L'affaire Duhamel va-t-elle déclencher le #Metoo de l'inceste en France?

Depuis la parution du livre de Camille Kouchner, “La familia grande”, l’impact de l’affaire Duhamel et le déferlement médiatique nous font espérer un #Metoo de l’inceste en France, un tournant sociétal majeur vis-à-vis de ce fléau resté longtemps...

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Camille Kouchner témoigne dans La Grande Librairie à propos de l'inceste commis sur son frère jumeau par Olivier Duhamel et qui est le sujet de son livre

Depuis la parution du livre de Camille Kouchner, “La familia grande”, l’impact de l’affaire Duhamel et le déferlement médiatique nous font espérer un #Metoo de l’inceste en France, un tournant sociétal majeur vis-à-vis de ce fléau resté longtemps tabou.

Le Nouvel Obs, qui a été le premier à interviewer Camille Kouchner, ne s’y est pas trompé en titrant en Une: “Inceste, la fin d’un tabou”. Le ton des médias a changé.

Au-delà de l’intérêt suscité par la personnalité d’Olivier Duhamel, cette affaire est aussi inédite par la façon dont elle est révélée. Camille Kouchner a dévoilé, avec l’assentiment de son frère “Victor”, l’inceste qu’il a subi et sur lequel lui-même ne souhaite pas s’exprimer publiquement.

Bien davantage que les faits, Camille Kouchner décrit la mécanique implacable du système incestueux, celle qui permet au silence de s’installer, aux crimes de perdurer et de rester impunis tant d’années.

 

Le “système agresseur” décrit par la psychiatre Muriel Salmona peut être mis en échec lorsque les victimes parviennent à s’unir pour mettre fin à la tyrannie du silence.

 

C’est ainsi que son livre contribue à briser le tabou de l’inceste car il interroge le rôle de celles et ceux qui savent et qui ne peuvent plus faire semblant de ne pas voir. Et par ce biais, le positionnement de la société dans sa globalité face à cet interdit.

Ce récit est universel car il évoque aussi la difficulté qui existe au sein des familles à briser le silence sur l’inceste. Ce sont les victimes qui parlent ou celles et ceux qui les soutiennent qui subissent souvent l’opprobre et le rejet familial, la culture du viol et les affres du système judiciaire quand elles/ils ont le courage de déposer plainte.

Ce qui est par ailleurs notable, c’est la fraternité qui prévaut autour des révélations de Camille Kouchner. Outre l’assentiment de “Victor”, un autre de ses frères, Alexandre Kouchner, lui a témoigné publiquement à plusieurs reprises son soutien.

Le jour de la sortie du livre, il écrivait dans un tweet: “j’aime mes frères et ma sœur. Je salue leur courage et soutiens leur choix de briser le silence (...) et il a conclu à juste titre “que tous les bourreaux tremblent”.

Le “système agresseur” décrit par la psychiatre Muriel Salmona peut en effet être mis en échec lorsque les victimes parviennent à s’unir pour mettre fin à la tyrannie du silence. L’arbitraire se fissure pour laisser place à la loi pénale et/ou à la vérité.

 

 

Une solidarité à l’origine du mouvement #Metoo quand des actrices ont porté ensemble les accusations d’agressions sexuelles contre le producteur Harvey Weinstein après des années de silence imposé par le magnat d’Hollywood. À une moindre échelle, on voit parfois des affaires d’inceste ou de pédocriminalité aboutir à une condamnation aux Assises ―et dieu sait qu’elles sont rares (moins de 1%)― lorsque plusieurs victimes d’un même prédateur, d’une même fratrie ou cousinade font bloc. La concordance des témoignages sur le mode opératoire des auteurs étant un élément de preuve important dans des affaires judiciaires qui sont malheureusement trop souvent réduites à une affaire de parole contre parole.

