rôles dans les années 2000 (dont Pas de scandale de Benoît Jacquot). Dans un post publié sur Instagram, elle apporte son soutien au témoignage vibrant d’Adèle Haenel, et explique qu’il est temps pour elle de prendre la parole : “Si à présent sa décision est de se retirer dans le silence alors mon devoir et notre devoir à tous est de se mettre à causer à prendre le relais sans honte, ni peurs ni reproches. Témoigner avec simplicité notre vérité même si elle est difficile à entendre.”
“La force de la vérité nue”
Le témoignage de Vahina Giocante sur son parcours de jeune actrice met en lumière la double violence à laquelle elle fut confrontée : victime d’inceste jusqu’à ses 11 ans, elle porte plainte contre son père à l’âge de 17 ans, tandis que le monde du cinéma ne cessera de la confronter à un système de domination oppressif.
Elle souligne ainsi que son cas n’est pas isolé mais participe bien d’un système entier : “Comme elle aussi [Adèle Haenel] et comme tant d’autres j’ai été sexuellement abusée enfant à la différence que c’était par mon père. J’ai découvert ce que c’est que l’inceste aussi tôt que mes souvenirs commencent jusqu’à mes 11 ans.”
À 17 ans, elle entame un long combat judiciaire alors qu’elle continue de multiplier les tournages : “J’enchaînais les tournages et en parallèle je portais plainte contre lui à l’âge de 17 ans pour protéger mes plus jeunes sœurs (je n’ai réussi à en épargner qu’une sur deux). La machine judiciaire était en marche et les expertises psychiatriques, les confrontations devant le juge et l’audience s’intercalaient entre deux promotions. Il fut condamné ‘coupable’. Une certaine reconnaissance mais pas vraiment de soulagement , la vérité a un prix : celle de perdre une partie des gens qu’on aime et qui refuse l’évidence !”
Toute l’énergie accordée à ce combat ne fait alors qu’accentuer la violence du milieu du cinéma exercée sur les jeunes actrices : “Sourire devant la caméra, faire le show et plaire, toujours plaire. Finalement faire perdurer l’abus et ne pas s’appartenir … Toujours pas …”
Mettre à terre un système de domination
Tout comme le témoignage d’Adèle Haenel (à la fois sa lettre ouverte, mais aussi l’enquête de Médiapart de 2019, dans laquelle elle accusait le réalisateur Christophe Ruggia d’harcèlement sexuel), le texte de Vahina Giocante en vient à remettre en cause tout le système de production cinématographique français. Des réalisateurs aux acteurs, en passant par les producteurs, son portrait à charge est sans appel : “Certains réalisateurs qui confondent le désir créatif avec celui de la chair, certains producteurs qui tentent d’user de leur influence en échange de quelques faveurs, certains partenaires qui profitent d’une scène intime pour se frotter et vous fourrer la langue …. Bref la liste est longue …”
Son témoignage devient profondément glaçant, lorsqu’elle énumère les injonctions humiliantes permanentes entendues sur les plateaux de tournage : “Sois douce mais bandante et tais-toi s’il te plait” ; “Sois intelligemment conne parce que ça m’excite”, etc. Cette misogynie crasse et éhontée culmine lorsqu’elle évoque le tournage d’une scène de danse de la série Mata Hari, pour laquelle les producteurs lui “lancent le plus naturellement du monde sourire aux lèvres – ‘Bon là il faut y aller, faut tout donner, faut faire bander dans les caleçons.‘”
L’abjection de ces paroles dégradantes et humiliantes lui font “l’effet du bombe”: “Ma mission ultime ? Faire bander dans les caleçons ? J’en ris aujourd’hui mais considérant mon passif d’enfant sexuellement abusé cette phrase fut l’effet d’une bombe à l’époque… Ça ne s’arrêtera donc jamais, de mon père au parfait inconnu c’est donc ce qu’on attend de moi ??!!!”. Cette violence systématique la conduit à quitter la France pendant sept ans, pour réparer les profondes blessures que lui ont infligées le monde du cinéma, avant de revenir “en femme apaisée, solide, construite, aimée, et libre”.
Vers un MeToo Français ?
En l’espace d’un mois, ce témoignage de Vahina Giocante s’ajoute à la lettre ouverte d’Adèle Haenel mais aussi à l’enquête réalisée par Médiapart dans laquelle 13 femmes accusent Gérard Depardieu de violences sexistes et sexuelles. Une nouvelle ère pourrait donc bien s’être ouverte depuis le 1er témoignage d’Adèle Haenel en 2019. La puissance de son discours, portée par une colère et une conscience politique aiguë, trouve aujourd’hui de nouvelles chambres d’écho et libère de nouvelles paroles.
Pour Vahina Giocante, le temps de l’impunité, du silence et du déni touche à son terme, même si les forces conservatrices tentent encore de préserver le vieux monde : “Vous pouvez le combattre ou l’ignorer mais rien ni personne ne peut le réduire au néant parce qu’il est puissant, juste et que c’est le moment. Ni le rejet, ni les moqueries, ni la haine, rien ne peut s’opposer à cette grande purge collective. Cette colère dérange et démange elle est très similaire à l’énergie d’un volcan qui se réveille. Elle effraie parce qu’elle est inéluctable et elle ne s’apaisera que lorsqu’elle sera exprimée mais surtout ENTENDU …”. À l’aube du festival de Cannes, la dénonciation des violences sexistes et sexuelles est au cœur du cinéma français.
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