Camille Kouchner a d’autre part expliqué qu’elle avait écrit “la Familia grande” pour ses cousins, ses frères et ses sœurs. Autrement dit, sa génération. Celle de quadragénaires qui osent désormais prendre la parole pour dénoncer: de Flavie Flament à Vanessa Springora en passant par Andréa Bescond, Sarah Abitbol ou les fondateurs et membres de la Parole libérée. Cette génération, dont je fais partie, a à la fois subi l’inceste, l’omerta et le déni. Mais elle est parvenue à sortir de ce carcan en s’appuyant sur les changements sociétaux générés par le mouvement #Metoo ainsi que sur les luttes pionnières qui ont ouvert la voie.

C’est aussi une génération de jeunes parents qui apprennent plus systématiquement à leurs enfants à savoir dire non, à garantir leur intégrité et à la tolérance zéro face à des comportements déviants. Elle contribue ainsi à un changement de paradigme en faveur des victimes et à un message de tolérance zéro sur la pédocriminalité et l’inceste.

En ce sens là aussi, oui les bourreaux peuvent désormais trembler. Nous ne nous laisserons plus faire.

Violée à 5 ans par un cousin de 39 ans, j’ai moi-même porté plainte après 32 ans d’amnésie traumatique. Les faits étant prescrits, je suis allée jusqu’en cour de Cassation et j’ai médiatisé la question de l’amnésie traumatique, ce mécanisme neurologique par lequel le cerveau se protège d’un traumatisme, qui m’avait empêchée de dénoncer les faits plus tôt.

Si l’impact de l’affaire Duhamel est si fort, c’est aussi car l’opinion publique est davantage prête à entendre l’innommable tout en souhaitant la condamnation des vrais coupables.

Les critiques encore virulentes il y a peu de celles et ceux qui protestaient contre les prétendues “atteintes à la liberté” et “délation”... etc ont été absentes ou inaudibles. Quasiment personne n’a pris publiquement la défense du politiste hier encore si puissant.

 

C'est la génération des quadragénaires qui ose prendre la parole pour dénoncer: de Flavie Flament à Vanessa Springora en passant par Andréa Bescond, Sarah Abitbol ou les fondateurs et membres de la Parole libérée.

 

Le débat avait au contraire été beaucoup plus vif autour de la parution en janvier 2020 du livre de Vanessa Springora “le consentement” qui a déclenché l’affaire Matzneff. Sans oublier aussi les artistes et avocates qui étaient montés au créneau en criant à la “censure” pour défendre le réalisateur Roman Polanski, accusé de pédocriminalité, au moment de sa récompense aux Césars.

Signe des temps, le récent limogeage du philosophe Alain Finkielkraut après des propos consternants sur le “consentement” sur la chaîne de télévision LCI. Oui, l’époque a changé et les mentalités évoluent.

Face à ce tournant sociétal majeur, la réponse politique n’est pas à la hauteur: une loi sur les violences sexuelles et sexistes, dite Loi Schiappa, votée en août 2018 décevante et insuffisante. Une Commission sur l’inceste confiée à l’ancienne garde des Sceaux Elisabeth Guigou qui a démissionné le 13 janvier. Proche de Duhamel, donc potentiellement susceptible d’être entendue en tant que témoin dans l’enquête judiciaire qui vient d’être ouverte contre lui, la position de Mme Guigou n’était plus tenable.

La mise en place d’une commission qui ne doit rendre ses conclusions qu’en 2023 et tente ainsi de repousser le problème ne réussira pas à mettre sous le tapis les violences sexuelles contre les mineur.e.s. La parole va continuer à se libérer, d’autres affaires éclater et le sujet pourrait s’inviter lors de la campagne de la présidentielle en 2022.

Le gouvernement devrait se saisir de ce moment historique pour faire le choix d’une société moderne en faisant évoluer les lois. Nous demandons un seuil d’âge de non consentement à 15 ans (18 ans en cas d’inceste, de vulnérabilité, de handicap ou d’adulte ayant autorité), l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur.e.s, l’introduction de l’amnésie traumatique dans la loi et la levée de prescription en cas de prédateurs pédocriminels en série.

 

À voir également sur Le HuffPost: “Nous demandons que les crimes sexuels sur mineurs soient imprescriptibles”